49. Uriel et Juliette

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« VAS-Y MAXOU ! Plus que deux buts de retard ! »

Le dernier match de handball de l'année avait bien mal démarré. Sur le banc toute la première période, Gabriel n'avait pu que constater le massacre. Après quelques mauvais résultats en avril et en mai, l'équipe entrainée par Didier avait vu son avance au championnat fondre. Tout se jouait maintenant. Si la jeune troupe l'emportait, le club finirait premier de sa ligue. Après avoir dominé la compétition pendant des mois, les joueurs n'avaient pas d'autre choix que de plier ce match pour enfin pouvoir soulever cette coupe qu'ils avaient tant attendue. Après la pause, au moment où Gabriel rentra sur le terrain, ils étaient menés de six buts. Pas grand-chose quand on les a d'avance, une montagne infranchissable quand on doit combler l'écart. Heureusement, le jeune châtain fit une nouvelle fois des merveilles. De sa cage, il hurlait pour encourager les joueurs de champ et n'hésitait pas à utiliser toutes les parties de son organisme pour contrer les tirs ennemis.

« Même pas mal ! », cria-t-il en se tenant les noisettes après s'être pris le plus méchant choc de sa courte carrière sportive. L'espace d'un instant, il compatit avec Hubert pour le coup de pied qu'Alicia lui avait placé dans les roustons. Un ballon en plein dans les roubignoles, ça pique quand même un peu. Mais il en fallait plus pour le décourager. De sa zone, il fit une longue passe à Clément qui, après s'être envolé par-dessus la défense, réduisit encore la marque d'une de ses fameuses roucoulettes avant de faire le signe des cornes à l'aide de ses petits doigts. Pour un jeune métalleux d'origine italienne, ce qu'il était, il n'existait pas de meilleure provocation possible afin de déstabiliser le camp d'en face.

Malheureusement, la joie fut de courte durée. Quelques secondes plus tard, les adversaires du jour reprirent une fois de plus le large, ce qui poussa Gabriel à demander à Didier d'utiliser son dernier temps mort.

« Les mecs, on n'a pas souffert toute l'année pour flancher maintenant. Merde quoi ! On se bouge le cul, il reste moins de cinq minutes, on peut le faire ! Concentre-toi Maxou, tu fais n'importe quoi ! Je sais que ça te perturbe que Jiji soit dans le public, mais merde, essaie de ne pas lui faire trop honte ! »

Les jeunes handballeurs ne connaissaient pas Djibril. Depuis janvier, le blond vénitien se l'était jouée particulièrement discrète quant à ses relations affectives. Ses frasques bisexuelles avaient presque fini par manquer au groupe. En entendant Gaby parler de cet étrange inconnu, Clément sembla fulminer, autant par jalousie que par colère. Maxime, le mec avec qui il parlait tout le temps et qui le soutenait dès qu'il en avait besoin, celui-là même avec qui il était sorti pendant des mois, et bien ce salopiaud n'avait même pas pensé à le prévenir qu'il s'était trouvé un nouveau petit copain ! Même si ce comportement était dicté par un sentiment protecteur, la gifle restait violente pour le petit buteur aux cheveux noirs, teintés ici et là de mèches blondes. Son camarade aux yeux gris baissa la tête. Foutu Gabriel, incapable de fermer sa grande gueule !

Cette petite mise au point eut quand même des effets positifs. À trente secondes de la fin du temps réglementaire, les deux équipes étaient enfin à égalité, pour la première fois depuis le début du match. Seul problème, c'étaient leurs adversaires qui avaient le ballon, et tout portait à croire qu'ils ne voulaient pas laisser filer leur chance. Après une combinaison complexe et trompeuse, leur joueur le plus costaud décocha son tir le plus puissant en direction de la tête de Gabriel. Ce dernier ne ferma pas les yeux et plaça son front sur la trajectoire. Il voulait trop gagner pour penser à la douleur. La balle vola en l'air un court instant qui parut interminable aux sportifs et à leur public, puis retomba au milieu de la zone. Le panneau d'affichage indiquait qu'il restait cinq secondes à jouer, ce qui semblait induire que, malheureusement, les équipes se sépareraient sur un match nul et que Maxime ne soulèverait pas la coupe au nom de son équipe. Alors que le goal adverse, avant même le coup de buzzer final, quittait sa cage pour rejoindre et féliciter ses camarades, il vit passer la balle à côté de son visage et s'encastrer au fond de ses filets. Gabriel avait tenté le tout pour le tout. Il n'avait pas le temps de faire une passe à Maxou ou à Clément. Du bout du terrain, il avait tiré au hasard le plus fort possible. But ! Ils étaient champions.

GabrielWhere stories live. Discover now