17. Douceur du printemps

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« Pendant les vacances, si tu veux t'entraîner, tu peux venir me dessiner chez moi, j'ai du temps libre et je peux réviser avec mes bouquins en même temps, ça m'gêne pas. Ça m'ferait même plaisir, p'tit Gaby ! »

Voilà donc la proposition indécente qu'Élise Thaillard avait formulée au jeune collégien.

Les quelques jours qui suivirent cet épisode ainsi que son accident nocturne, Gabriel ne fut que l'ombre de lui-même. Au collège, il semblait absent, comme si quelque chose de plus important que de faire chier le vieil Adfond et rétablir la paix sociale accaparait son esprit. Quand ses camarades lui demandaient quelle était la suite qu'il avait prévue aux évènements, il répondait juste « on verra après les vacances, là, tout le monde est fatigué ». Lui l'était sans doute plus que les autres. Loin de vouloir calmer les choses, Vanessa et Khoudia se faisaient plus que jamais la guerre, et pas un jour ne passait sans un nouvel incident. Alors, pour continuer à motiver tous les non-violents du groupe MK, Ana avait pris les devants et avait revêtu les habits de chef, le temps que Gabriel redevienne lui-même et que son enthousiasme contagieux n'entraine à nouveau tout le monde sur son passage. Le seul qui semblait comprendre que le problème ne venait certainement pas d'un manque de vitamines ou d'une grosse fatigue, c'était Djibril. À force d'observer son ami, il avait fini par le connaître, et mieux, il le comprenait.

« Allez Gaby, tu sais qu'tu peux tout dire à ton p'tit Jiji ! Enfin, presque tout, hein, parce que tu r'dis encore une fois le mot gayzou en parlant de moi, j't'étrangle et j'm'excuse même pas ! »

En réalité, Djibril aimait bien ces petits surnoms à la con que Gabriel lui trouvait jour après jour. D'une certaine manière, cela l'aidait à s'accepter et à s'assumer, même si les membres de sa famille et ses amis ignoraient son lourd secret, ou faisaient mine de l'ignorer pour les moins stupides d'entre eux. Et puis, à son corps défendant, il savait allier tendresse et discrétion. À part Gabriel, nul ne pouvait prétendre savoir avec certitude quels étaient les goûts du jeune Marocain. Ils étaient éclectiques et explosifs. Il aimait tout. Un jour, il fantasmait sur les grands blonds aux yeux clairs, le lendemain, c'était les athlètes noirs aux muscles si bien dessinés qui le faisaient vibrer, et le week-end, il passait son temps libre à secrètement fouiller les méandres du net à la recherche de photos de petits Asiatiques de son âge trop mignons et qu'il voulait juste croquer. Mais ceux qu'il préférait, étrangement, c'était les petits châtains un brin artistes. Non pas parce qu'il leur trouvait quelque chose de spécial, mais tout simplement parce qu'il était de plus en plus attaché au garçon qui avait réussi à l'apprivoiser. Il savait cependant que cet amour était à sens unique, sans réelle réciproque ; il savait que, si Gabriel acceptait de le câliner et de lui faire des bisous baveux sur la joue dès qu'ils étaient seuls, c'était avant tout par amitié et au nom d'une profonde affection, mais certainement pas à cause d'un intérêt réel. Djibril avait compris qu'une autre personne que lui accaparait l'esprit du jeune artiste. Ce dernier lui répondit en lui passant la main dans les cheveux.

« Merci, p'tit bonobo. En fait, c'est tout con, ch'uis dans le même cas que toi. J'en chie à cause de c' qui s'passe dans ma tête. »

Le jeune Berbère fit la moue devant ce nouveau surnom dont il comprenait très mal la signification, puis se ressaisit en voyant Gabriel lui sourire avec tendresse. Quand son camarade était comme ça, Djibril n'avait qu'une seule envie : lui demander de sortir avec lui et ainsi dire fuck au monde entier. D'ailleurs, même si d'autres mecs dans le lycée ne le laissaient pas indifférent, il n'y avait vraiment que pour les beaux yeux du mirifique châtain qu'il aurait été capable de franchir le pas. Mais il comprenait le message particulièrement limpide de ce dernier. Alors, avec une pointe de jalousie dans la voix, il lui demanda le nom de la belle, ce à quoi Gabriel répondit, les yeux brillants, dans un soupir.

GabrielWhere stories live. Discover now