39. Le drame de l'adolescence

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Février, les vacances scolaires commençaient enfin. Comme chaque année, Maxou avait la chance de passer quinze jours à Courch dans un magnifique chalet au bord des pistes, propriété de sa famille. Et pour le récompenser de ses notes plus qu'acceptables, sa génitrice lui offrit l'occasion d'inviter un ami la première semaine. Son choix se porta naturellement sur Gabriel, qui fit ainsi la rencontre de Chantal, la mère un peu autoritaire et débordée par sa progéniture, de Jean, l'aîné studieux qui ne sortait jamais de sa chambre, même pas pour skier un peu, de Chloé, la petite peste qu'il avait déjà aperçue à plusieurs reprises dans la cour de récréation et du petit Marko, un jeune garçon adorable dont les cheveux blonds reflétaient à merveille les rayons du soleil. Seul manquait Francis, le père aigri qui ne prenait jamais de vacances avec sa famille. À part Maxou, personne ne songeait vraiment à le lui reprocher. Son rôle dans l'empire justifiait largement ses absences.

Gabriel se sentait plutôt mal à l'aise dans cette famille bourgeoise. Sa mère et son oncle l'avaient toujours éduqué dans le respect des autres et ils lui avaient inculqué la valeur de l'argent. Du coup, le faste lui était anxiogène, surtout quand il découlait du destin plus que du travail. Et puis, un artiste ne se nourrissant que d'air pur, d'eau fraiche, de muses et d'idées volantes, il n'avait pas besoin d'argent, juste du strict nécessaire pour vivre, comme le père Michel. Dans la famille Darnan, seul Maxime semblait faire des efforts pour ne pas afficher son opulence. Il voulait se fondre dans la masse, ce qui n'était, au final, pas si compliqué que ça. À Sigismond, les plus pauvres étaient souvent les enfants de profs. Les autres n'avaient aucun problème quant à leurs fins de mois.

Les pistes de la station de Courchevel étaient nombreuses et bien entretenues. Et même si les soirées au coin du feu étaient toutes plus tendues les unes que les autres, Gabriel passa d'excellentes vacances. Avec son camarade, il partait tôt le matin pour s'éclater là où personne n'allait, sur les pistes reculées et sur les petits chemins, avant d'aller chercher Marko à la fin de son cours de préparation à la première étoile, de l'emmener manger au restaurant d'altitude et d'aller skier avec lui l'après-midi sur les pistes bleues et vertes en faisant les clowns pour l'égayer. Le châtain était excellent dans cet exercice. Quand il s'amusait à skier à l'envers dans sa tenue rose fluo en gesticulant et en criant comme s'il allait tomber, tout le monde s'arrêtait sur le bord pour le regarder. Quand il faisait quelques figures faciles sur une bosse, Marko l'applaudissait comme s'il était son héros. Et quand l'écolier essayait de copier son modèle, tombait et se faisait mal, son grand frère se jetait immédiatement sur lui pour le consoler, même si cela poussait le gamin à en rajouter un peu. Maxime ne pouvait pas s'en empêcher. Son cadet était si gentil qu'il s'était imposé comme mission de le protéger le plus possible de l'état d'esprit puant de son clan et donc de le couvrir et de le dorloter plus que nécessaire. Pour sa mère et sa sœur, c'était là une très bonne occasion de se débarrasser du petit pleurnicheur pour passer de belles après-midi entre filles, même si elles se retrouvaient bien plus volontiers au bord de la terrasse du petit café en bas des pistes à critiquer les skieurs de passage qu'à démontrer leur propre talent en matière de glisse.

Les nuits, Gabriel et Maxime les passaient dans la même chambre, à l'étage, loin du bruit et des tracas. Malgré le calme prodigué par ces vacances, le garçon aux yeux bleus ne pouvait s'empêcher d'être soucieux. Le dernier soir, il se confia sur ce qui le tourmentait. Son impuissance dans l'affaire Uriel le rendait fou. Il ne savait même pas comment s'y prendre. En quatrième, les tensions étaient telles qu'il fut facile de trouver ici et là des camarades de lutte pour changer les choses. Hubert était bien plus vicieux que Khoudia et Vanessa réunies. Le jeune futur comte se moquait bien de foutre le bordel et de monter les gens les uns contre les autres tant qu'il avait son petit souffre-douleur à lui. Le jeune Israélite subissait en silence et tout le monde fermait les yeux. Malgré la sympathie et le soutien de Maxime, Gabriel se sentait seul et impuissant. Et pourtant, il voulait changer les choses, venir en aide à son ami aux nombreuses taches de rousseur et rabattre le caquet à cette pourriture d'Hubert, mais tout ce qu'il avait fait jusqu'à présent, c'était mettre son cul bien au chaud dans sa classe mixte en laissant son camarade se faire maltraiter d'une manière de plus en plus ignoble.

GabrielTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon