26. Un nouveau départ

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« T'as fait quoi de beau, toi, pendant les vacances ? »

Le 15 août était déjà passé depuis près de deux semaines et Gabriel glandait sur son PC dans son nouvel appartement, en discutant sur Skype avec quelques vieux copains, notamment avec Kilian, le petit blondinet rhodanien avec qui il causait souvent de tout et de rien. L'adolescent en plein émoi lui raconta son séjour sportif dans un camp pour jeunes, où pour la première fois de sa vie, il avait embrassé une fille. Léna, qu'elle s'appelait. Elle était belle, elle possédait de magnifiques cheveux longs, et surtout, elle l'aimait, lui, le timide collégien un peu gauche et inculte quant aux choses de la vie. Il s'était même décidé à sortir avec elle, mais la distance n'aidait pas leur relation affective. Après avoir profité du soleil brulant et des bienfaits de la mer avec un pote à lui en Corse, il était de retour chez lui, et à deux jours de la rentrée à peine, cette histoire semblait lui peser plus qu'autre chose.

« Tu ferais quoi, toi, si tu étais à ma place ? »

Gabriel souriait. Plus Kilian semblait torturé, plus il était agréable à dessiner. Ses traits si doux et prononcés étaient toujours plus intéressants à reproduire, que ce soit à la plume, au crayon ou au fusain. Le jeune artiste aux yeux bleu océan hésita quelques instants avant de lui répondre. Bien sûr, il était ravi pour son camarade. Les filles sont si agréables à fréquenter. Mais pour ce dernier en particulier, il y avait quand même quelque chose qui clochait. Ce n'était pas uniquement la distance qui le séparait de sa promise qui semblait perturber le candide collégien. Il y avait autre chose.

« Plaque-la ! T'es pas amoureux d'elle. C'est trop cramé, Kil, tu penses que tu la kiffes car c'est la première fille que t'as embrassée, mais si elle obnubile ton esprit, c'est surtout parce qu'elle te fait chier ! Tu sais, les gonzesses, hein, c'est vraiment spécial... Et toi, t'es trop bien pour elles, elles te méritent trop pas ! »

En entendant cela, Kilian glapit. Quand même ! S'il n'était pas fait pour les femmes, pour qui l'était-il donc ? Quand même pas pour les chimpanzés, les koalas ou même cet odieux petit brun qui l'avait tourmenté durant toute la durée du camp, qui lui avait volé un baiser le dernier soir de manière maligne et honteuse et qu'il cherchait depuis à éradiquer de son esprit sans jamais y parvenir ?

« Ouais, t'as raison... Je crois que c'est mieux comme ça. Et puis, je trouverai bien une autre copine au collège, il parait que je suis mignon, ça doit aider, non ? »

« T'es trop bête, Kil, un jour, ça te causera du souci, tu verras ! Bon, j'ai fini ton portrait, je te le scanne tout de suite, attends ! »

Déjà, Gabriel était passé à autre chose. Lui aussi avait une rentrée à préparer. Depuis son renvoi en fanfare de Léon Blum, le jeune artiste n'avait pas vu le temps passer. En juin, sa mère ne le lâcha pas d'une semelle et le fit travailler d'arrache-pied dans leur petit appartement, comme pour lui faire passer l'envie de refaire des vagues en troisième. Et quand enfin il arriva au bout de ses maths, de son histoire et de son français, elle lui fit préparer ses cartons pour leur nouveau déménagement.

« Sérieux, si c'est pour changer de maison tous les ans, je vais plus les défaire les cartons, moi ! »

Début juillet, pourtant, et malgré ses petites crises de nerfs, il fut heureux de faire ses adieux à la cité des Rosalines et à ses amis Djibril et Ana. Invité une dernière fois chez la douce Africaine, il put fêter son départ pour les murs intérieurs de la capitale dans le faste de l'hospitalité si commune aux gens du soleil. Ce déménagement l'éloignait de sa petite banlieue de quelques stations de RER et de métro à peine, mais quitter la Seine-Saint-Denis pour Saint-Germain-des-Prés, c'était comme changer de monde et d'univers. Il passait de l'enfer du béton au paradis haussmannien, de sa petite histoire à la grande et de sa folle année de quatrième à une sans doute plus calme, maintenant qu'il entrait en troisième. Au moment des au revoir, ce fut Djibril qui pleura le plus, comme si on venait de lui arracher une partie de son être.

GabrielTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang