27. Premiers jours au paradis

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« Silence dans les rangs, l'appel va commencer. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je me présente, je suis Monsieur Gustin, le directeur de ce collège, et je préfère être clair d'entrée de jeu, aucun manquement à la discipline ne sera toléré entre ces murs. Pour ceux qui me connaissent, j'espère que vous êtes prêts à travailler une année de plus dans le respect de nos règles et que tout se passera bien comme l'année précédente. Bien, il est temps de faire l'appel, je commence par la Troisième F1. Mademoiselle Juliette Demaison ? »

Pris par sa discussion avec son nouveau copain, Gabriel n'avait pas vu cet homme sec, chauve, aux traits sévères et aux petites lunettes fines s'approcher. Il portait un costume bleu foncé cintré et parfaitement repassé sur une chemise blanche rayée. Autour de son cou noueux, une cravate qui s'assortissait à merveille avec le reste de son ensemble. Le jeune artiste frissonna. Une sorte d'aura agressive semblait se dégager de ce corps frêle mais pourtant imposant. L'homme semblait être fait pour diriger, et les élèves pour obéir. Pour la première fois de sa vie, Gabriel était sincèrement impressionné par un représentant de l'autorité. Ce directeur n'avait rien de commun avec le pauvre Adfond qui se sentait obligé de lever la voix pour tenter de se faire respecter. Ce Gustin, lui, en imposait par sa simple présence. Dès qu'il avait ouvert la bouche, tous les collégiens s'étaient tus et certains même avaient baissé la tête dans un signe de soumission invraisemblable pour cette génération. Voyant son air intrigué, Maxime chuchota à l'oreille de son camarade.

« Il est moins méchant qu'il en a l'air. Il est sévère, mais juste. Tu respectes les règles, tout se passe bien, tu fais chier, tu dégages. Au moins, c'est clair. Mais quand t'as des problèmes, son bureau est toujours ouvert. C'est un type bien et... »

Avant même qu'il n'eut l'opportunité de finir sa phrase, le garçon aux cheveux jaune orangé s'était fait couper la parole par l'homme qu'il décrivait.

« Monsieur Darnan, sans vouloir vous commander, il me semblerait appréciable que vous ne commenciez pas l'année par une heure de colle. Je vous prierai donc d'attendre l'appel de votre nom dans le calme, comme tous vos petits camarades ! »

Le garçon coiffé en pétard baissa immédiatement les yeux au sol, à la grande surprise de Gabriel. Ce dernier eut même un mouvement de recul en découvrant la sévérité de son nouveau directeur, et surtout, en appréciant la docilité de son voisin. Un autre univers, très clairement, par rapport à l'année précédente. Étrangement, un sourire se dessina sur son visage et ses yeux se mirent à briller. Cela lui plaisait. Tel un frisson, une irrésistible envie de foutre le bordel et de décoincer cette bande de petits bourgeois bien dressés lui parcourut le corps. Sa joie fut de courte durée. Elle s'arrêta pile-poil au moment où il découvrit dans quel traquenard il venait de tomber et quel mauvais tour sa mère lui avait joué lors de son inscription.

« Dis, Maxou, c'est marrant, mais depuis tout à l'heure, il n'appelle que des filles, le directeur... Ça en fait déjà plus de vingt pour la classe F1 et toujours pas de mecs... C'est de la galanterie ou juste de la connerie ? »

L'adolescent au polo rouge et blanc dut couvrir sa bouche de sa belle main douce pour ne pas partir dans un éclat de rire sonore. Alors comme ça, le petit nouveau n'était pas au courant de certaines particularités de Sigismond, celles qui avaient fait la réputation de l'établissement dans toute la région ? C'était tout bonnement hilarant.

« Ce collège est super, méga, ultra, hyper catho. Alors pour faire bon chic bon genre et pour plaire aux vieilles familles de France, ils ont gardé le principe des classes non mixtes. D'un côté les filles, de l'autre les garçons. Deux de chaque, et puis deux autres classes mixtes quand même, pour que les petits pervers comme moi puissent draguer, sinon, ça ne le ferait pas ! »

GabrielWhere stories live. Discover now