43. Bisous et règlements de compte

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Le printemps semblait enfin là dans la cour du collège Sigismond, et en lieu et place des habituelles hirondelles, c'étaient les adolescents qui sortaient le nez de leurs froides salles de classe pour profiter des rayons du soleil. Pour les animaux, cette saison est souvent celle des amours. Pour les collégiens, il n'y avait pas vraiment de période, mais Jean Gustin ne pouvait que constater l'évidence : la douceur des alizés s'accompagnait irrémédiablement de quelques manquements au règlement intérieur. Ici et là, et même si tout était fait pour éviter une trop grande proximité, les jeunes flirtaient. Les troisièmes, surtout, étaient insupportablement dissipés, comme s'ils n'avaient pas conscience qu'ils jouaient en cette période leur entrée au lycée et la réussite de leur brevet. Comme tous les jeunes de leur âge, ils préféraient le foot et la glande à la recherche de mentions. Le directeur n'y pouvait rien. Après le repas du midi, il n'y avait souvent plus grand-chose à tirer de cette génération. Alors il les observait avec calme et avec un poil d'affection, sentiment qu'il préférait cacher d'habitude. Il avait une réputation à tenir. Sur des marches au loin, il aperçut le jeune Darnan textoter à toute vitesse, acte fortement répréhensible dans l'enceinte de l'établissement. Cette scène était étonnante à plus d'un titre : déjà, il semblait incroyable que Maxime, le plus gros dragueur de la cour de récré, ne soit pas en chasse alors que tant de donzelles remuaient leur derrière juste sous son nez. Ensuite, il était rare de le voir manquer au règlement de manière aussi audacieuse. D'habitude, il ne sortait jamais son téléphone, quelle raison pouvait donc le pousser à frauder de la sorte ? Enfin, et c'était bien là ce qui angoissait le plus le directeur, il n'était pas accompagné de son inséparable camarade aux yeux bleus. Arrivé à hauteur du collégien, Jean Gustin l'apostropha d'une voix sèche.

« Jeune homme, rangez-moi ça immédiatement avant que je ne me rende compte de ce que vous êtes en train de faire. Et où est donc Gabriel ? Pourquoi diable n'est-il pas avec vous ? »

Le blond vénitien leva tranquillement la tête en glissant son téléphone dans sa poche. Heureusement que le directeur n'avait pas essayé de le lui confisquer, ce qu'il aurait pu y lire sur l'écran l'aurait sans aucun doute choqué. Avec son air flegmatique d'adolescent, il lui répondit :

« Je crois qu'il est en train de faire une sieste sur le toit. Comme il faisait beau, il m'a dit qu'il voulait en profiter un peu. Mais n'allez pas le déranger, hein, y a Alicia avec lui ! J'crois qu'il drague sévère ! »

Le titulaire de l'autorité au crâne chauve ferma les yeux, se passa la main sur le visage et soupira profondément. Sans même s'en rendre compte, il pensa à haute voix, ce qui ne manqua pas de faire rire son jeune interlocuteur.

« Ce p'tit merdeux va me rendre chèvre ! Oh et puis merde, qu'il y reste sur son toit, j'vais pas appeler les pompiers à chaque fois qu'il fait le con. »

Même s'il faisait beau et si le temps poussait tout le monde vers l'extérieur, le directeur passa le reste de la pause-déjeuner enfermé dans son bureau à trier des papiers en bêlant.

Sur les hauteurs du collège, Gabriel flânait en effet, allongé au côté de la douce Alicia. Plus les jours passaient, plus ils semblaient proches. Le collégien n'était pas amoureux, mais presque. Libéré du poids qui l'avait entravé pendant plus d'un an, il se sentait enfin capable de profiter pleinement de la vie. Il était un nouvel Épicure, la douce tête de classe une de ses meilleures élèves. Elle lui enseignait les maths, il lui apprenait à tenir un crayon et à créer.

Depuis son enfance, la jeune fille travaillait avec rigueur pour rendre fier son papa adoré, un homme d'origine modeste qui s'était construit dans l'adversité et qui avait fait un beau mariage. Il était tellement gentil et généreux avec ses enfants qu'Alicia voulait tout faire pour lui plaire. C'est ainsi que, très jeune, elle s'était mise à la danse classique et qu'elle avait fait de la première place de sa classe un objectif. Comme elle était intelligente et courageuse, s'en emparer avait été assez simple, mais malheureusement, cela l'avait quelque peu coupée des joies de l'adolescence. Bien sûr, il y avait eu Maxime, qui à lui seul avait embrassé près de la moitié des filles du collège, mais comme pour les autres, ce ne fut qu'une amourette très passagère qu'elle s'était accordée pour ne pas paraitre faible et délaissée par les garçons par rapport à sa principale concurrente, Julie, deuxième de la classe et elle aussi accrochée depuis belle lurette au tableau de chasse du blond vénitien.

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