INVISIBLE OBSESSION

• Chapitre 25 •

"Il y a des silences qui en disent long, et des présences qui réparent sans bruit."

— Christiane Singer

Daphné

Deux semaines.

Deux semaines que j'ai reçu cette lettre.

Deux semaines qu'une autre photo a glissé dans ma boîte aux lettres, comme une réponse muette à mes silences. Je suis assise par terre, les jambes repliées contre moi, le dos calé contre le vieux fauteuil beige du salon. Mon sweat trop grand me couvre jusqu'aux doigts. Toria est à ma gauche, silencieuse, présente. Julia revient avec une théière fumante et trois tasses entre les bras. La table basse, bancale, croule sous le poids invisible de l'angoisse : deux photos. Deux fragments volés de ma vie.

La première photo, c'est celle que j'avais reçue il y a deux semaines. L'autre, celle d'hier...

Elle est pire.

C'est moi. Par la fenêtre de mon salon. Le regard vague, pensif. Une seconde volée sans mon consentement. Et au dos, ces mots griffonnés à la hâte :

𝙹𝚎 𝚜𝚊𝚒𝚜 𝚚𝚞𝚎 𝚝𝚞 𝚜𝚊𝚒𝚜 𝚚𝚞𝚎 𝚓𝚎 𝚝𝚎 𝚟𝚘𝚒𝚜, 𝙳𝚊𝚙𝚑𝚗𝚎́.

Un frisson me remonte la colonne. J'ai fini par craquer, par leur dire. Toria a pris ma main sans mot. Julia m'a regardée comme si elle lisait sur mon visage une langue ancienne. Aucune ne m'a jugée. Elles écoutent. Elles observent. Leur silence est plus solide que mille paroles.

— Ça pourrait être ce connard de Liam ? balance Julia, son thé à peine posé.

Le regard de Toria est un couteau bien aiguisé.

— Julia...

Mais moi, je souffle.
Oui. J'y ai pensé.

Bien sûr que j'y ai pensé. Liam, le mec de l'application, celui qui s'est défilé à notre rendez-vous, qui avait l'air presque nerveux, fuyant. Mais ça colle pas. Pourquoi me traquer, me surveiller, maintenant ? Il avait eu sa chance. Il a reculé. Pourquoi me suivre ensuite ? Pourquoi ce manège malsain ?

Mes yeux glissent sur les deux photos. Celle où je suis figée derrière ma fenêtre me fait mal. Elle me déshabille de ma tranquillité.

Je frémis.

Le mot se déchire de mes lèvres :

— Stalker...

Le dire à voix haute, c'est comme étirer une blessure. Je n'avais jamais osé le formuler. Tant que ça restait dans ma tête, ça restait flou. Mais là, c'est dit. C'est réel. Et ça me donne la nausée.

Toria boit une gorgée, lève les yeux, hésite. Puis :

— J'ai une hypothèse.

Je tourne lentement la tête vers elle. Mes doigts agrippent machinalement les ficelles de mon sweat.

— Dis-moi.

Elle baisse les yeux vers sa tasse, comme si la vapeur pouvait lui apporter la réponse. Julia lève les sourcils, agacée.

— J'aime pas quand tu fais ça. Parle.

— Je me dis juste que... peut-être que c'est ton ex. Celui de l'université...

Mon estomac se contracte. L'air me manque une seconde. Lui ? Non.

Non. Pas lui.

Il était toxique, oui.