• Chapitre 24 •

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"Ce n'est pas la présence qui oppresse, mais le regard qu'on ne voit pas. "

— Anonyme








Nickolas








Dix jours.

Dix putains de jours sans un mot.

Pas une réponse. Pas un message. Pas un appel.

Et pourtant je continue. Tous les soirs, sans faute. Un message. Toujours le même genre. Tu vas bien ? Parfois Tu dors ? Et puis je l'efface. Je recommence. Je l'efface encore. Jusqu'à ce que mes propres mots me dégoûtent.

J'ai jamais été ce mec-là. Le mec qui attend. Qui répète. Qui se fait ghoster et continue à tendre la main.

Et pourtant.

Chaque matin, je me dis que ce sera le dernier message.
Chaque soir, je recommence.

Ce n'est pas à cause de Caldwell. Ce n'est pas sa menace à la con qui me tient éloigné. Il a beau m'avoir sorti que je devais me concentrer sur la mission, que je devais garder mes distances avec la cible, je l'ai ignoré. Comme toujours quand il croit pouvoir me dicter ce que je ressens.

Non. Ce n'est pas lui.
C'est elle.

Elle qui ne répond pas.
Elle qui me laisse dans un flou trop lourd pour ma patience habituelle.

Je me surprends à passer devant le café où elle écrit parfois. Je me suis même garé en bas de sa rue, deux fois, moteur coupé, lumières éteintes. À observer la fenêtre de son salon sans jamais oser sortir. Pas parce que j'ai peur. Mais parce que je refuse de briser cette barrière qu'elle a dressée entre nous. Si elle doit tomber, elle doit tomber d'elle-même. Pas à coups de bélier.

Mais je m'inquiète.

Elle est liée à Aegis. Liée à une affaire qui dégouline de merde et de sang. Et je n'arrive même pas à me convaincre qu'elle va bien.

J'ai besoin de savoir.
Pas pour la mission.
Pour moi.










Aujourd'hui, j'ai pris la route pour Philadelphie. Deux heures de trajet. Une ligne droite un peu trop silencieuse. C'est le premier du mois. Et le premier du mois, je vais voir Nora.

Caldwell couvre une partie des frais de son traitement. Il était là quand je l'ai retrouvée, il y a six ans. Il m'aidait déjà à l'époque, avant même que je sache ce qu'était réellement l'OGS.

Elle est dans un centre. Un centre de rééducation spécialisée, perdu dans un coin calme de la ville. Le genre de bâtiment aux murs trop blancs, trop silencieux, où le temps semble figé. Ce n'est pas un hôpital — on n'y entre pas dans l'urgence. C'est un endroit pour ceux qui ont survécu, mais qui ne vivent plus tout à fait.

Quand j'entre dans sa chambre, elle dort. Comme toujours. Le même réveil en douceur. Il y a des nounours posés sur les rebords, des dessins accrochés — pas des gribouillis d'enfant, mais ces coloriages stylés qu'on remplit avec des feutres de mille couleurs, complexes, minutieux — au mur, un vase aux fleurs fanées sur la table de chevet.

Je remplace les fleurs. Des marguerites.

Elle les aime.

Je retire ma veste, doucement, essayant de ne pas faire de bruit. Mes gestes sont lents, automatiques. Je la dépose sur le fauteuil en coin, réajuste le col. Et c'est à ce moment-là qu'elle ouvre les yeux.

— Nick...

Sa voix est douce. Petite. Fatiguée.

Je me retourne aussitôt.

INVISIBLE OBSESSIONWhere stories live. Discover now