INVISIBLE OBSESSION

• Chapitre 20 •

"Certains silences ont le goût de l'aveu."

— René Char

Nickolas

J'avais cru que l'eau brûlante suffirait à m'arracher Daphné de la peau. Mais même sous la douche, elle restait là. Invisible. Imprégnée. Comme une encre qu'on ne peut pas effacer. Je m'étais dit que cette soirée passerait. Comme les autres. Comme toutes celles où je devais mentir. Mais ce soir-là... elle avait laissé une trace. Quelque chose de trop réel pour être rangé dans une case. Et moi, incapable de compartimenter. Elle avait ce don. D'apparaître dans mes pensées même quand je verrouille tout. Et c'est exactement ce que je ne peux pas laisser arriver.

2h07.

Le sous-sol de l'OGS n'a pas changé. Les néons grincent faiblement, projetant une lumière blanche et crue. Il y fait trop froid pour transpirer. Trop chaud pour ignorer le poids du silence. Liam est là. Assis. Menotté. Les épaules tombantes, les poignets entaillés par les liens. Un pansement terne sur la tempe, les traits creusés. Il ne parle plus. Pas depuis des heures. Il nous observe. Comme s'il essayait de deviner le scénario en cours.

Et pourtant, je ne ressens ni pitié, ni colère. Je le vois pour ce qu'il est : un maillon qui a tenté de m'imiter, et qui s'est retrouvé happé par quelque chose de bien trop grand pour lui.

Pas un ennemi.

Mais pas une victime.

Un pion mal placé sur l'échiquier.

J'ouvre la porte d'interrogation. Un seul miroir sans tain nous séparait avant.
Désormais, c'est moi qui suis là, en face. À distance contrôlée. Je referme derrière moi. Le claquement métallique résonne dans ses os autant que dans les miens.

Je tire la chaise. Je m'assieds. Nos regards se croisent. Le sien n'est ni suppliant, ni arrogant. Juste... résigné.

— Tu veux que je parle, lâche-t-il au bout d'un long moment. Mais même si je le faisais, t'oserais pas tout entendre.

Je reste muet. Mon regard ne tremble pas. Pas ici.

— T'as peur de quoi ? Que je dise son nom ? Que je dise ce qu'elle est pour toi ?

Je le fixe. Pas une expression ne bouge sur mon visage. Mais dans ma tête, tout hurle.

— Tu crois me connaître.

— Non. Mais je t'ai vu avec elle. Une seule fois. Et j'ai compris.

Je cligne des yeux.

Une seule fois ? Impossible. Il a été transféré ici dès son enlèvement.
À moins que... à moins qu'il nous ait vus avant. Un jour où je ne faisais pas attention. Un détail. Une seconde. Une main frôlée. Un regard échangé dans une rue.

Et c'était suffisant ?

Je me penche lentement vers lui.

— Si tu touches à une seule syllabe qui la concerne, je t'arrache la langue avant que t'aies le temps de cligner des yeux.