— Salut, sœurette.
Je tends la main. Sa peau est glacée. Fragile. Elle glisse doucement ses doigts dans les miens. Elle tente un sourire. Elle a le teint plus pâle que la dernière fois. Les taches de rousseur sur son nez ressortent davantage. Ses cheveux bruns, presque noirs, collent un peu à son front. Les perfusions serpentent de son bras jusqu'à la machine. Sa main est trop maigre dans la mienne. Je l'ai prise sans y penser, naturellement, après avoir posé les fleurs. C'est ce que je fais toujours. Toucher sa peau froide. Sentir qu'elle est encore là.
— Tu sens le froid. T'as roulé jusqu'ici les fenêtres ouvertes ou quoi ?
— Il pleut.
Elle rit. Faiblement. Un souffle. Mais ce son-là suffit à me déchirer le cœur.
Trois ans. Trois putains d'années à la chercher. Trois ans à vivre avec sa disparition dans le sang, dans la gorge, dans chaque putain de battement de mon cœur. L'enquête avait été un dédale de pistes mortes, de murs qui se referment, de silences complices. Et quand on l'a enfin retrouvée... C'était dans une salle de bain crasseuse, dans un immeuble abandonné à la périphérie de Queens. Elle était dans une baignoire, nue, couverte de bleus et de silences. L'eau croupie. Les poignets marqués. Et cette putain de caméra au-dessus d'elle. Il filmait. Il gardait tout. Il la possédait même à distance. Un sociopathe, manipulateur, un violeur qui la traitait comme une poupée de chiffon.
C'est Caldwell qui m'a aidé à remonter jusqu'à lui. C'est Caldwell qui m'a retenu ce jour-là quand j'ai voulu le tuer à mains nues. Et pourtant, rien — rien — ne m'efface le goût métallique de cette scène. Encore aujourd'hui, sur certaines interventions, dans certaines missions reliées à Aegis, quand je pousse une porte, quand j'entre dans une pièce sombre, j'entends sa voix. Sa voix à elle. Nora.
Elle m'accompagne.
Elle me hante.
Depuis, elle vit avec une gastroparesie sévère. Son estomac ne fonctionne plus correctement. Elle ne peut plus manger comme avant. Nourrie par perfusion. Branchée à des tubes. Elle peut se lever, marcher, parler. Mais elle se fatigue vite. Trop vite. Comme aujourd'hui. Et parfois, sans prévenir, son corps lâche. Des crises d'angoisse sévères, violentes, la saisissent en pleine nuit ou au milieu d'un mot. Elle tremble, son nez se met à couler, elle crache du sang. La première fois que c'est arrivé, j'ai cru que c'était un cancer. J'ai forcé tous les médecins à faire passer radios, scanners, IRM. Ils ont mis des semaines à me rassurer.
Non, elle n'avait rien d'autre.
Rien qu'un corps qui réagit à un traumatisme trop lourd, trop ancré pour disparaître.
Alors on parle de rien. De ses infirmières, du thé à la camomille qu'elle déteste, d'un chat gris qu'elle voit parfois sur le rebord de la fenêtre. Elle évite les sujets lourds. Comme toujours.
— Comment vont Jasper et Nolan ?
Sa voix est légère, comme si elle lançait ça entre deux respirations. Mais ses yeux s'accrochent aux miens. Elle les connaît. Parce que je les ai déjà amenés ici. Plusieurs fois. Pour briser un peu sa solitude. Jasper, calme et doux comme une ombre rassurante. Nolan... Nolan, c'est un ouragan. Hyperactif, bruyant, maladroit. Mais elle l'aime bien. Trop, peut-être. Elle rougit presque chaque fois que je le mentionne. Elle ne dit rien, évidemment. Mais je ne suis pas aveugle. Et je suis presque sûr que c'est réciproque. Sauf que Nolan... il est incapable de rester en place plus de deux minutes. Et Nora, elle, elle est faite de silence.
— Ils vont bien, je dis en m'adossant à la chaise. Jasper travaille sur une mission en parallèle. Nolan... Nolan est Nolan.
Elle sourit. Ses joues se teintent. Mais je ne dis rien. Je fais comme si je n'avais rien vu. Par pudeur. Ou par instinct.
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INVISIBLE OBSESSION
RomansaDaphné pensait mener une vie ordinaire. Ecrivaine à succès, entourée de ses amies, elle ne se doutait pas que, dans l'ombre, quelqu'un l'observait. Nickolas, agent de l'OGS, est un homme de l'ombre. Son monde est régi par des missions, des ordres et...
• Chapitre 24 •
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