The Lunacy

32 - Être pris à son propre jeu

Ils se baissèrent tous les deux en même temps pour le ramasser et leurs mains se touchèrent.

— C'est bon, pas besoin de le ramasser, je peux le faire moi-même. Se renfrogna-t-elle.

— Est-ce que par hasard tu as d'autres conseils à me donner ?

— Tu veux parler de ce que je t'avais dit la dernière fois ?

— Oui c'est ça, sur le fait de gérer ses études et ses relations en même temps...

Séléné s'assit par terre, sortit un crayon de son sac et commença à faire des petits schémas sur son livre.

— Bon, euh, en gros, je disais que tu ne dois pas abandonner l'un ou l'autre, tu dois faire en sorte de concilier les deux, pourquoi il faudrait que ce soit tout ou rien dans la vie ? T'es pas un robot ! Dit-elle gênée en se demandant pourquoi elle l'aidait à analyser ses sentiments.

Dai sourit et déplaça les cheveux de Séléné qui le gênaient pour voir ce qu'elle dessinait.

— T'es assez marrante comme fille en fait.

— Tu fais qu...?! Que ce soit bien clair, si je m'efforce de t'aider c'est par simple gentillesse, rien de plus rien de moins alors n'imagine pas des choses entre nous !

— Euh, c'est très clair... Je t'en remercie. Rétorqua-t-il en prenant un peu de distance.

Peu après, ils sortirent ensemble de la bibliothèque sans oser se regarder. Tout le monde était déjà parti et l'établissement était très calme.

— Dai. Prononça-t-elle pour briser le silence, sans trop d'assurance.

— Oui ?

— Je me demandais... Qu'est-ce que tu voulais dire en fait quand tu disais que j'étais « assez marrante comme fille » ?

— Ben, pour tout te dire, je disais plutôt ça dans le sens « surprenant » ou « fascinant ».

— Ah.. ah bon ?

— Ouais, au début je pensais t'avoir cernée, je me disais que tu étais le genre de fille à vouloir se la jouer dominatrice, le genre bête et moqueuse et superficielle mais y'avait quelque chose qui me chiffonnait dans mon jugement.

— Quoi donc ?

— En fait, ce sont tes yeux Séléné, quelque chose dans ton regard sonnait faux par rapport à cette image que je me faisais de toi.

— Vraiment ? Ah ben sympa.

— Non mais attends, j'ai fini par comprendre après. T'es pas du tout méchante comme fille, et c'est seulement ton assurance qui est superficielle en fait. J'ai pu le remarquer quelques fois, tu as une manière de fuir qu'on prendrait pour de l'arrogance... Mais... J'ai fini par comprendre ce que disaient ces yeux, ce sont des yeux qui crient à l'aide, qui sont remplis d'une grande tristesse que tu essayes de cacher. Je pense que tu as vécu quelque chose de très difficile, je t'assure que je ne chercherai pas à savoir quoi mais je pense que c'est la première fois que tu as véritablement une interaction sociale avec des jeunes de ton âge. Suggéra-t-il en posant sa main affectueusement sur la tête de Séléné.

Celle-ci haussa les sourcils en entendant ce qu'il pensait et le regarda dans les yeux avec un air démuni.

— Donc, toi tu penses que je suis... non... Tu penses que j'ai une sorte de façade ? Pour tromper les autres ? C'est ça ?

— Mmh, je pense que oui, mais c'est pas volontaire, tu te dupes toi-même à mon avis. N'essaie pas d'être ce que tu n'es pas, ça ne ferait que te fragiliser encore plus, Sely, deviens seulement ce que tu es. La conseilla-t-il.

À ces mots, elle s'arrêta. Dai lui dit qu'il était temps pour lui d'aller retrouver Euphemia. Elle se contenta alors d'aller attendre à l'extérieur que quelqu'un vienne la chercher. Elle resta quelques instants sans broncher, le regard vide, puis elle sentit de la colère monter en elle et elle donna un coup de pied dans un pot qui se trouvait à côté d'elle pour évacuer son trop-plein d'émotions.

— C'est pas vrai ! Il a raison ! Je me suis bien faite avoir ! Moi qui pensais que c'était lui qui n'avait aucun discernement et moi qui en avais ! Rhaa ! Et puis pourquoi il fallait que je ressente des sentiments pour le même garçon que cette timbrée d'Euphemia ?

Elle s'accroupit par terre et repensa à ce que lui avait dit Calixte la veille. Qui avait raison au final ? Était-elle forte, ou bien fragile ? Elle aurait bien aimé le savoir.