CHAPITRE 1

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    Camil avançait silencieusement, comme à son habitude.

Il leva le regard pour admirer le temps d'un instant la lune, cachée par les branches encore habillées de feuilles. D'ailleurs, une d'elle craqua sous ses pieds, complètement desséchée.

Ça lui rappela l'automne de sa jeunesse, quand son meilleur ami et lui s'amusaient à sauter dans les grandes montagnes orangées pendant la récréation.

Mais ce soir, et comme tous les soirs depuis 4 ans, l'ambiance était bien plus lugubre. Il n'apercevait plus de la même manière les ronces jonchant sur le sol et encore moins les croassements des corbeaux. Il s'humecta les lèvres. L'air était lourd. La personne derrière lui venait de marcher sur une branche. Il continua son chemin, ne remarquant aucune trace au sol. RAS.

Mais d'ici, il pouvait aisément voir se dessiner deux silhouettes dans la même forêt, sans même être remarqué.

Ajax et Ashley. Visiblement en pleine altercation.

Les mèches blondes ombrées d'Ashley voltigeaient autour du jeune homme pris d'une grosse quinte de toux.

— Ajax, ne me dit pas que tu vas mourir aussi bêtement ? demanda-t-elle.

S'étouffait-il ? Le revers de la main collé à ses lèvres, quelque chose brillait entre ses doigts. Une lame. Il ne l'aurait jamais décelé sans la pleine lune. Ni même la pomme découpée dans l'autre main, sûrement à la source de sa quinte de toux persistante. Camil accéléra le pas jusqu'à ce qu'il entendit cette toux se transformer de plus en plus... à un rire.

— Oh merde, le morceau est coincé !

Ajax, jusque-là le dos courbé, se redressa avec la pointe de sa lame contre sa pomme d'adams.

En comprenant la blague, Camil haussa des sourcils d'un air las. Evidemment. Il aurait dû y penser avant en connaissant le personnage. D'ailleurs, la blonde à ses côtés grimaçait tout autant que lui, sûrement épuisée d'avoir fait le chemin avec.

— Pauvre chou, était-elle prise de compassion. Ou d'hypocrisie. Donne moi ça, je vais t'aider à le retirer en te perçant un peu, juste ici..

Elle se jetait déjà pour tenter de lui soutirer la lame afin d'en faire, certainement, bon usage.

Aîe. De ce qu'il connaissait d'Ashley, le drame n'allait pas tarder à arriv-

— Ma botte ! hurlait-elle aussitôt, T'as marché dessus..!

Sacrilège.

— Pourquoi tu gueules ?!

Lui, trouvait sans doute là une excuse pour se mettre à crier, comme il aimait si bien le faire.

— Bastardo !

Ha oui, son vocabulaire habituellement si raffiné, rappelant les dames des années 50, lui faisait oublier qu'elle était cubaine à l'origine.

— Tu sais que je comprends ?

Tout le monde avait compris. D'ailleurs, c'était certainement le but.

— J'ai bien peur que tu doives me cirer la bott-ALEX !

Il aurait pu sursauter, mais le cri strident était beaucoup trop désagréable pour ça. Camil détourna son regard sur son acolyte de mission approchant à sa gauche. Avec son petit sourire.

Bientôt il ne vit que son crâne châtain, son regard hazel obstrué par sa frange rideau. Tragédie. La grande taille de Camil ne l'aidait pas à apprécier ces petits moments anodins si certains et pourtant profonds pour lui.

FORSAKEN CHILDRENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant