Etincelle 🕊️

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Deux semaines plus tard, assise seule chez Nate, je prends mon courage à deux mains et appelle ma mère.

• Bonjour Divy, merci pour ton appel
• Écoute, je veux bien faire les tests de compatibilités. Mais je ne veux ni te voir toi, ni la rencontrer elle. Ce sont mes conditions.
• Divy, je suis ta mère, j'ai besoin de te voir pour parler de toutes ces années qui nous ont éloigné.
• Ce ne sont pas les années qui nous ont éloigné ! Sait-elle que j'existe ?
• Non, mais je comptais lui en parler.
• Non, ne le fait pas. Je ne veux aucun contact avec vous. Dis-moi juste ou dois-je me rendre pour ces examens.
• Divy es-tu certaines de vouloir faire cela ?
• Envoie-moi les informations par message. Au revoir.

L'homme que j'aime est entre la vie et la mort. Si je peux donner un peu de moi pour sauver une autre vie, cela procurera à d'autre le soulagement que moi je ne peux avoir.

J'ai dû attendre deux semaines supplémentaires pour que ma mère me transmettre les coordonnés de l'hôpital où est soigné sa fille.
Cela fait deux mois et une semaine que Nate est plongé dans le coma.
Je me rends à l'hôpital Children Grey un lundi matin. J'ai rendez-vous avec une doctoresse au nom de Tania Mioven. Mes mains sont moites et je ne sais pas à quoi m'attendre lors de ce rendez-vous, en attendant la médecin, je fais les cent pas dans cette petite pièce aux couleurs jeune et blanche. Je suis surprise par la beauté de cette femme. Une jeune médecin, cheveux brun, grande, avec une peau si belle et clair que n'importe quelle femme lui envierait. Elle dégage des ondes positives, et rien qu'à me tenir dans la même pièce qu'elle, je me sens apaisée. Je soupire en prenant place face à elle.

• Bonjour Madame Prestone, je suis la Doctoresse Tania Mioven. Comment allez-vous ?
• Ça peut aller. Enchantée de vous rencontrer, pouvons-nous commencer s'il vous plaît.
• Ne soyez pas pressée, je dois prendre le temps de tout bien vous expliquer. Nous allons procéder à une prise de sang lors de laquelle plusieurs tubes seront prélevés. Mais avant cela j'ai besoin de discuter avec vous. Nous avons un questionnaire détaillé à compléter et avons besoin de connaître votre vie et vos habitudes.
• Et ensuite ? Quand aurais-je la réponse concernant la compatibilité ?
• Madame Prestone, il n'y a pas que l'aspect de compatibilité qui fasse fois. Nous devons être certains que votre don ne soit pas forcé. Que vous ayez la capacité mentale et physique pour un tel acte. Votre vie en sera impactée pour toujours.
• Je le sais...

Je vois qu'elle lit en moi comme dans un livre ouvert.
Le questionnaire est très détaillé, ma vie entière passée au peigne fin. Il n'y a pas un seul aspect de ma vie privé, professionnel, de mes habitudes, ma santé qui ne soit pas vu et revu. Je me sens mise à nu.
J'ai passé presque trois heures au sein de l'hôpital. En repartant de là-bas, je me sens sûre de mon choix. C'est réellement l'opportunité de donner la chance à une enfant de vivre. Si ma routine en vient à être bouleversé, cela n'a aucune importance.

J'attends les résultats avec impatiences, les filles et mon père m'appellent tous les jours pour savoir si j'ai des nouvelles de l'hôpital, autant pour Nate que pour mon statut de donatrice.

En fin de semaine l'appel tant attendu arrive.

• Bonjour Madame Prestone, c'est Dr Tania Mioven. Comment allez-vous ?
• Bonjour, je vais bien, merci et vous ?
• Très bien, merci. Je vous appelle concernant les résultats, pourriez-vous venir à l'hôpital lundi matin pour en discuter ?
• Ne pouvez-vous pas me les donner par téléphone ?
• J'aimerai vous rencontrer une seconde fois.
• Je ne peux pas attendre lundi, cela va m'obséder tout le week-end et vous connaissez ma situation, je suis déjà assez sous pression comme cela.
• Je comprends. Pourriez-vous passer à midi ? Je vous recevrais pendant ma pause déjeuner.
• Je ne veux pas vous importuner, vous êtes certaine que cela ne vous dérange pas ?
• Non, nullement. Cela ne va pas prendre beaucoup de temps.
• Très bien, à tout à l'heure. Merci infiniment.

Ça y est, me voilà les mains tremblantes, garée devant l'hôpital. Je prends mon courage à deux mains et j'avance vers une nouvelle étape de ma vie. Dès que j'arrive, la doctoresse me fais entrer dans son bureau.

• Je suis ravie de vous revoir, prenez-place, s'il vous plaît.
• Merci, ne me faites pas trop attendre, j'aimerai savoir directement ce qu'il en ressort.
• Madame Prestone, nous n'allons pas pouvoir effectuer l'opération. Vos résultats ont en effet montré une compatibilité avec votre demi-sœur. Cependant, lorsque j'ai reçu les résultats de base de votre prise de sang, il est ressorti que votre taux d'HCG est plus élevé que la norme.
• Que cela signifie-t-il ?
• Madame Prestone, vous êtes enceinte.
• PARDON ? C'est impossible.
• Lors de notre précédent entretien vous avez évoqué avoir oublié votre contraception lors de votre voyage à Paris
• Oui et j'ai eu mes règles droit derrière.
• Avez-vous repris la pilule après l'accident de votre ami ?
• Non. Je n'ai pas repris de plaquette. J'étais ailleurs et n'avais pas de raison de la reprendre.
• Très bien. Vous avez une contraception orale relativement faiblement dosée. Lorsque vous avez oublié vos deux prises consécutives, cela a provoqué des saignements spontanés qui ne sont pas dû au cycle menstruel et aussi sans aucun lien avec le début de votre grossesse. Je comprends que vous soyez étonnée. Cela est rare. Peut-importe votre choix, je vous encourage à prendre rapidement rendez-vous avec votre gynécologue.
• Peu-importe mon choix ?
• Madame Prestone, vous vivez une situation difficile, vous devez-être entourée de professionnel. Vous avez besoin de soutien.
• Très bien, merci d'avoir pris le temps de me recevoir.

Assise dans ma voiture, je n'en reviens pas, je suis enceinte, un enfant vit en moi, et je ne m'en suis même pas aperçue, absorbée par tous ces malheurs qui m'accablent. J'appelle Véro, ma gynécologue qui n'est autre qu'une amie d'enfance. Lui expliquant la situation, elle me demande de passer à son cabinet afin de discuter et faire un examen avant qu'elle ne reprenne ses consultations de l'après-midi. Je lui en suis si reconnaissante de me recevoir aussi vite.

Je débarque au cabinet avec les résultats de ma prise de sang entre les mains, elle m'attend dans son bureau. Il lui reste une heure avant que ses premières patientes n'arrivent. Véro est au courant pour Nate, malgré tous nos efforts, il y a eu des fuites dans les médias et ceux qui me connaissent, ont vite fait le lien.
Je lui explique la situation dans les grandes lignes, puis le passage de l'oubli de la pilule lors des vacances.

• Divy, je peux t'affirmer que la prise de sang confirme que tu es enceinte. Je vais être directe, on se connaît depuis toujours, souhaites-tu poursuivre cette grossesse ?

La réponse est évidente. Je revois Nate à l'hôtel, presque déçu que j'ai eu mes règles. Je me rappelle son regard, et cette phrase qu'il a prononcé « je n'ai pas besoin d'être soulagé de quoi que ce soit »... Et porter son enfant, c'est comme un nouvel espoir qui né, un bout de lui vit en moi.

• Évidement. C'est un cadeau que m'offre la vie.
• Très bien. J'aimerai te proposer une échographie si tu es d'accord.
• Maintenant ?
• Oui, sauf si tu n'es pas prête.
• Non, j'ai envie de voir. Faisons-la.

Je m'installe sur sa table d'examen. Véro me demande de filmer l'écran avec mon téléphone portable. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais elle est convaincue que cela me sera utile. Et puis autant garder un souvenir de cette expérience.
Je vois une petite poche noire, avec un minuscule haricot au milieu. Véro prend des mesures, alors que des larmes s'échappent de mes yeux. Pour une fois, pas pour de mauvaises raisons.

• Tu filmes ? 
• Oui
• Écoutes ça...

Elle clique avec la souris, et j'entends le bruit d'un battement de cœur, très rapide et régulier.

• C'est normal que ce soit si rapide.
• Oui, tout est plus que normal. Félicitations aux futurs parents... Je suis heureuse pour toi Divy. 

Je pleure encore une fois à chaudes larmes. Comment expliquer ce sentiment, ce mélange de surprise, étonnement, inquiétude, peur, bonheur.

Je repars du cabinet de Véro pour retrouver Elie chez elle. En me voyant derrière sa porte, elle me regarde confuse et inquiète que je passe la voir à l'improviste. Je vois dans son regard qu'elle s'imagine le pire.

• Divy que ce passe-t-il ? Comment va Nate ?
• Elie, je suis enceinte.

Elle me regarde, et me tire dans ses bras. Son ventre déjà bien arrondi s'appuyant contre le mien. Je savais qu'elle était la personne à aller voir, qui d'autre qu'elle aurait de meilleur conseil ou de mot réconfortant à me transmettre. Ses paroles me rassurent et me confirme que le destin m'offre une deuxième chance.
Je ressorts de chez elle regonflée à bloc, direction l'hôpital. Cette fois, je sais que je ne baisserais plus jamais les bras, que les larmes ne couleront plus de désespoir, je vais me battre pour ce petit être et pour mon homme, je ne veux plus vivre dans la peur, je veux vivre avec de l'espoir qu'un jour je puisse annoncer à Nate qu'il sera père.

Charly est dans la chambre auprès de Nathanaël.

• Bonjour Divy. Comment vas-tu aujourd'hui ?
• Ça va et toi ?
• Ça peut aller. Tu as manqué Marie de peu, elle vouait t'inviter à manger chez nous demain à midi.
• Je viendrai avec grand plaisir. Des nouvelles concernant Nate ?
• Non. Je lui ai lu toutes les nouvelles concernant la bourse du jour, et Marie lui a mis de la musique.
• Charly, tu me fais trop rire.
• Au moins, il sera au courant de tout à son réveil. Il va se réveiller, n'est-ce pas Divy ?
• On ne va pas lui laisser le choix. Est-ce que tu serais d'accord de me laisser un moment seul avec Nate.
• Quelle question. Je vais rentrer, je te laisse prendre la relève, on se voit demain.
• Merci, à demain.

Me voilà en tête à tête avec mon homme. Je m'assieds à côté de lui.

• Nate, tu te souviens du soir où je t'ai dit que j'avais oublié de prendre ma contraception deux jours de suite ? Il s'est produit un petit miracle. Il y a un petit bout de toi qui vit en moi. Je t'ai laissé suffisamment de temps, mais maintenant j'aimerai que tu te réveilles. J'ai besoin de toi, j'aimerai vivre cette nouvelle aventure avec toi. Je sais que tu seras un papa formidable. Je t'en prie Nate, réveille-toi...

J'avais cet espoir en moi, que si je lui annonçais la nouvelle, il se réveillerait et notre vie reprendrai là où elle s'était arrêtée. Je scrute chaque centimètre de son corps à la recherche d'un mouvement, un signe, mais en vain. La déception prend le dessus.
Malgré tout, je continue à lui parler de la manière dont j'ai appris cette grossesse, je ne sais pas si moi-même je réalise ce qui est en train de se passer, c'est si soudain, si inexplicable et si inattendu.
Je lui donne des nouvelles de son entreprise, et des témoignages de soutiens de nombreuses personnes. Une infirmière m'amène mon repas du soir. C'est devenu ma routine depuis des semaines et tout le monde me connait à l'hôpital. Il m'est arrivé d'y dormir également. C'est un hôpital privé, et un lit supplémentaire est installé pour moi dans la chambre de Nate.

Je sors la petite brochure que m'a donné Renata. Il y a des informations intéressantes sur la grossesse et sur les aliments autorisés, ceux à éviter, et ceux totalement proscrits. Alcool et cigarette terminée. Je lis à haute voix et partage mes impressions sur le sujet avec mon Nate toujours inconscient.

• Tu vois Nate, tu vas devoir arrêter de fumer, ils disent que ce n'est pas bon ni pour moi, ni pour mini-toi. Est-ce que tu penses que je vais pouvoir concilier ma vie professionnelle avec notre vie de famille ? Au fait, dans deux semaines c'est ton anniversaire. Le temps commence à s'adoucir, le printemps est de retour. Elie se porte bien, elle rentre dans le troisième et dernier trimestre, elle est encore plus belle qu'avant, et son ventre est bien plus gros que la dernière fois que tu l'as vu.

J'ai l'habitude des monologues, comme depuis de nombreuses semaines, je pose des questions et y répond. Les jours se ressembles et se suivent. Mais maintenant j'ai un nouvel objectif, faire ce qu'il faut pour mener à bien cette grossesse. Je dois prendre soins de moi, en plus de Nate.

Mon téléphone se met à sonner. Ce nom je le redoute depuis l'annonce de mon impossibilité d'être donneuse, je voulais l'appeler ce soir, mais elle me prend de court. Maman ;

- Allo ?
- Bonsoir Divy, je te dérange ?
- Non.
- Je voulais t'informer que la Doctoresse Mioven m'a contacté pour m'annoncer que tu ne pouvais pas être donneuse pour ta demi-sœur. Je voulais te remercier d'avoir pris le temps de faire les examens.
- Je pensais justement te téléphoner pour t'en informer.
- Elle n'a pu me donner la raison, je voulais savoir si tu allais bien Divy ?

Soudainement elle s'inquiète pour moi, alors qu'elle m'a demandé l'impossible sans se soucier de ce que je vivais et comment j'allais mentalement...

- Ne t'inquiète pas pour moi. Je ne peux simplement pas être donneuse, c'est tout.
- Divy, serais-tu d'accord pour qu'on se rencontre ?
- Ecoute Aude, je ne vais pas te donner de faux espoirs, ça fait plus d'une décennie que je vis sans toi, et je m'en porte très bien. J'ai fait cette démarche de donneuse uniquement dans le but d'aider une jeune fille malade, certainement pas pour toi. Malheureusement je ne peux l'aider, alors ne cherche plus à me contacter et encore moins à me rencontrer, ma réponse est définitivement non.
- Divy...
- Non, arrête, j'ai eu le temps de la réflexion, je ne souhaite tout simplement pas que tu fasses partie de ma vie, tu dois accepter mon choix. Moi au moins j'ai les couilles de te le dire directement, ce que tu n'as pas été capable de faire, alors laisse-moi tranquille maintenant.
- Très bien.
Je sens que sa voix tremble, mais je ne reviendrai pas sur ma décision, je me sens enfin en paix, je sais ce que je veux et surtout ce que je ne veux pas. Elle, je ne la veux pas.

- J'espère que ta fille aura le don dont elle a besoin, je lui souhaite de tout meilleure. Bonne fin de soirée.

Je sors de mon sac l'image de l'échographie que m'a donné Renata, je l'observe et réfléchi comment annoncer ma grossesse à mes proches, je crains de voir de la pitié dans leur regard, la situation avec Nate est déjà très difficile à supporter. Je ne veux pas de leur compassion. Je vais attendre de me sentir prête.

Le lendemain, après le repas chez Marie et Charly, je retourne voir Nate. J'observe son corps qui à présent a perdu toute sa musculature. Il n'a plus le corps dessiné comme avant. Je lui masse les jambes, les bras, le torse, je lui caresse le visage, comme il aimait que je le fasse, je dépose des baisers sur ses lèvres. Il me manque tant. Aujourd'hui je lui ai ramené une part de tarte au citron que sa maman a pour habitude de faire, je lui fais sentir l'odeur, afin de stimuler son cerveau. Je dépose une pointe de crème sur ses lèvres, comme s'il allait les lécher... puis fini par l'embrasser pour enlever le surplus.

Plongée dans son regard Where stories live. Discover now