Seize ✶ Maison Se Meurt.

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Les ombres se meuvent et pour une fois, les murs de l'appartement de Sveva ne tremblent pas

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Les ombres se meuvent et pour une fois, les murs de l'appartement de Sveva ne tremblent pas. Le silence qui y règne ne porte pas le poids de la culpabilité, du ressentiment auquel Sveva est habituée ; et une semaine loin de son Milan natal n'a pas suffit à effacer les ecchymoses qu'elle porte toujours sous son sein.

( Assise au sol, Sveva ne perd pas ses habitudes. )
( Son amant devient plus que ça, et il est assis en face d'elle. )

ㅡ Tu veux sortir ce soir ?

Sveva ne veut pas. Un oui caresse sa langue, mauvais réflexe car elle a l'habitude des mensonges qui s'y logent habituellement.
Sveva regarde la vérité en face : c'est Apollon sous ses yeux, Echo n'est plus qu'un souvenir qui résonne.
Federico sait que la jeune femme ne veut pas. Pourtant, il n'est pas en colère.

ㅡ T'es sûre ? On peut commander un truc, si tu veux.

ㅡ Oui, pourquoi pas.

Sveva sourit. Elle se rend compte qu'elle a de plus en plus de mal à cacher ses émotions derrière une paire de lunettes vintage et son sac Miu Miu préféré ( le problème, c'est que celles-ci composent, depuis quelques temps, un cocktail qui ferait pâlir Gabriele et Papa Zacchi ㅡ et la Milanaise en perd la voix. Même son blog est à l'abandon. Attention, voilà Rome qui s'effondre enfin ).

( Téléphone à la main, sa valise vomit ses vêtements devant elle. )
( Vibrations frénétiques, les messages s'affichent en file indienne. )

ㅡ Palmira demande si je viens au repas de fin d'été demain. Tu m'accompagnes ?

Sveva demande et Federico tente un sourire ( lui non plus n'est pas sûr de lui ).

ㅡ Est-ce que je suis le bienvenu ?

ㅡ Je suis pas certaine qu'on le soit, toi et moi.

ㅡ Dans ce cas, pourquoi pas ?

C'est la joie qui fait tambouriner les murs de l'appartement de Sveva ; presque autant que son cœur dans sa poitrine. Et le sang qu'elle étale sur les murs est peut-être le sien, pour une fois ce sont des mots d'amour qu'elle lit dans les traces carmines ( et l'écho du jour lui répond depuis son char lumineux ; Federico se tient avec elle dans son salon. Véritable éclipse, les mensonges collés à la peau de Sveva s'évaporent enfin ; et sa main aux ongles nude parfaits en visière, elle profite du spectacle depuis les planches de la scène ).

 Véritable éclipse, les mensonges collés à la peau de Sveva s'évaporent enfin ; et sa main aux ongles nude parfaits en visière, elle profite du spectacle depuis les planches de la scène )

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( Sveva n'est pas seule. )
( Cela fait quelques temps qu'elle ne l'est plus. )
( Soleil partage ses nuits, les bras de Federico trouvent naturellement leur place autour d'elle. )

ㅡ Tu penses que tu pourrais venir ? Tu sais... Pour la Toussaint ?

ㅡ Je sais pas Maman...

Sveva avait d'autres plans ; elle s'y raccroche aussi fort que possible. La tombe en marbre de Elizabeta Di Blasio l'attend, l'habitude de voir le nom de famille de Suzana sur la pierre la hante.
Elles se rendent ensemble chaque année sur la dernière demeure de Nonna, partageant avec elle les restes de la soirée de la veille et les potins de l'année. C'étaient un rituel plus qu'une habitude ( il y avait là quelque chose de sacré que ni les Dieux ni les séraphins ne pouvaient comprendre ).

Jusqu'à ce que la mort vous sépare, c'était ce que l'on disait. C'était faux, ne s'appliquait pas à Sveva et Suzana... Mais les doutes se faufilaient entre les stèles cette année, et à l'approche de Halloween, Sveva commençait à comprendre Gabriele : les monstres paradent dans les rues pendant que le pire se prépare.

ㅡ S'il te plaît, Sveva. Pense à ton Père.

Oh, c'est amusant, le deuil. Toujours là à s'accrocher à son épaule ; et la petite Cesare sent ses griffes déchirer la chair ( pourtant, elle sent les lèvres de Federico l'embrasser. Juste là, à l'endroit où son esprit crois la voir saigner ).
Sveva pense tous les jours à Papa. Elle n'en parle pas, voilà tout. Comment le pourrait-elle ?
Elle entend le mensonge de l'horloge et pense devenir folle ( une contradiction de sonorités régulières la poursuit ; et est-ce le temps ou est-ce son cœur ? Si Kristjan a un faible pour Camus, Sveva espère pouvoir bientôt lui raconter les fables de Poe : alors, ils en connaîtraient bien trop l'un sur l'autre et seraient en droit de se détester ).

ㅡ Je t'ai écrit une carte postale, Maman. Tu devrais bientôt la recevoir à la maison. Il y a un petit mot pour Mara et les enfants, dessus.

ㅡ Tu es un ange, il ne fallait pas. Je vais faire un peu de place sur le frigo, pour que tout le monde puisse la voir.

C'était ça, les Mamans ( ou en tout cas, c'était là Maman Cesare ) : sa fille cadette avait changé de sujet, alors elle avait renfilé son rôle de mère comme un châle sur ses épaules et avait protégé son bébé.
Fini les reproches dissimulés sous l'odeur doucereuse des supplications. Les Saints dans leurs icônes ont les yeux posés sur elles.

ㅡ Alors j'espère qu'elle te plaira beaucoup! Je pense l'avoir bien choisie, mais on ne sait jamais.

Sveva tente un rire que Maman lui renvoie ( amusant comme aucune joie n'est échangée au travers le combiné ).

ㅡ Tu as des nouvelles de Mara ? Maman demande.

ㅡ Tu sais, on ne se parle toujours pas elle et moi, Sveva répond.

Oui, Maman sait mais Maman garde espoir. Qui peut bien la blâmer ?

ㅡ Tu n'écris plus depuis quelques temps ? Quelque chose ne va pas ?

ㅡ Oh non, ne t'inquiète pas. J'ai juste pris quelques semaines de vacances, pour m'aérer l'esprit. Je trouvais que mes articles commençaient à tourner en rond, j'ai besoin de retrouver l'inspiration.

Ce n'était pas la vérité, tout le monde le sait. Sveva essaie de se convaincre et laisse des ruines derrière elle ; son blog adoré devenu un mémorial à la Mort ( et des lecteurs curieux et autorisés ne seraient pas surpris de trouver dans les notes de Sveva une dizaine de lettres écrites à Papa ).

ㅡ En tout cas, te lire me manque. J'ai l'impression que tu es à côté de moi, comme quand tu étais plus jeune. Tu te souviens ? Tu me racontais tes journées, avec Suzana et sa petite sœur quand leur grand-mère te gardait. Une gentille femme, celle-là, vraiment. Une véritable sainte pour ces deux gamines, en tout cas. Tu étais tout le temps fourrée chez elle. Suzana va bien, d'ailleurs ? Ça fait longtemps que tu ne m'envoies plus de ses nouvelles.

ㅡ Oui, je me souviens Maman. Je viendrais te voir bientôt, promis.

Sveva se souvient et ignore la deuxième question de Maman. Des douceurs sont échangées d'une voix neutre et la jeune femme raccroche enfin. C'est la fin de la journée, Federico s'est endormi derrière elle ; et Sveva embrasse son poignet en espérant ne pas le réveiller.
Au fond, c'est ça la vie dont elle a toujours rêvé. Pourquoi pleure-t-elle alors dans ce salon au secret de la nuit qui est en train de tomber ?

 Pourquoi pleure-t-elle alors dans ce salon au secret de la nuit qui est en train de tomber ?

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✶ Salt Statues.Where stories live. Discover now