✶ Salt Statues.

Un ✶ Les Poupées de Chair.

CHŒUR : La chair s'étire sous les yeux des spectateurs, tendre et nue et n'attend que la morsure. C'est l'Amour que voilà, la vulnérabilité ㅡ trop grande et les serres et les crocs. Le sang, car il est toujours là. Tout se traîne toujours dans le sang, et la tragédie se déroule ; elle suit son cours et tout le monde en connaît la fin. On n'a juste pas connaissance des quantités de sang qui seront versées.

La nuit bat contre le cœur de Sveva, son rythme régulier dicté par les basses et les pas de danse. La foule se masse contre la scène ; à quelques mètres d'elle et la poitrine pressée contre des barrières de metal, entassés les uns contre les autres ㅡ un amas de corps dont les chairs et la sueur se mélangeaient. Rien ne semblait atteindre l'extase qui recouvrait pourtant leurs visages ; maquillages abîmés et cheveux emmêlés, et Gianni qui souriait sur scène.

Des rideaux tendus dissimulent Sveva et Suzana de la vue du public, et si leur meilleure amie leur tourne le dos, guitare en main, elle sait qu'elles se trouvent juste là.
Et leurs téléphones respectifs entre leurs doigts, elles filment les mélodies et la gloire de Gianni ; leurs sourires et leur reflet tandis qu'elles chantent en backstage. Elles trieraient leur pellicule plus tard, assises dans la chambre de Sveva, sur le carrelage ou dans la douche, posteraient leurs clichés favoris sur les réseaux sociaux.
Leurs éclats de joie s'accrocheraient sûrement aux murs quand elles discuteraient du jeune homme avec qui Gianni était rentrée et des œillades du bassiste envers Sveva ㅡ et si le poids de son regard pèse parfois sur l'Italienne pendant le concert, Sveva avouerait volontiers que certains des pas de danse qu'elle esquisse dans l'ombre voulaient trouver son attention.

ㅡ Si tu avais encore un doute, je pense qu'il veut te voir assise sur ses genoux d'ici la fin de la nuit.

La voix de Suzana transperce la nuit comme les rires de Sveva face à la remarque. Et elle ne dissimule pas sa joie innocente en répondant.

ㅡ Tu sais, j'ai toujours aimé les cow-boys.

Les chansons défilent et le public en connaît chaque parole, Gianni ne s'essoufle pas ㅡ sa voix résonne et l'écho de son nom scandé en retour par la foule dans l'espoir d'un encore.
Cette nuit était la première d'une série de trois, durant lesquelles elle se produira, accompagnée de son groupe et des deux Milanaises dissimulées dans les coulisses. Gianni ne le leur avait pas encore dit, mais elle avait d'ailleurs prévu de les faire venir sur scène lors de son dernier concert.