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Raphaëlle n'avait jamais été aussi impatiente. La belle voiture noire les avait emmenés en face d'un immense hôtel, où la nuit devait sûrement coûter plus cher que son salaire mensuel. Ses yeux brillaient, elle était impressionnée, le Grand Hotel Majestic gia' Baglioni était un bâtiment d'une dizaine d'étages, qui, bien que vieillot, renvoyait l'image de la luxure italienne. La française n'y avait jamais mis les pieds, elle passait parfois devant en se baladant dans la ville, elle y voyait souvent des hommes riches et de très belles femmes y entrer ou en sortir. Elles semblaient si élégantes, elles avaient tellement de pouvoir dans leurs jolies tenues. Le soir, ces femmes-là portaient généralement de très belles robes de couturiers. Elles sortaient de voiture de sport, comme eux cette nuit-là. La voiture de marque allemande s'était arrêtée juste en face du bâtiment, Raphaëlle se sentait importante. Au fond de son cœur, elle était impatiente de passer les immenses portes de ce bâtiment. Elle se demandait à quoi ressemblait l'intérieur, mais en montant les quelques marches de l'hôtel, puis en passant la sécurité grâce à Manon qui les attendait, elle s'était rendu compte que c'était bien plus beau que ce qu'elle imaginait. Des moulures ornaient les colonnes, le blanc et le doré se mariaient à la perfection pour donner de la valeur à la pièce. Tout sentait l'argent, mais la musique qui résonnait n'avait rien à voir avec le style du bâtiment. La chargée de communication, qui devait avoir l'habitude de ce genre d'endroit, avait pressé le pas pour se rapprocher du vacarme. Ce n'était pas dans les plans de Raphaëlle qui s'était arrêtée pour encore apprécier l'élégance du bâtiment. Tout semblait avoir été sculpté de la main de demi-dieux, elle ne pouvait que trouver ça impressionnant. L'italien qu'elle accompagnait avait lui suivi la jeune femme dans sa contemplation, même s'il lui avait dit de presser le pas pour ne pas perdre Manon des yeux. Ils n'avaient pas la place dans ce genre de lieu, il fallait être honnête. Même si les deux amis s'étaient préparés en connaissant le public qu'ils allaient rencontrer, ils paraissaient bien moins apprêtés que les personnes qu'ils apercevaient au loin. Tous les hommes avaient de belles chemises blanches ou noires, et les femmes de belles robes de soirée. Ce n'était pas un repas comme les autres, un grand buffet était au fond de la salle, beaucoup de musique se jouait et entre les serveurs habillés en noires avec leur plateau d'argents à la main, il y avait les invités de la Fédération Internationale de l'Automobile qui se retrouvaient apparemment tous les ans ici. Peut-être qu'ils se voyaient ailleurs, ou qu'elle était au bon endroit au bon moment, comme depuis ces derniers mois.


"— La Francesa !" Raphaëlle avait retiré ses yeux des moulures du plafond, pour poser ses yeux sur le pilote espagnol. Il souriait déjà alors que le sien venait de se former. "Tu as perdu ton pari !" Il s'était rapproché pour l'enlacer, comme la dernière fois qu'il l'avait vu. "Alors, tu as aimé ? J'espère que tu as remercié Charles."

"— Carlos ! Félicitation à vous deux !" Elle avait serré l'espagnol contre elle, même si elle sentait le regard de son ami italien dans son dos. Elle n'était pas bête, elle avait compris que même s'ils étaient amicaux avec elle, ce n'était pas parce qu'ils étaient proches. "Remercié Charles ?"

"— Oui, il est là-bas, regarde." Le pilote espagnol l'avait attrapée par les épaules pour le tourner vers Charles qui parlaient avec d'autres hommes. Elle ne savait pas qui c'était, ni ce que le Monégasque faisait avec eux. "Il est avec les autres pilotes. Tu devrais y aller pour le remercier. Cela lui fera plaisir si tu as apprécié la course."

L'Espagnol l'avait légèrement poussé vers l'autre pilote. Raphaëlle ne comprenait pas pourquoi il fallait le remercier, ni même ce qu'il avait fait pour elle qui mérite sa reconnaissante. Le Monégasque était à l'autre bout de la pièce, il sortait du lot avec sa chemise blanche légèrement ouverte. Il semblait plongé dans sa conversation, alors qu'elle s'était perdue à observer les mouvements qu'il faisait avec ses bras tout en racontant son histoire. Arrivée à sa hauteur, elle s'était rendu compte qu'il n'était pas aussi heureux que ce qu'elle pensait. Il se plaignait aux deux pilotes de sa relation avec son écurie. Selon lui, la difficulté de s'imposer comme pilote principal devenait insupportable. Elle n'osait pas les interrompre, ni même les écouter. Elle entendait certains mots, ils parlaient en anglais même si quelques insultes en français s'échappaient de la bouche de Charles et d'un autre homme aux cheveux châtains. En entendant leurs voix s'élever, elle s'était mise à fixer l'homme qu'elle cherchait. Ses yeux détaillaient ses mouvements, sa posture et ses traits serrés. Ses sourcils froncés créaient un pli sur son nez, et c'était avec cette expression qu'il avait fait croiser son regard vert, qui la terrifiait toujours autant, dans le sien. Même si elle se doutait qu'il ne la reconnaîtrait pas, elle s'était tournée pour ne pas soutenir la pression qu'elle ressentait. Dos à lui, elle avait attrapé un verre de champagne du plateau d'un serveur pour dénouer la douleur qui se formait dans sa gorge. En réalité, ce n'était ni d'un serveur, ni d'un plateau duquel elle avait attrapé son verre, mais d'un beau jeune homme brun. Il s'était tourné vers elle, surpris que le verre qu'il apportait à ses lèvres se soit fait attraper tout si soudainement. Ses sourcils s'étaient haussés, il allait parler, mais Raphaëlle venait de finir son propre verre d'une traite sous ses yeux. Qui était cette jeune femme aussi malpolie ? C'était ce qu'il s'était dit avant de rire face au regard surpris de la française qui venait de se rendre compte de sa bêtise. Elle allait s'excuser, mais le rire un peu moqueur et amusé du brun l'avait coupé dans sa lancée. Par réflexe, elle avait pincé ses lèvres, puis elle avait pesté quelques mots en français. L'homme avait arrêté de rire pour écouter les mots grossiers qu'elle avait laissés échapper. Son visage vexé l'avait amusé, il n'allait clairement pas lui tenir rigueur de cet événement, surtout pas après qu'elle l'est autant amusée. En l'observant, il avait directement remarqué qu'elle n'était pas de ce monde, elle ne venait pas du luxe et des paillettes comme toutes les personnes présentes ici, ce n'était pas sa robe à bas prix ou ses accessoires peu chers qui lui avaient mis la puce à l'oreille, elle ne ressemblait en rien aux femmes qu'il côtoyait. Il avait d'ailleurs mis fin à sa conversation avec la très belle femme à qui il parlait jusque-là pour se concentrer sur la femme toujours gênée et un tantinet vexée devant lui.

"— Enchanté. Lance." Il avait tendu sa main à la jeune femme, qui était toujours un peu mal à l'aise de la situation. Ce qui l'avait encore plus enfoncé était que le jeune homme en face d'elle venait de lui parler français. "Ne vous en faites pas, c'est déjà oublié." Son beau sourire accompagné de deux fossettes avait encore plus vexé Raphaëlle. Il se moquait d'elle et en plus de ça, il avait le malheur d'être charmant, elle le vivait mal.

"— Raphaëlle. Je suis vraiment désolée, je vous ai pris pour un serveur." Ce Lance portait un costume noir, et cela lui avait suffi pour le confondre avec un employé. Il avait dépoussiéré sa veste de ses mains, son rire avait raisonné à nouveau, qui plaisait finalement à Raphaëlle. "En plus, vous parlez français, je suis vraiment gênée."

"— Vous pouvez toujours vous faire pardonner en allant me chercher un autre verre." Il avait marqué une pause, elle ne savait pas s'il riait ou non, elle ne savait pas qui était cet homme, peut-être qu'il était important ? Si elle avait mieux écouté Emiliano, elle aurait pu savoir qui était ce garçon.

"— Je ne voudrais pas apporter un verre à n'importe qui." Il s'était rendu compte à ce moment-là que la française n'avait aucune idée de qui il était. Il voulait jouer encore un peu, c'était la première fois depuis longtemps qu'une femme ne savait pas qui il était. "Qui êtes-vous Lance ?"

"— Je ne suis qu'un ingénieur. Je n'aurais donc pas de verre de votre part, mais nous pouvons en prendre un ensemble." Il venait de mentir à cette femme, il voulait profiter d'une soirée loin de ses habitudes. C'était la bonne occasion. "Et vous, qui êtes-vous ?" Cette conversation était pour lui un peu étrange, mais pas moins agréable.

"— Un ami m'a invité voir la course." Elle ne savait pas trop ce qu'elle avait le droit de dire, elle ne connaissait pas cet homme, mais elle appréciait le regard qu'il avait sur elle. Ses yeux noisette ne la lâchaient plus, il avait un regard profond dans lequel elle se perdait déjà. Son costume le mettait en valeur, et elle se trouvait chanceuse d'avoir bu dans son verre.

"— Ne la traumatise pas Lance. N'oublie pas que c'est à moi que tu dois un verre." Elle avait directement reconnu la voix de Charles, il était aussi distant que d'habitude. Dès qu'il était près d'elle, tout devenait glacial. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi il était venu interrompre sa conversation, lui ne voulait pas la laisser seule face à un inconnu. Il avait deviné qu'Emiliano ne l'aurait jamais laissé seul dans cette situation, peut-être que lui non plus ne voulait pas la laisser tomber maintenant. Il connaissait la réputation des pilotes après tout. "Carlos m'a dit que tu me cherchais. Je ne t'avais pas vu." La vérité était qu'il ne l'avait pas reconnue, ils le savaient tous les deux, ce n'était pas grave. Même si c'était un peu douloureux pour Raphaëlle, elle n'en tiendrait pas rigueur, il était sûrement trop occupé pour se souvenir d'elle.

"— Vous vous connaissez ? Lance, tu travailles pour Ferrari ?" Raphaëlle aurait aimé que ce soit le cas, elle se disait que c'était la meilleure explication possible. "Carlos voulait que je te remercie. Mais je n'ai pas très bien compris." Charles se souvenait très bien de ce qu'il avait fait pour la française, il avait entendu de la part de Carlos et d'Emiliano qu'elle avait été très heureuse, mais il ne voulait pas qu'elle se sente reconnaissante pour si peu.

"— Il travaille pour Aston Martin. Pas vrai Lance ?" Raphaëlle avait compris qu'ils ne se parlaient pas en français, et que Charles était encore plus froid avec lui qu'il ne l'était avec elle. Il connaissait son prénom, ils avaient dû travailler ensemble auparavant. Charles était proche de tous ceux avec qui ils travaillaient, cela devait être l'explication la plus logique. En plus, il avait ignoré ce qu'elle avait dit sur Carlos. Le Monégasque, qui avait été si charmant la dernière fois, était comme à son habitude : froid et désagréable. Elle était heureuse de ne pas avoir à le remercier, il ne devait avoir rien fait d'exceptionnelle pour mériter ses remerciements.

"— Oui, je travaille pour Aston Martin. Tu connais cette écurie ?" Raphaëlle avait bougé négativement la tête. Il était peut-être un peu vexé, mais aussi rassuré, il n'y avait aucun moyen qu'elle devine qui il était. Il était libre pour une petite soirée. "Tu es seulement fan de Ferrari ? Ce ne sont pas les meilleurs, tu devrais éviter de rester avec eux." Lance et Charles semblaient avoir une certaine rivalité en cet instant, Raphaëlle se retrouvait entre les deux, mais heureusement Carlos était venu à sa rescousse à son tour pour rattraper la maladresse du Monégasque.

"— Raphaëlle, il y a ton homme qui te cherche. A moins que tu aies meilleures compagnies maintenant." En un regard, elle avait compris que le pilote voulait une explication de son rapprochement avec les deux hommes. Elle n'en avait pas, elle avait juste rencontré un ingénieur que Charles n'appréciait pas. "Tu veux te rapprocher de tous les pilotes de la grille ?"

"— Si Lance veut me présenter les pilotes Aston Martin ce sera un plaisir, mais je n'aime que le rouge. Désolée." Le canadien avait souri, elle l'avait cru, et il aurait un peu de paix ce soir en sa compagnie. Cela pouvait être intéressant. "D'ailleurs, je devais aller te chercher un verre. Vous en voulez un aussi ? Je suis un peu déçue d'avoir perdu, mais ce n'est pas dans cet endroit que je vais pouvoir me défaire de ma dette." L'ingénieur ne comprenait rien de cette conversation, il n'y faisait pas très attention, il était préoccupé par le regard de Charles. Il n'avait pas peur de lui, ils étaient habituellement proches, assez pour s'échanger des messages et s'inviter à quelques parties de padel de temps en temps. Pourtant là, les yeux verts perçant du pilote Ferrari ne le quittaient pas, il ne connaissait pas sa relation avec la jeune femme, mais il n'espérait pas se plonger dans des problèmes.

"— Tu as toute la soirée pour te rattraper. Après, nous avons décidé d'aller en boîte. Vous êtes invités avec Emiliano, j'ai très envie que tu me payes un verre, quant à Charles, je crois qu'il veut une bouteille." Lance avait ri, en premier quand il avait vu le regard apeuré qu'elle avait donné à l'autre pilote. Ils s'étaient tous mis à pouffer, elle y avait encore cru. L'humour de riche n'était définitivement pas sa tasse de thé. "Je rigole... Je n'ai pas envie de te faire manger des pâtes pour le reste du mois." Elle s'était dit que si elle arrivait à manger après avoir acheté une bouteille dans le genre de boîte qu'il fréquentait, ce serait déjà un miracle.

Carlos et Charles avaient été appelés par un pilote, le Monégasque l'avait enlacé. Elle l'avait entendu lui demander comment il allait mais aussi le surnommé "Pierrot", elle se demandait si c'était vraiment son prénom. Son questionnement s'était vite arrêté quand le sourire de Lance l'avait frappé à nouveau. Ses lèvres charnues, et ses jolies fossettes l'avaient presque intimidé, elle avait senti ses joues chauffées. Comme lorsqu'elle avait vu Charles ou Carlos la première fois. Les hommes de ce monde étaient impressionnants, ils renvoyaient une image charismatique. Pour les pilotes Ferrari, elle pensait que c'était dus à leur notoriété, qu'ils avaient pris conscience de leur charme en excellant dans leur domaine. Carlos était très attirant, il avait un teint halé, une couleur de peau qui lui rappelait des vacances au soleil, la Méditerranée ou le sable chaud. Son accent quand il parlait anglais lui rajoutait aussi quelque chose, que les autres femmes avaient l'air de bien remarqué vu les regards qu'elles lui jetaient quand il passait dans la foule. Pour Charles, il avait une beauté beaucoup plus froide selon elle. N'importe qui aurait pu dire le contraire, pour toutes les personnes qu'il rencontrait, le Monégasque était le gendre parfait : doux, charmant, attentif, et tellement gentil. Selon Raphaëlle, il était froid, glaçant, mais elle ne pouvait pas se détacher de son regard ni même de ses petites expressions. Ni même de l'atmosphère sombre qu'il dégageait, ils n'étaient pas amis, elle ne l'appréciait pas mais elle ne pouvait pas se détacher de lui. Carlos était l'opposé de ce que Charles lui dégageait, mais l'un comme l'autre avait cet air puissant qui puait l'argent et une certaine luxure. Les deux pilotes Ferrari connaissaient leurs pouvoirs auprès des gens, surtout auprès femmes. Ils savaient que tous leurs mouvements étaient susceptibles de plaire, de charmer et d'impacter tout ce qui était autour d'eux. Raphaëlle remarquait leur numéro de charmes, ce qui signifiait qu'elle aurait pu se protéger, si elle l'avait voulu. Par contradiction, elle se laissait avoir par cette fausse proximité qu'ils avaient créé avec elle le temps d'un instant. Cela ne durerait pas, elle n'en avait aucun doute, mais elle ne voulait pas se protéger. Elle profitait de ce moment magique qu'ils avaient créé, sans penser aux conséquences. Sans imaginer un seul instant que la chute sera encore plus douloureuse que de se plonger dans le discours de Carlos. Sans se dire que même la manière dont la traitait Charles serait finalement remplie de conséquences. Ce que dégageait l'homme en face d'elle était similaire. Cet ingénieur créait une bulle féerique qui lui donnait presque envie de plonger sans savoir ce qu'il y avait au fond. Elle se demandait ce que Lance avait fait dans sa vie pour dégager autant d'assurance. Ses charmes devaient fonctionnés car elle avait envie de passer sa soirée avec lui. Il l'avait invité à attraper un nouveau verre sur le plateau d'une serveuse qui passait à côté deux. Il avait même attrapé les deux coupes de champagnes, il lui en avait tendu une, avec un sourire qui disait "cette fois tu ne boiras pas dans mon verre". Ce qui lui avait plus, il était taquin et semblait vivre là-dedans depuis toujours. Tout de lui l'attirait, et elle aurait tout fait pour encore l'entendre parler.

RED CARS | charles leclercWhere stories live. Discover now