Christine

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J'eus un mouvement du recul en voyant un garçon dans mon jardin qui s'approchait de moi à grandes enjambées. Un autre harceleur que je ne connaissais pas ? Je jetais un regard vers ma maison, et je vis une tête entre les rideaux. C'était celle de mon beau-père. Il devait encore me surveiller. Mais qu'allait-il dire en voyant un inconnu dans notre jardin ? Je me précipitais vers l'intrus et lui demandai aussitôt :

- Qui es-tu et que fais-tu ici ?

- Je m'appelle Martin, déclara l'autre d'une voix calme. Je suis venu ici, car les esprits des souterrains m'ont demandé de venir te chercher. N'aie pas peur, ajouta-t-il d'un air malicieux en me voyant reculer. Oui, je pense que nous sommes une personne par tunnel. Mais tu dois absolument revenir dans les souterrains ! Les esprits nous attendent et s'inquiètent.

- Je voudrais bien, le coupais-je. Mais je suis surveillée en permanence, et, dès que j'essaye de détourner l'attention de ma famille avec quelque chose d'autre pour être un peu tranquille, ils vérifient quand même si je ne m'enfuis pas !

Je m'étonnais de faire confiance à la personne qui se tenait devant moi alors que je ne la connaissais que depuis à peine deux minutes. Mais son air confiant et son beau sourire disaient à mon esprit que je n'avais rien à craindre de lui, surtout qu'il connaissait lui aussi les souterrains. Je me mis alors à tout lui expliquer : l'histoire du harcèlement, ce que cela avait changé dans ma vie et comment ça m'empêchait de descendre dans les tunnels, car j'étais sous surveillance permanente, la première fois où j'avais aperçu les tunnels et plein d'autres choses insignifiantes. Je n'étais pas amoureuse de lui, mais je savais qu'avec les personnes qui s'entraînaient en bas, nous nous devions de tous être solidaire et de trouver un moyen de résoudre le problème de chacun en attendant son tour, comme les esprits devaient l'être entre eux.

- Quel est ton plan pour te débarrasser de ma famille ? demandais-je.

- C'est simple, fit-il. Je les occupe pendant que tu vas dans les tunnels. On se revoit plus tard ! me lança-t-il avant de partir en direction de ma maison.

J'étais heureuse de ne plus être épiée, même si c'était temporaire. Je vis alors ma mère entrer dans le jardin par le petit portillon. Elle m'adressa un signe de main et commença à chercher mon beau-père, car c'était lui qui devait me surveiller. Comme elle ne le vis pas, elle haussa les épaules et vint s'asseoir à côté de moi. Je me mis à sa hauteur en m'allongeant par terre, mine de rien. Elle ne devait surtout pas savoir que je me préparais à aller dans les tunnels où n'importe où ailleurs, sinon elle risquerait de m'enfermer dans la maison pour le reste de ma vie. Hé oui, c'est comme ça d'avoir des parents très protecteurs. Mais ça peut quand même être pratique quelquefois.

- Que fais-tu dehors ? s'enquit soudainement ma mère.

Je n'avais plus du tout le droit de sortir sans un interrogatoire sans fin ? Je ne sus quoi répondre, car je n'avais pas préparé de mensonges pour cette question. Je haussais donc les épaules avant de répondre finalement :

- J'avais envie de prendre l'air.

- Il fait un peu froid, tu ne trouves pas ? Rentrons plutôt à l'intérieur, il doit sûrement y faire un peu plus chaud.

Je compris alors qu'elle m'avait coincée de manière subtile, car je n'allais évidemment pas répondre qu'il faisait bon dehors, sinon elle croirait que je serais malade. Je la suivis donc à contrecœur vers la bâtisse où j'habitais quand elle se leva, traînant un peu des pieds. J'étais de nouveau enfermée, mais Martin ne pouvait plus rien faire pour m'aider, cette fois.

Quand je disais que Martin ne pouvait plus rien faire pour m'aider, je compris vite que je m'étais trompée. Dans l'heure qui suivit, il criait devant la maison, jetait des cailloux sur les vitres, toquait à la porte. Mon beau-père se levait à chaque fois pour l'arrêter, mais ma mère ne bougeait pas, comme si elle savait que j'allais m'enfuir dès que j'en aurais l'occasion. Mais soudainement, elle se leva et cria :

- Émilien !

C'était le prénom de mon beau-père. Quand elle le disait sur ce ton, c'était qu'il avait un problème. Je jetais un œil vers l'extérieur pour voir ce qu'il se passait et je restais bouche bée. Sous mes yeux, je vis la veste d'Émilien prendre feu. Lui aussi commençait à s'embraser.

- Mariem ! cria-t-il à son tour.

C'était le prénom de ma mère. Elle m'ordonna de ne pas bouger d'ici pendant qu'elle allait voir son mari, mais je ne l'écoutais pas. Je sortis en trombe de chez moi et faillis percuter Martin.

- J'ai tout essayé, s'excusa-t-il. Mais ta mère restait toujours à tes côtés. J'ai été obligé de l'endommager un peu, fit-il en montrant mon beau-père du doigt. J'espère que tu ne m'en veux pas trop.

– Non, ne t'inquiète pas pour cela. Et merci !

Il me regarda une dernière fois avant de plonger dans les buissons où se situaient les tunnels. De mon côté, j'avais une dernière chose à faire avant d'aller dans les souterrains. Je regardai mon beau-père s'enflammer sans rien, totalement impuissante. Pourtant, j'étais à peu près sûre que je pouvais faire quelque chose. Je réfléchis à toute vitesse, jusqu'à ce que mes mains se lèvent d'elles-mêmes vers le ciel. Une bourrasque m'ébouriffa et je compris. Je m'approchais le plus possible d'Émilien, et, avec plusieurs difficultés, je m'alliais à un vent froid qui passait au-dessus de nos têtes. J'arrivai à le faire descendre, et je fis en sorte qu'il souffle sur mon beau-père pour qu'il puisse s'éteindre rapidement. Une fois cette manœuvre difficile terminée, je pris la direction des tunnels, bien décidée à aller découvrir de nouvelles choses.


Les quatre élémentsWhere stories live. Discover now