Ok Google

27 6 0
                                    

Aucune photo pour illustrer l'article. Accusant un certain regain d'adrénaline, je tape Alban Ceste sur Google et tombe cette fois sur des dizaines de portraits officiels.

Un cinquantenaire, grand et pas seulement charismatique : beau, dans le genre austère. Cheveux noirs sillonnés de gris, une courte barbe poivre et sel, des yeux clairs dont l'expression dure n'est adoucie par aucune courbe. Ses traits sont de marbre, ni souriants ni maussades, ni calculateurs ni foncièrement altruistes.

Je passe sur sa page Wikipédia, dans l'encart des informations personnelles.

Date de naissance : 11 novembre 1958, Paris.

Parents : Auguste Ceste (1923 – 1985, FR), Marie-Louise Engler-Thorens (1933 – 1990, CH).

Frère(s)/sœurs(s) : Solange Cardinal, née Ceste, 25 avril 1971.

Marié en 1988 à Elina Astrid Christensen, mannequin de profession, née le 18 mars 1965 à Odense (DK). Divorcé en 1996.

Puis à sa filiation. Un seul nom apparaît :

Léandre Ceste, né le 22 novembre 1988.

Je retombe contre mon dossier, ronge mes doigts – pas mes ongles, mes doigts – avant de descendre dans la page.

Une fortune qui se compte en milliards, portée par le Groupe florissant et ses marques. Maroquinerie de luxe, parfums, grands crus de Bourgogne, haute joaillerie, fashion. Peu de choses apparaissent dans la partie intitulée vie personnelle, à part la mention, une fois encore, d'Elina Christensen. Une photo les affiche tous deux. Elle possède un petit quelque chose d'Eva Green ; des yeux de cet étonnant vert d'eau qu'elle a légué à son fils, une peau pâle qui complimente à merveille ses cheveux ébène. Sans être particulièrement physionomiste, le mélange des traits d'Alban et d'Elina permet d'obtenir un parfait Léandre.

Il n'est du reste quasiment rien dit de lui, si ce n'est sa naissance dans une clinique privée de Genève, ainsi qu'une scolarité partagée entre France et Suisse.

La biographie redirige vers le site Realize, sur lequel j'erre un moment avant de tomber sur une section qui retrace l'aventure du Groupe, de son rachat à l'expansion admirable qu'il connaît. D'autres photos jalonnent les étapes-clé de la chronologie, dont une sur laquelle apparait Alban, dans ce qui ressemblerait presque au jardin de l'Elysée. Il tient un enfant dans ses bras, un garçon de 6-7 ans. Si reconnaissable, déjà. J'effectue un clic droit pour enregistrer le cliché, sans toutefois m'y résoudre.

Vous ne vous entendez pas très bien ?

Pas du tout.

Qu'est-ce qui a bien pu briser sa famille ? L'argent, la célébrité ? Wikipédia m'apprend qu'Elina Christensen est encore l'égérie de plusieurs firmes, en Europe du Nord et en Asie. L'omniprésence du Groupe, peut-être ? Papa dit souvent « à gens riches, problèmes de gens riches ». Le pain béni des tabloïds dont je me tiens résolument éloignée, même lors de mes rares passages chez le coiffeur. La vie des autres, qu'ils soient célèbres ou non, ne m'a jamais intéressée. Mais Léandre n'est pas un autre.

Mon thé refroidi, je le vide d'une traite, triple vodka-style. J'essaye de me raccrocher à la certitude, illusoire, que ça ne change rien.

À 24 ans, qu'il le veuille ou non, Léandre est déjà quelqu'un. Je ne suis personne. La fille bizarre d'un libraire de province.



Liquorice LoveWhere stories live. Discover now