A male friend

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Ineke apparaît dans le vestibule quand je sors de la douche ; j'en profite pour l'attraper avant qu'elle ne s'enferme dans sa chambre et se mette à beugler avec ses amies restées au Pays-Bas.

« I wanted to tell you, I may have a friend coming tomorrow, for the weekend. I actually have a friend coming.

— Well yeah, no problem.

— A male friend.

— Ah.

— We will behave.

— Nah, do as you wish. I will sleep over at my friends to give you some space. Do you want to take my bed?

— That'd be cool, if it doesn't bother you.

— Sure. I'll give you a hand to move it.[1] »

S'en suit effectivement une conversation passionnée de l'autre côté de la cloison – au nombre de gloussements, je suspecte qu'elle relate la teneur de notre échange. Bah, peu importe. J'ai gagné un lit dans la négociation.

Le yaourt au citron attend sur ma table de chevet. J'en prends une cuillère, manque m'étouffer en voyant le nom de Léandre s'afficher au-dessus d'un appel Whatsapp. Je décroche, cœur comme yaourt au bord des lèvres.

« Bonsoir, salue-t-il avant d'ajouter : désolé, je suis en avance. Mais ça s'est avéré finalement assez simple d'abandonner Antti au pub.

— L'abandonner en pleine soirée organisée spécialement pour ton anniversaire ?

— C'était pour mon anniversaire jusqu'à la troisième pinte. Là, je ne suis pas sûr qu'il sache encore qui je suis. Ses beer friends le ramèneront peut-être. Ou pas.

— Vous faites un colocataire des plus déplorables, jeune homme.

— J'avais autre chose en tête. »

Aww, dirait sûrement Soline. Je ravale le couinement semblable qui menace de m'échapper, respire avant de demander :

« Tes affaires sont prêtes ?

— Depuis sept jours.

— Pas besoin de matelas, finalement.

— Je migre à la cave ?

— Ineke nous prête le sien.

— Elle dort par terre ?

— Elle abandonne le navire.

— Je t'avais bien dit que j'effrayais les gens. Même ceux qui ne m'ont jamais rencontré. »

Elle ne sait pas ce qu'elle manque. Du 10 sur l'échelle du cheesy.

« Est-ce que tu as des... des envies particulières, pour ce weekend ? »

Au temps nécessaire pour formuler cette phrase, on aurait pu croire qu'il s'agissait de la réponse à la question pour un million de ce sacré Jean-Pierre. Mais non, ce sont seulement mes envies, intimement liées à mes angoisses, qui refont surface. J'aimerais bien passer le pot de yaourt, froid, sur mes joues.

« Rien à part être avec toi. »

Je glisse contre le mur, souriant à mon poster de Nightwish. J'ai bien peur que le yaourt ne soit plus suffisant.

« Et à moins que tu ne préfères abréger cette conversation téléphonique, j'avais une idée d'activité, pour ce soir, reprend-il après un court silence. J'ai la saison 2 de Game of Thrones. On pourrait regarder ensemble le premier épisode, si je te l'envoie ?

— Doux Jésus. Ce serait trahir Soline.

— Tu pourras feindre l'étonnement. »

Ce n'est finalement pas un épisode que nous commentons par Whatsapp et PC interposés, mais trois. Je me rappelle avoir éteint les lampes à un moment, m'être couchée sans raccrocher. Je ne me souviens pas, en revanche, m'être endormie. Je réouvre un œil sur les coups de 2h, constate que notre appel est toujours en cours.

« Tu dors ? murmuré-je sans trop y croire.

— Pas tout à fait, répond-il toutefois. Mais je crois que tu as blacked out un moment.

— Hmm. Bonne nuit, Léandre, soufflé-je, paupières mi-closes. À demain.

— Non, à tout à l'heure. »

* * *

[1] « Je voulais te dire, j'ai peut-être une connaissance qui vient demain, pour le weekend. En fait, non, pas peut-être. C'est sûr.

— Pas de soucis.

— Une connaissance de type masculine.

— Ah.

— Mais on saura se tenir, promis.

— Non mais faites comme bon vous semble. J'irai dormir chez des amies pour vous laisser le champ libre. Tu veux prendre mon lit ?

— Ça serait trop cool, si ça ne te dérange pas.

— No problem, je te donnerai un coup de main. »


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