Un panneau d'indication. Déjà grand de l'extérieur, le ferry s'avère proprement labyrinthique. Aéré et spacieux dans les étages réservés aux classes supérieures, il est, comme un certain vaisseau dont je ne divulguerai pas le nom, étriqué et rempli de petites gens dans les niveaux inférieurs.
Nous trouvons sans trop de peine nos cabines, prévues pour 4 passagers. Soline et moi ignorons si des colocataires pour cette nuit et la suivante nous y rejoindrons – c'est le jeu, bien que l'idée de partager 8m2 avec deux inconnues ne m'emballe pas tellement. Enfin, on est là pour se forger de nouvelles expériences, pas vrai ?
Étant les premières arrivées, nous choisissons les couchettes du bas. La chambre possède un hublot par lequel nous lorgnons sur le port, son marché couvert pris d'assaut par des volées de goélands, les vedettes ballottées contre les flancs de notre monstre marin. Soline déballe ses affaires avant de se laisser tomber sur le matelas pour éplucher le programme qui nous a été fourni le matin-même, dans le bus en partance de Jyväskylä.
« Welcome to our amazing annual student cruise, 2012 edition [1], énonce-t-elle avec un claquement de langue appréciateur. T'as vu, ils ont même fait des patchs pour l'occasion. »
Je me pose pour décacheter à mon tour l'enveloppe, fais glisser dans ma paume ledit écusson brodé Pirates of the Baltic Sea, une clé USB de l'Université d'Helsinki ainsi que nos tickets repas pour un all-you-can-eat buffet.
« La soirée commence à 19h au Palace, faudrait qu'on mange avant, déclare Soline en vérifiant l'heure. Et qu'on se prépare, aussi. J'ai prévu de faire des yeux de biche very smoky.
— T'as pensé à prendre ton costume, au moins ?
— Je crois que j'ai tout. Comment il va s'habiller, le Jérèm ?
— Il a dit qu'il trouvait ça naze. C'est cool pourtant, une croisière déguisés en pirates.
— Ben, quand on a de quoi faire comme toi, avec ton père, oui. Si tu m'avais pas prêté des trucs, j'aurais été bien emmerdée. »
Il est vrai que, papa étant féru de reconstitution médiévale – et, plus précisément, du XIVème siècle – avait gentiment accepté de m'envoyer de quoi nous vêtir sauce piraterie. Et puisque je penche naturellement vers un style vestimentaire que certains qualifient de dépressif et moi, de gothique, je n'avais eu aucune peine à associer la chemise bouffante à un bustier emporté dans mes valises. Dans les faits, mon costume s'apparente davantage à la flibustière sexy qu'au corsaire du Roi. Mais comme le prêche si bien Jérémie, Erasmus, c'est fait pour s'amuser. Étudier aussi, encore que ça semble passer en second plan de son côté.
« Mon 90D va jamais rentrer là-dedans, déplore Soline en inspectant le corset que je lui ai prêté.
— Mais si, on va défaire les lacets. Ça va pigeonner, tu vas voir.
— Tellement que je vais m'étouffer avec. Et qui c'est qui va encore avoir l'air d'une naine à côté de toi, hein ?
— D'une naine sapée comme une reine. Et t'as des talons, Little Miss Sunshine. Moi pas. »
On frappe alors que je m'apprête à retirer mon soutien-gorge. Serrant mon pull contre moi, j'entrebâille la porte.
* * *
[1] Bienvenue à notre super croisière étudiante annuelle, année 2012.
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Liquorice Love
Romance🇫🇮❄️🍻🤘🏻🍭🔞 • Octobre 2012, Finlande. On dit que l'aventure Erasmus permet des nouvelles rencontres, inoubliables. Sans doute, mais quand on est, comme Tiphaine, étudiante en Langues abonnée au sarcasme mais introvertie jusqu'au trognon, s'imme...
