Chapitre 18 : Vertige (Première partie)

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Hagard, je suivais Arnaud du regard tandis qu'il s'activait dans la pièce, déambulant sans cohérence apparente alors qu'il ne cessait de passer et repasser sa main gauche dans la masse d'épis noirs qu'il prétendait être des cheveux dans un tic nerveux, les ébouriffant au-delà de l'impensable. Il s'agitait en tout sens en vain dans un déferlement d'énergie aussi impressionnant qu'inutile qui lui était propre. Typiquement Arnaud. Ce qui l'était moins en revanche, c'était le tremblement spasmodique apparemment incontrôlable qui semblait avoir pris possession de ses mains. Sans compter le fait que je n'avais que rarement vu son visage refléter autant d'émotions bien qu'elles se mouvaient et s'entremêlaient tellement que j'étais bien incapable d'en suivre le cours. Je me trouvais même incapable d'identifier la plupart d'entre elles, disparaissant et revenant trop vite pour que je puisse les décrypter. L'une d'elle ne quittait toutefois jamais les traits tendus de son visage. Je ne l'avais jamais vu aussi désemparé.

J'avais toujours considéré Arnaud comme une valeur sure et inébranlable. Mon pilier. Il avait ses doutes et ses angoisses bien sûr mais il les dissimulaient généralement avec brio pour mieux apaiser celles des autres. J'étais le seul à voir à travers cette façade à force de temps et d'observation. Et parce qu'Arnaud le voulait bien aussi. Il avait appris à me faire confiance, à se permettre de se relâcher et d'être juste lui, un être fait de forces et de faiblesses. Tout comme il avait appris à apprivoiser et à s'accommoder de mon caractère. Avec moi il permettait au masque, si ce n'est de tomber, d'au moins s'ébrécher, me laissant voir les fissures derrière l'armure. Parce que malgré sa folie enfantine si pleine de bonne humeur, Arnaud était toujours en contrôle de ses émotions. Ses émotions négatives telles que la peur, le doute ou la tristesse. Il ne montrait jamais celles-là habituellement sauf que son frère venait d'être admis à l'hôpital. Et moi, je les voyais maintenant. Je le voyais perdre le contrôle de sa si parfaite maîtrise. J'observais la force tranquille qu'il était, pareil à un arbre millénaire que rien n'affectait jamais pas même les aléas de la météo, trembler. Mon pilier semblait prêt à s'effondrer et je ne savais pas quoi faire pour empêcher ça. Je ne l'avais jamais su et ne le saurait probablement jamais. Je savais faire face à ce genre de situation quand elle me concernait mais je n'avais pas la moindre idée de comment réagir quand cela affectait quelqu'un d'autre. Quelqu'un que j'aurais voulu que jamais rien ne touche, quitte à tout supporter à sa place. J'encaissais les coups mieux que personne. Je préférais les prendre directement plutôt qu'observer Arnaud lutter contre sans rien pouvoir faire. Je ne savais pas quoi faire, putain ! Sauf que l'heure n'était clairement pas aux doutes et à l'inaction. Pas pour moi en tout cas. Je n'en avais pas le droit, ni même le luxe parce que peu importe mes états d'âmes, il fallait faire quelque chose. Je n'allais pas le laisser chuter comme je l'avais fait. Et si je ne pouvais pas lutter contre l'inéluctable alors je serais en bas pour amortir sa chute.

- Arnaud, l'interpellais-je d'une voix faible qui me surpris.

Trop basse pour briser la frénésie d'Arnaud visiblement puisqu'il continuait de tourner dans ma chambre comme s'il cherchait quelque chose sans réussir à le trouver.

- Arnaud, répétais-je un peu plus fort, prenant de l'assurance.

Quelqu'un devait bien prendre la situation en main. Je n'obtins cependant pas plus de résultat que précédemment. Mon caractère habituel reprenant le dessus sur mes angoisses, je me décidais enfin à réellement agir, quitte à le brusquer un peu. Il en avait bien besoin pour reprendre ses esprits.

- Arnaud STOP, ordonnais-je d'une voix forte tout en m'interposant en plein milieu de sa trajectoire aléatoire, mes mains saisissant ses bras et se refermant sur ses biceps pour mieux l'immobiliser et obtenir son attention.

- Je les trouves pas. Je ne les trouves pas PUTAIN, hurla-t-il tout en se débattant sans succès contre ma grippe.

La panique déformait son visage et voilait son regard tout comme elle brouillait sa réflexion. Il fallait que je parvienne à briser cet état de quasi hystérie.

Dépendance | ⚠️EN PAUSE⚠️Where stories live. Discover now