Chapitre 9 : Suis-moi, je te fuis

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En ouvrant les paupières, mon regard s'accrocha à des murs blancs inhabituels qui m'agressèrent désagréablement les pupilles avant de dévier sur les draps de lit aux couleurs plus chaudes, plus sombres et plus familières. Les murs chocolat de ma chambre me manquaient. Beaucoup plus doux pour mes yeux relativement sensibles aux différences brutales de lumière.

Il me fallut une minute à contrôler la panique qui grandissait en moi avant de comprendre où je me trouvais. Je venais d'identifier la chambre d'Arnaud grâce à cette horrible peluche qu'il affectionnait tant et à laquelle Arnaud avait donné un nom tout aussi horrible : Falzouille. J'étais bien sûr déjà venu chez Arnaud mais je n'avais jamais vu ça chambre et encore moins pénétré à l'intérieur donc. Tout comme Arnaud n'avait jamais vu la mienne. Pour lui ce n'était certainement pas intentionnel, je n'avais juste rien à faire dans sa chambre.

Dans mon cas par contre ça démontrait une volonté farouche de préserver mon espace personnel, mon ultime refuge. Ma barrière entre moi et le monde. Ma chambre c'était mon sanctuaire, ma retraite. Personne n'y était jamais entré et j'avais persuadé toutes les filles ou garçons avec qui j'avais pu partager une nuit de la passer chez eux. J'avais besoin d'un endroit inconnu de tous ou pouvoir me retirer et réfléchir en paix. Y laisser entrer qui que ce soit serait comme polluer les lieux. Parasiter la place où j'avais le sentiment que rien ne pouvait m'atteindre. Court-circuiter les réflexions que je pouvais y avoir. Là-bas, je me laissais enfin aller à toutes mes pensées sans crainte d'un regard ou jugement intérieur. C'était peut-être stupide ou même incompréhensible parce qu'après tout je ne vois pas en quoi cet endroit serait plus protégé qu'un autre mais c'était comme ça. J'y étais plus moi-même que nulle ne part ailleurs et rien ne devait venir entacher mon no man's land.

Sortant de mes pensées, je me levais – remarquant au passage et avec un vif soulagement qu'Arnaud ne m'avait pas déshabillé – puis enfilait direct mes chaussures dans l'espoir de me casser d'ici en toute discrétion. Espoir mort-né dès que j'atteignais le salon d'Arnaud où ce dernier semblait dormir, avachi de tout son long sur le canapé ocré. Le maître mot étant semblait car au moment même où je posais la main sur la poignée de la porte d'entrée, ou plutôt de sortie dans mon cas, sa voix s'éleva dans la pièce.

- N'y penses même pas.

Raté. Je fermais les paupières sous l'effet de la déception. Ça n'avait pas été loin. J'avais presque réussi mais non. J'y avais cru pourtant. Tout à ma désillusion, je ne vis pas Arnaud se redresser pour me fixer d'un œil suspicieux, prêt à bondir par-dessus le dossier de son lit provisoire au moindre mouvement dévoilant une intention de fuite de ma part. Résigné, je lâchais la poignée de la porte puis fis demi-tour pour rejoindre la cuisine, le tout sans jeter un œil à Arnaud. J'avais un peu trop peur de ce que je pourrais lire en lui.

Dans la cuisine, je tombais sur l'ordinateur d'Arnaud qu'il avait laissé sur la table. Il bourdonnait doucement, preuve qu'il n'était qu'en veille. Pris d'un élan de curiosité, je ranimais l'engin pour aussitôt tombé sur la dernière page qu'Arnaud avait consulté et visiblement oublié de quitter. Le titre me sauta aussitôt aux yeux « Héroïne, effets et dangers, comment traiter la dépendance ? ». Tout en fermant les paupières, je me maudissais pour ma curiosité mal placée. J'aurais vraiment préféré éviter de voir ça. En plus de ça, pour savoir que j'étais dépendant à l'héroïne, Arnaud avait dû faire des recherches sur les différentes drogues existantes pour identifier la bonne ce que confirmait la longue liste présente dans l'historique ouvert en marge de la page internet. J'avais la désagréable sensation d'être le cobaye d'une expérience. Qu'Arnaud était redevenu un étudiant préparant sa thèse dont j'étais le sujet d'analyse.

Furieux contre Arnaud, moi-même, le reste du monde ou les trois en même temps - je ne sais même pas - je m'apprêtais à me préparer un café d'un geste mécanique mais je me stoppais soudainement en plein élan, le bras tendu et la main à mi-chemin entre mon corps et mon objectif. Arnaud avait changé de cafetière pour une espèce de truc ultra-moderne avec tout un tas d'options inutiles et de boutons dont on ignorait l'utilité de l'achat à la mort de l'engin. Geste tout à fait anodin en apparence. Sauf que la machine permettait également de faire des cappuccinos. Je me souvenais encore de la dernière fois où j'étais venu dans l'appart d'Arnaud. De la manière dont j'avais pesté et râlé parce que je ne pouvais pas avoir de cappuccinos alors que ma propre cafetière ne délivrait que du mauvais café que je détestais et que j'agrémentais de tellement de sucre pour pouvoir faire passer le tout que ça devrait en être interdit.

Dépendance | ⚠️EN PAUSE⚠️Where stories live. Discover now