Chapitre 15 : Solitude

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- Jérémy, me susurra une voix.

Je pivotais sur mes hanches pour jeter un regard tout autour de moi, englobant tout l'espace sans ne rien voir d'autre que l'intense pénombre qui m'encerclait, me cernant jusqu'à m'étouffer. Pas la moindre lueur ne filtrait pour venir m'éclairer de sa présence réconfortante et je sentis l'angoisse lentement ronger mon être.

- Jérémy, répéta la voix, semblant venir de partout et nulle part à la fois.

Les muscles bandés à l'extrême, attentif au moindre son ou mouvement m'indiquant une présence, je laissais mes yeux sombres paraissant pourtant presque trop clairs dans le décor alentour, naviguer à toute vitesse sans jamais se poser nulle part. Ils n'avaient rien à quoi s'accrocher de toute façon. Seul un vide abyssal régnait, s'étendant et s'étirant sans fin dans les ténèbres.

- Jérémy, souffla une troisième fois la même voix féminine mais au creux de mon oreille cette fois si.

Je tournais vivement la tête, manquant de justesse l'immense joie de récolter l'un des pires torticolis de ma vie, l'angoisse cédant soudainement place à la panique. Une fois encore, mon regard ne tomba que sur le néant. Quand je reportais mon attention vers l'avant je fus toutefois aveuglé d'une si vive luminosité que je dus fermer mes yeux rendus larmoyants par le vivacité de cet éclat blanc d'une pureté étrangement agressive. A travers mes paupières closes, je discernais l'intensité de cette inattendue source de lumière décroître jusqu'à me paraître de nouveau supportable. J'ouvris précautionneusement les yeux et mon regard tomba aussitôt sur les deux corps étendus devant moi, reposant chacun sur une table de métal identique. L'un masculin, l'autre féminin. Étant recouverts d'un drap blanc, je ne pus distinguer que leur visage ce qui se révélait déjà bien trop. Les cheveux grisonnants de l'homme et ceux de la femme, d'un noir si sombre qu'ils semblaient animés de reflets bleus, m'étaient bien trop familier. Une terreur sans nom et sans visage me paralysa sur place alors que je fixais la large entaille qui défigurait la peau hâlée de ce visage féminin, entachant se beauté. Ce corps gisant si coutumier à mon regard et pourtant si étranger dans son inanition.

Je secouais la tête avec frénésie, tentant de nier de toutes mes forces l'horrible vérité étalée toute nue devant moi avec une telle cruauté et un tel fatalisme qu'elle n'en devenait que plus implacable. Et, mon dieu, si insupportable. Ça ne pouvait pas être vrai. Pas eux. Non, pas eux. Je vous en prie. Je clignais désespérément mes paupières pour chasser les larmes qui baignaient mes yeux, s'accrochant et perlant à mes cils en voilant ma vision. Je croisais mes bras sur mon torse, chacune de mes mains s'agrippant à la peau présente sous mes doigts avec le même désarroi que devait refléter mon visage à la vue de cet effroyable spectacle offert sans la moindre pudeur à mon âme déchirée. La femme ouvrit subitement les yeux, des yeux si semblables aux miens mais si désespérément vides de la moindre trace de vie. Elle riva son regard éteint sur moi, me transperçant de sa détresse avant d'ouvrir la bouche, ses lèvres gercées se craquelant en laissant apparaître du sang séché dans les cratères ainsi formés.

- Aide-moi Jérémy, me supplia-t-elle d'une voix inhumaine qui m'était inconnue.

- J'aimerais. Si tu savais à quel point j'aimerais. Je regrette, geignis-je dans un murmure tourmenté et déchiré, implorant pour que quelqu'un ou quelque chose me délivre de ce supplice.

Elle poussa un cri strident, si lugubre qu'il me glaça le sang, me gelant sur place. Dans la seconde qui suivit, elle s'embrasa, le feu se rependant au corps masculin à ses côtés. Je me précipitais en avant mais tous les deux disparurent bien avant que j'atteigne la table.

- MAMAN, hurlais-je si fort que ma voix se brisa alors que mes poumons se comprimaient jusqu'à sembler imploser.

Je me redressais brusquement alors qu'un lourd bruit de chute accompagnait mon mouvement sans que je n'y prête la moindre attention. Le souffle court, le cœur battant la chamade en résonnant sourdement dans mes tempes , mes yeux tournèrent furieusement dans leurs orbites jusqu'à reconnaître dans le décor me cerclant celui de mon salon. Je me calmais alors, tentant d'apaiser le rythme de ma respiration si frénétique qu'il en devenait douloureux.

Dépendance | ⚠️EN PAUSE⚠️Where stories live. Discover now