Chapitre 4 : Réalisation

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Dépourvu de toutes inhibitions, je me déhanchais sur la piste de danse au rythme de la musique. La drogue avait cet étrange pouvoir de me rendre complètement libre, d'abaisser n'importe quel frein mental que je pouvais m'imposer en temps normal et me faire vivre la musique comme jamais. En plus de la sensation d'oubli et de l'impression de vivre dans un rêve éveillé rendant toutes lumières tellement plus intenses. Un faisceau de couleurs des plus fascinants. Et encore, ce soir je m'étais contenté d'une dose plus faible que d'habitude. J'aurais plutôt dû en prendre plus pour fêter mon évasion de l'hôpital. Quoique je n'avais aucun mérite, vraiment. Je le connaissais comme ma poche. Il m'avait suffi d'enlever ma blouse de patient et remettre mes vêtements puis de marcher tête baissée jusqu'au vestiaire des médecins en prenant bien soin d'éviter l'infirmière de l'accueil apparemment fan de l'émission Ondar. Ça avait été facile, j'étais encore aux urgences puisqu'on ne m'avait pas transféré, tout le monde était bien trop occupé pour me remarquer. Une fois au vestiaire, j'avais pris une blouse de médecin, y avait accroché un badge de stagiaire qui traînait sur une table puis j'avais marché jusqu'à la sortie réservée au personnel toujours tête baissée. Personne ne m'avait arrêté. Les docteurs que j'avais croisés m'avait pris pour un nouveau stagiaire qu'ils ne connaissaient pas encore. Et le tour avait été joué en cinq minutes, bien avant que quiconque donne l'alerte d'un patient en fuite.

La musique changea alors que je continuais de me déhancher probablement un peu trop sensuellement sur la piste de danse. Je ne tardais d'ailleurs pas à sentir un corps se coller au mien. Un corps masculin. Pas dérangé le moins du monde, je continuais de me mouvoir en rythme avec mon nouveau partenaire de jeu. Je ne me définissais pas comme quelqu'un de gay mais j'avais expérimenté cette facette de ma sexualité dans mes jeunes années, mes premières à Paris. Par simple curiosité. Et ça avait été loin d'être désagréable, même si je n'avais plus renouvelé l'expérience depuis longtemps maintenant. Je m'amusais ainsi des heures durant puis faussait compagnie à mon nouvel ami quand il allait nous chercher à boire. Décidément. J'étais un as de l'évasion ce soir. À retenir le coup de la boisson.

Je marchais ensuite tranquillement jusque chez moi, profitant de l'air frais pour me réveiller un peu. Enfin parvenu devant mon immeuble, je poussais difficilement la porte, manquant de justesse de perdre l'équilibre dans l'opération avant de me diriger vers les escaliers. Bien sûr, j'aurais pu prendre l'ascenseur, ça aurait même certainement été une meilleure idée vu le temps qu'il me fallut pour parvenir à mon étage mais l'idée n'effleura pas même un instant mon esprit embrumé. Après quelques laborieuses minutes d'ascension, je me retrouvais enfin sur mon palier. À cette heure avancée de la nuit, je me trouvais plongé dans la pénombre la plus totale. C'est pour ça que je ne constatais la présence d'un visiteur infortuné quand actionnant l'interrupteur. Visiteur qui se trouvait assis par terre, le dos contre ma porte et la tête enfouie dans le creux de ses bras eux même calés sur ses jambes repliées contre son torse. La lumière eut le mérite de le réveiller et il releva la tête dans ma direction. Je poussais un soupir à mi-chemin entre l'exaspération et la résignation en reconnaissant mon squatteur personnel.

- T'as décidé de t'installer définitivement sur le palier de ma porte ?

Il me fixa quelques secondes de ses yeux trop verts, son cerveau semblant chercher à faire le point en se reconnectant à la réalité. Quand se fut fait, il se frotta les yeux, passa une main dans la masse noire qui lui servait de cheveux et qui se trouvait par je ne sais quel miracle, ou plutôt cataclysme, encore plus ébouriffée que d'habitude puis se releva. Je le suivais du regard tandis qu'il marchait dans ma direction. Il s'arrêta à mon niveau, à moins d'un mètre de moi ce qui m'obligea à relever légèrement la tête pour continuer de croiser son regard. On resta debout l'un en face de l'autre, sans rien dire, comme les deux imbéciles que nous étions quand Arnaud brisa soudainement cette étrange atmosphère silencieuse et pourtant curieusement pesante et si pleine de rancune respective que je pouvais en sentir la saveur douce-amère sur ma langue.

Dépendance | ⚠️EN PAUSE⚠️Where stories live. Discover now