Chapitre 16 : Aime-moi

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Je haletais, le souffle court, tentant tant bien que mal de reprendre ma respiration. Un vigoureux coup de pied retourné que je n'avais pas vu venir m'en empêcha toutefois en heurtant brutalement mon sternum et en m'envoyant valser à plusieurs mètres de là. Je tombais sur le dos et malgré le fait que je savais chuter sans me faire mal, l'une des premières leçons qu'on apprenait au judo, je ne pus m'empêcher de lâcher un bref cri sous l'effet de la douleur qui explosa dans mes côtes.

Presque un mois. Presque un mois que j'avais eu mon œdème pulmonaire après ma mort clinique et mes poumons n'étaient toujours pas entièrement remis. Mon traitement devait normalement se terminer dans trois jours pourtant. Après contrôle médicale toutefois. Simple vérification normalement. Bizarrement je le sentais plutôt mal cette « vérification ». Je fus coupé dans mes pensées par mon partenaire et adversaire me demandant si ça allait.

- Bien, répondis-je.

Il m'aida tout de même à me relever et vu la douleur persistante dans mon torse, je mettais fin à notre séance d'entraînement, regagnant les vestiaires pour prendre une douche. Une fois sous le jet d'eau chaude, je laissais mes muscles se détendre et mes pensées vagabonder.

Presque un mois. Presque un mois sans la moindre nouvelle d'Arnaud si ce n'est ce message qu'il m'avait laissé hier sur twitter pour mon anniversaire. Un message plus dédié aux fans et à leur plaisir qu'à moi-même en fait. J'avais donc répondu en conséquence. Fans qui étaient venus me voir en grand nombre lors des deux semaines de tournée en Province dont je revenais tout juste. Ces même fans qui m'avaient, lors de mes spectacles d'hier et avant-hier, offert un nombre incalculable de cadeaux que j'avais eu bien du mal à tous caser dans une valise. J'avais pris le train directement après mon spectacle pour arriver à Paris aux alentours de minuit. J'étais tombé mort de fatigue dans mon lit pour me faire réveiller par ce cauchemar qui me harcelait chaque nuit depuis un mois après à peine cinq heures de sommeil. J'étais donc allé faire mon footing quotidien avant de gagner la salle de sport pour une bonne séance de jujitsu. Ça m'avait manqué pendant ma tournée.

Et maintenant je me tenais là sous ce jet d'eau à prendre un douche à laquelle il serait peut-être temps de mettre fin. Je stoppais donc l'eau avant de me sécher et d'enfiler un jean. Je prenais ensuite le temps d'examiner mon thorax dans la glace. Ma peau était légèrement rougie au niveau de mes côtes douloureuses, constat qui me fit grimacer. Je pouvais encore entendre la voix de Louis me dire de me ménager et d'éviter tout effort physique intense. D'après ses recommandations, je supposais qu'un coup de pied dans les côtes n'était pas particulièrement recommandé non plus.

Préférant ignoré ce léger détail, je me détournais de la glace pour rejoindre mon casier et trouver un tee-shirt propre. Je m'immobilisais toutefois en sortant des douches à la vue d'un corps familier aux cheveux bruns ébouriffés allongé de tout son long sur un banc, les mains calées sous sa tête lui servant d'oreiller. Je me reprenais rapidement et rejoignais mes affaires comme si de rien n'était, l'ignorant totalement.

- Joyeux anniversaire, déclara une voix dans mon dos.

- C'était hier, ripostais-je sèchement. Soit on le fête le jour J, soit on le fête pas. Ça n'a aucun sens sinon. Déjà que je n'y trouve pas de sens de le célébrer le jour même.

- Et ben il va falloir ranger ta mauvaise humeur et ton mordant au placard parce que les gars on prévus un truc en boîte ce soir.

Cessant de fouiller dans mes affaires, je me retournais vivement pour faire face aux corps toujours étendu d'Arnaud.

- C'est un blague ? Tu sais très bien que je n'aime pas fêter les anniversaires, surtout le mien. Pourquoi tu les en a pas empêchés ?

Arnaud ouvrit un œil, me jetant un coup d'œil.

- Ils étaient tellement excités par l'idée, j'ai pas eu le cœur de les priver de ça. Tu pourrais faire un effort pour une fois. Qui sait, peut-être même que tu t'amuseras ?

- Bien sûr et demain Jésus descendra sur Terre après plus de deux milles ans de soit-disant absence nous béniras tous et gommera toutes les inégalités et injustice du monde. T'as vu la vierge ou quoi ?

- Tu crois que ça m'enchante de me retrouver en boîte de nuit ? J'ai trente-huit ans ! Je le fais pour eux.

- Oui parce que tu es un Saint parmi les saints, ironisais-je. Je vois pas pourquoi moi je ferais cet effort.

Arnaud se releva enfin pour me faire face, plongeant son regard clair dans mes yeux d'obsidienne.

- Parce qu'ils sont tes amis et qu'ils se font du souci pour toi.

Il jeta un coup d'œil à mon torse et la marque rouge qui l'ornait avant d'ajouter.

- Et il y a de quoi. Je vois que comme toujours tu écoutes à merveille les conseils qu'on te donne même s'il s'agit de ta santé.

- J'ai pas de leçon à recevoir d'un gars répondant plus souvent aux abonnés absents que présent, déclarais-je de mon ton le plus froid tout en lui tournant le dos pour enfiler enfin un tee-shirt.

- Je suis désolé, s'excusa-t-il dans un murmure.

Je lui fis de nouveau face pour le voir passer sa main dans ses cheveux, un air contrit sur le visage et les yeux emplis de cette culpabilité dont il faisait preuve à outrance au moindre fait qu'on lui reprochait, au point de me donner envie de vomir parfois. J'étais en colère à cause de son silence. J'étais agressif à cause de la douleur du manque. Il n'avait néanmoins rien à se faire pardonner. C'était de ma faute et uniquement la mienne s'il avait fui. Le voyant ouvrir la bouche et sachant qu'il voulait discuter de ce qu'il s'était passé la dernière fois qu'on s'était fait face dans mon appartement, je prenais la tangente, préférant fuir que revenir sur mes aveux. Une fois dehors, je m'allumais une clope pour essayer de me détendre mais alors que je la portais à ma bouche, elle me fut rudement arrachée des mains.

- T'es sérieux là ? S'exclama un Arnaud à mi-chemin entre l'incrédulité la plus sincère et la colère mal contenue. Ne me dis pas que tu t'es remis à fumer maintenant, alors que tu sors tous juste d'une cure de desintox e que tu as les poumons fragiles ?

- Je te le dirais pas alors, répliquais-je avec agacement.

Arnaud semblait prêt à remettre ça et je le coupais avant même qu'il ne puisse dire un mot.

- Je serais là ce soir. Envoie-moi l'adresse sur mon portable.

Puis je m'éloignais sans plus de cérémonie, sous l'œil désapprobateur d'Arnaud qui ne fit toutefois rien pour me retenir. Sage décision pour lui. Je devais me calmer et étouffer la colère que j'avais ressenti en le revoyant devant moi après tout ce temps avant de pouvoir lui faire face à nouveau sans m'en prendre à lui et l'agresser de mes mots qui savaient si bien viser juste et taper où ça fait mal.

Le soir, je me conditionnais pour me montrer agréable et tout faire pour profiter de la soirée avant de rejoindre la fameuse boîte de nuit où je fus toute de suite intercepté par un Majid et un Hugues particulièrement enthousiaste.

- Joyeux anniversaire, hurlèrent-ils en cœur tout en se jetant sur moi, se pendant à mon cou en me recouvrant les joues de salive par leurs innombrables bises. Quand ils finirent enfin par me lâcher, satisfaisait d'eux-même et de leur œuvre, je leur lançais un regard noir tout en m'essuyant les joues ce qui ne fit que les faire rire un peu plus fort.

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