Chapitre 8 : Ange déchu

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Un ange passa. Puis deux. Puis trois. Puis toute une flopée. Le temps semblait irrémédiablement figé, tout comme l'intransigeante poigne d'Arnaud sur mon bras qui semblait se resserrer au fur et à mesure, devenant franchement douloureuse. Il ne me vient toutefois pas à l'esprit de protester. Alors que la musique continuait de frapper furieusement nos oreilles, semblant si étrangère à ce qu'il était en train de se jouer entre Arnaud et moi et me certifiant que non, le monde ne s'était pas arrêté de tourner même si j'en avais la tenace impression ; je me tenais immobile, retenant mon souffle en l'attente du jugement qui n'allait pas manquer de tomber et déterminé toute ma vie à venir. Le monde ne s'était peut-être pas arrêter de tourner, mais le mien semblait se jouer en cet instant.

- Ce ... c'est ... Dis-moi que c'est une blague. Dis-moi que ce n'est pas ce que je crois, me pria Arnaud.

La fêlure dans sa voix, son intonation si suppliante, si tremblotante, quelque part à la frontière de la fureur et des larmes, me remua tant que je fermais les paupières, ne voulant surtout pas voir le visage qui accompagnait le déchirement, le désarroi immanquable de ses propos. Je prenais le temps de me blinder, prêt à affronter n'importe quelle réaction d'Arnaud avec un masque parfait d'indifférence avant de rouvrir les yeux sans toutefois croiser les siens, fixant un point quelconque de son torse.

- C'est une blague. Ce n'est pas ce que tu crois. Les deux espèces de lourdauds sans cervelle ont une caméra cachée.

La poigne d'Arnaud se referma un peu plus sur mon avant-bras et je grimaçais franchement, me retenant à grande peine de répliquer physiquement.

- C'est franchement pas le moment Jérémy.

Je haussais un sourcil tout en inscrivant sur mon visage le masque parfait de l'innocence la plus feinte.

- Quoi ? C'est bien ce que tu m'as demandé de te dire non ? Tu devrais être satisfait, pour une fois que je fais ce que tu me dis.

Arnaud relâcha enfin mon avant-bras pour se passer les deux mains dans les cheveux et j'en profitais pour ramener vivement mon membre meurtri contre mon corps. Je pris ensuite le temps de jeter un œil à Arnaud pour constater son visage complètement défait, les cheveux tirés en arrière par ses doigts qui semblaient s'y agrippés si fort que ça devait en devenir douloureux. Son regard flou, perdu et presque fou, passa sur moi sans sembler me voir pour revenir sur mon visage, s'attardant sur mes yeux aux pupilles anormalement dilatées et au blanc de l'œil rougi, sur mon regard fuyant, mouvant tant et si bien qu'il semblait avoir du mal à se concentrer. Bien trop rêveur pour pouvoir le capturer.

Je vis ses deux émeraudes se fixer sur la porte qui se tenait derrière moi et que je dissimulais du mieux que je pouvais. Tout comme je vis l'étincelle de compréhension le frapper avant que son visage ne se referme complètement. Je pouvais tout de même y déchiffrer l'air de profonde détermination qui venait d'y prendre place. Bien. Arnaud avait choisi entre le désarroi total et la fureur mal contenue. Je ne suis pas sûr que l'option qu'il avait choisie soit la meilleure. Surtout pour moi.

Un mouvement furtif dévia mon attention et je baissais les yeux pour constater le geste répétitif, le tic nerveux en fait, qui agitait la main d'Arnaud qui ne cessait de se refermer en un poing serré avant de se relâcher puis de recommencer. Je n'imaginais que trop bien ce qui passait dans sa tête. Il devait vraiment rêver de me foutre ce poing dans la gueule mais se contenait difficilement.

Arnaud profita de ma distraction pour me contourner et foncer d'un pas rapide vers la dite porte avec la même détermination qu'un missile à qui on aurait donné une cible précise à atteindre. Rien ne pourrait le dévier de sa trajectoire. Je tentais quand même ma chance et le retenais par le bras, le forçant à se tourner vers moi. La rage que je lus dans ses yeux me fit marquer un mouvement de recul et je sentis la panique me gagner peu à peu.

Dépendance | ⚠️EN PAUSE⚠️Where stories live. Discover now