Chapitre 5 : Kryptonite

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Un bruit sourd suivit de quelques jurons colorés me firent brutalement ouvrir les yeux. Je m'apprêtais à bondir hors de mon lit pour me ruer dans ma cuisine et faire face à l'étranger qui se trouvait chez moi et qui allait amèrement le regretter, foi d'un Jérémy Ferrari ceinture noir de jujitsu, quand je reconnus la douce voix – c'est ironique bien sûr – qui continuait de jurer dans un faible murmure qui perçait malgré tout à travers le montant de la porte close de ma chambre. Je soupirais de lassitude tout en me laissant lourdement retomber sur mon lit, ma tête s'enfonçant profondément dans mes oreillers tassés par ma nuit. Arnaud évidemment. Qui d'autre pouvait remuer et faire autant de bruit dès le matin ?

Jetant un œil à mon réveil, je fronçais les sourcils. Impossible. Je vérifiais l'heure sur ma montre. Ah ben si, possible. Les deux affichaient bel et bien seize heures. Ce n'était définitivement plus le matin. J'avais fait le tour du cadran. La dernière fois que ça m'était arrivé ça remontait à...en fait, j'en sais rien. Je ne pouvais même pas m'en rappeler.

Étendu de tout mon long sur mon lit, bras et jambes écartés, je portais une main à mon front tout en fermant hermétiquement les yeux, tentant désespérément de faire refluer loin de mon cerveau les révélations qui s'étaient imposées à moi la veille au soir. Ou au matin. Bref peu importe. Mais les images et les pensées qui s'y trouvaient reliées persistaient à défiler sous mes paupières closes que je serrais plus fort dans un vain espoir de faire disparaître les souvenirs. Sans succès bien sûr. À quoi je m'attendais franchement ?

- Ne sois pas stupide Jérémy.

Ma voix déchira la pénombre silencieuse, presque morose, qui régnait jusqu'alors dans ma chambre. De mieux en mieux. Voilà que je me parlais à moi-même désormais. J'étais vraiment un cas désespéré. Non pas que j'en ai un jour douté. Bien. Si mes pensées voulaient à tout prix s'imposer, j'allais les laisser faire et arrêter de lutter un instant. Donc j'étais amoureux d'Arnaud. C'était une première. Fille ou garçon, toutes les liaisons que j'avais eu n'avaient jamais impliqué d'amour. Du désir, parfois de l'attachement mais jamais plus. Je ne m'étais jamais autant investi personnellement parlant auparavant, ni aussi émotionnellement.

Quand je disais que j'étais nul quand il s'agissait d'aimer mon prochain, ce n'était pas une blague (*¹). Malgré l'impression de connard insensible que je pouvais donner à cause du style particulier d'humour que je m'étais choisi, je ressentais au contraire un peu trop les choses. D'où le fait que j'avais tendance à repousser les gens avant de m'attacher un peu trop. Tant et si bien que c'était devenu automatique avec le temps et que je n'arrivais désormais plus à aimer au sens fort du terme, même si je le voulais. Je fuyais avant d'avoir la chance, ou le malheur, de ressentir de l'amour. Jamais rien ne devait aller au-delà de l'amitié. Celle profonde et sincère que je pensais jusque-là partager avec Arnaud avait fini par briser le mur que j'avais si bien bâti autour de moi que je m'en étais moi-même retrouvé prisonnier. Je n'avais pas cru cela possible. Je pensais m'être condamné à ne jamais tomber amoureux et pourtant ça avait fini par arriver. Et il avait fallu que ça tombe sur Arnaud. Je n'avais pas le droit de lui faire ça. De nous faire ça. Jamais je ne sacrifierai la si précieuse complicité qui nous avions. Parce que jamais encore je n'avais été lié si profondément à quelqu'un. Et le pire dans tout ça c'est que le tout s'était fait de la manière la plus naturelle possible sans même que je ne le réalise. Quand j'avais pris conscience qu'il était devenu un ami cher, il l'était déjà devenu bien au-delà des mots.

La donne avait néanmoins changé. J'étais désormais un toxico qui aimait son meilleur ami un peu trop. Et pas au sens platonique du terme. Finalement mes sentiments avaient peut-être évolué mais ça ne changeait rien au reste. Arnaud ne devait toujours pas être affecté par mes dérives lucides. Je ne devais pas l'impliquer plus que nécessaire dans ma vie actuelle. Nous devions devenir moins proches, s'éloigner assez pour qu'il ne soit pas touché. Je ne voulais pas qu'il devienne un dégât collatéral à mon auto-destruction.

Dépendance | ⚠️EN PAUSE⚠️On viuen les histories. Descobreix ara