Sorcière malgré elle II

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Maxwell me proposa de poursuivre les recherches sur la fameuse Ekiesha à la médiathèque de la bibliothèque. Profitant de son départ, j'ai décidé d'enquêter de mon côté sur Ava A, ma mère. C'était une tâche que je devais accomplir seule. Depuis la fenêtre du salon, j'observais Maxwell monter dans sa jeep et la démarrer. Ensuite, j'ai enfilé mes bottines bleues, une écharpe, une chemise noire et mon chapeau melon brun. Sous ce déguisement grotesque, j'avais chaud.

« Où est cette stupide carte de visite ? » me suis-je exclamée en retournant toute la salle de bain et la chambre à la recherche de la carte. Je l'ai finalement trouvée près de l'évier de la cuisine. J'ai composé le numéro d'un taxi, me sentant littéralement dans la peau d'un célèbre enquêteur, tel un Sherlock Holmes à la découverte d'un crime non résolu.

Quelques minutes plus tard, le taximan m'a déposé au coin de la rue des Arcades, où je me suis dirigée vers le restaurant en face de la galerie. Tenant un journal en main, j'ai essayé de me fondre dans le décor de cette petite brasserie traditionnelle, m'asseyant près des fenêtres qui me séparaient de la galerie d'art d'Ava M. Jamais je ne m'étais sentie aussi proche de ma mère biologique. La vieille serveuse qui m'a apporté les cartes ressemblait fortement à Graziella, la douce éducatrice du Manoir.

J'ai commandé un chocolat chaud et un donut à la vanille qu'elle m'a servi avec un grand sourire. Pendant que je balayais du regard chaque personne entrant ou sortant de la galerie, un camion est venu se garer devant, gâchant ainsi ma vue. Trois hommes en sont sortis, transportant des tableaux emballés dans du papier marron, mais toujours pas de femme dans les parages.

La serveuse est revenue à ma table et a jeté un coup d'œil par la fenêtre.

- La galerie vous intéresse ? Cherchez-vous du travail ? Si vous voulez, je peux en toucher un mot à la patronne, Ava. C'est une femme très occupée mais très gentille. Elle a rouvert l'ancienne galerie de ses parents il y a six mois.

Sa curiosité m'a rendue encore plus curieuse.

- Six mois, dites-vous ?

- Oui, depuis, elle vient diner ici chaque jour à sept heures, et comme vous, elle s'assoit toujours à cette place !

J'affichais un sourire crispé pendant que la serveuse allait servir d'autres clients. J'étais confuse mais aussi déterminée. Le camion était parti à dix-sept heures. Après une heure d'espionnage, à seize heures trente, une foule de personnes se rendit dans la galerie. Environ quinze personnes, toutes habillées pour une soirée de gala, sont entrées fièrement. Se demandant si ma mère était peut-être parmi elles, je me sentis à la fois minable et admirative envers cette mère biologique qui m'avait abandonnée.

La soirée organisée dans la galerie d'art devait se terminer tard. Cependant, Ava A ne vint pas au restaurant à sept heures pour son dîner habituel. Maxwell m'a laissé de nombreux appels téléphoniques et des textos. À mon retour au studio, Maxwell avait, de son côté, effectué des recherches plus approfondies et avait trouvé des informations intéressantes dans les archives de la médiathèque.

Dans la section des faits étranges du journal local de deux-mille-deux, l'année de ma naissance, il découvrit un article de la gazette d'Orléans qui mettait en lumière l'histoire de deux familles disparues du jour au lendemain à Sainte-Odette. Dans les deux maisons, des traces de bagarre avaient été trouvées. Ce qui est encore plus perturbant, c'est que les deux femmes avaient chacune accouché de bébés filles.

Chez les Wilson de Bâton-Rouge, la police avait trouvé deux morts, George et Natasha Wilson, mais leur bébé d'un mois était en vie dans son berceau à l'étage. Le bébé mentionné dans l'article était Huni, qui sera placé dans une famille d'accueil. Plus loin, il est écrit que le second bébé fut emmené par un homme au manoir Serafina. L'homme en question avait trouvé le père Jonathan Adiaz mort dans sa voiture sur la route de Great River. Le père quittait la ville de La Nouvelle-Orléans avec le bébé à l'arrière de la voiture. Le bébé était en train de dormir, mais la mère, Ava Adiaz, n'a jamais été retrouvée.

Je rendais la copie de l'article à Maxwell.

Ils disent comment ils sont tous morts ?

Aucun d'entre eux ne portait de blessure, pas de poison dans le sang. Le corps médical soupçonnait une crise cardiaque ou une mort subite, ce qui est rare, chez les moins de trente ans. Des morts identiques, la même nuit...

― Y a-t-il une photo de l'homme qui a retrouvé le bébé sur la route ?

― Oui...

Maxwell me montra la copie de l'article. C'était bien lui devant le manoir, la jeune Murielle à ses côtés, et c'était probablement moi, le bébé dans ses bras. Jaccard était plus jeune sur la photo, mais je le reconnaissais. Alors, j'ai compris. Jaccard ne m'a jamais quittée toutes ces années. Il disait vrai. J'ai décidé de retourner à la galerie, et cette fois, Maxwell m'accompagna.

Le temps des sorcièresWhere stories live. Discover now