Chapitre 33 - Les derniers échanges des mangesangs

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Rune


Les grognements des miens résonnaient dehors. Mes frères sans raison se trouvaient plus loin, là où l'odeur des consanguines ne pouvait pas les atteindre, mais ceux que les Ducs qualifiaient de cauchemars étaient bien là. L'odeur pestilentielle se mélangeait au parfum entêtant des fleurs. Je parvins à me détacher de tout cela, du chaos qui régnait dehors, car la première chose que je vis en ouvrant les yeux fut Anela. Il était nu, le corps mêlé à mes draps.

J'étais mélancolique d'une époque que je n'avais pas connu. Je souhaitais mener une vie de paix avec lui, me réveiller chaque matin avec la délicieuse vision de lui blottie dans notre lit et dans mes bras. Notre vie était tragique. Nous n'allions avoir droit à rien de tout cela. Il fanait, lui aussi, comme père. Il n'y avait pas de pétales, mais je le voyais défaillir peu à peu et cela me broyait le cœur. Anela ne vivrait pas longtemps. Il ne supporterait pas de voir son peuple souffrir.

Rodel l'avait-il façonné pour protéger les puresangs ? Uniquement pour cela ? Que devenait un être comme cela lorsque sa mission n'était pas réalisée ? Que Rodel réservait-il à Anela s'il échouait ? Je n'osais y penser. Toutes ces années à ne pas intervenir dans le conflit qui secouait Sang parlait pour lui : il ne se mêlait pas des affaires d'ici-bas. Mais si cela était véritablement le cas, pourquoi nous envoyer Anela ? Pourquoi nous offrir le Vicaire Sanglant ?

Ma poitrine se serra douloureusement à ses pensées et je me retirai du lit. Regarder Anela en devenait douloureux. Le laisser partir ? Non. Je ne pouvais m'y résoudre. Je me rhabillai, la gorge et l'estomac noués sous tout ce qu'il se passait. Il était très tôt, l'aube n'était pas encore là. En regardant par la fenêtre, je pouvais voir que les consanguines avaient été écrasées par le passage des cauchemars. Notre demeure était aussi touchée par la guerre désormais.

Je quittai la chambre après un dernier regard pour Anela. Je préférais le laisser dormir pour l'heure qu'il restait. Les derniers instants de « paix » devaient être chéris jusqu'à la dernière seconde. Il était épuisé et son repos, plus que n'importe qui ici, était mérité. Il pouvait bien dormir autant qu'il le voulait. Pour ma part, ma tête était lourde, trop pour pouvoir fermer les yeux. Alors, je rejoignis mon père. J'ignorais si sa rage s'était tempérée.

Ses pétales s'écoulaient plus. Je vis à peine mon chemin lorsque j'arrivais face à lui tant ils obstruaient ma vue. J'entendis son souffle lourd et lorsque je vis son visage, je tressaillis. Il ne s'était pas calmé, pas même un peu. Il était terrifiant. Ses yeux sanguinaires brillaient d'une lueur meurtrière, aussi dangereuse que celle qu'Anela avait arborée durant son attaque. Je fronçai les sourcils lorsque les pétales me révélèrent sa joue. J'écarquillai les yeux, sous le choc.

— La blessure que le Vicaire Sanglant m'a infligée ne guérit pas, gronda-t-il.

Son pouce essuyait rageusement le sang qui s'écoulait. Je compris alors d'où venait l'odeur immonde qui planait à travers le parfum des consanguines : au pied de père se trouvait un amoncèlement de cadavres mangesangs. Sa blessure ne cicatrisant pas, ils avaient continué à naître de chaque goutte d'écarlate et ils étaient morts, les fleurs étant mortellement nocives pour eux. Je comprenais la colère de père. Il devait continuer à voir ses enfants, mes frères et mes sœurs, mourir face à lui. Mais plus encore que cela...

— Je me suis infligé des blessures, mais chacune d'elles a guéri. Il ne reste que la sienne, exposa-t-il.

— Mais père... si votre blessure ne guérit pas, cela signifie que ses malédictions sont vraies ?

— Je l'ignore. Je suis incapable d'influencer les vies d'autrui. Père en était le seul capable, bien qu'El avait des dons différents des miens, de là à poser des malédictions... Comment le Vicaire Sanglant pourrait-il ?

LA LOI DU SANG - LES SANGUINAIRES (BL/TERMINÉE)Where stories live. Discover now