Chapitre 20 - Le festin macabre offert par un fils

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Rune


— Ils se préparent, m'informa Luna.

— Laisse-donc notre petit frère en paix. Il essuie un chagrin d'amour ! se moqua Aziel.

Je n'eus pas le cœur à lui répondre ou à lui faire payer sa moquerie. Assis sur les escaliers de l'entrée, face au champ de consanguine, je déchirai chaque petit pétale rouge qui me passait sous la main. Je n'avais pas envie de manger. Je n'avais pas d'appétit, encore moins lorsque je savais que les Ducs, tout particulièrement Anela, allaient être à notre table. Je ne voulais pas qu'ils découvrent plus d'atrocité. Je ne voulais pas qu'Anela me regarde avec désillusion et dégoût.

— Rune, quelque chose ne va pas ? Est-ce vraiment Anela qui te met dans cet état ?

— Il ne saura pas me pardonner ma tromperie et je ne sais rien de ce qui lui traverse l'esprit, confiai-je.

— T'es-tu réellement attaché à ce point à lui ?

Je hochai piteusement la tête. J'en avais honte. Non pas parce que c'était lui, mais bien parce que c'était la première fois que j'étais angoissé. J'étais en colère, mais je ne pouvais tourner cette dernière vers aucun dieu. Il n'y avait que moi comme responsable. Si Anela me demandait sans cesse de disparaître de sa vue, j'allais mourir sans avoir pu, un jour, lui expliquer pourquoi j'avais fait tout cela. J'avais si honte de lever un sentiment négatif en lui alors que j'étais prêt à maudire ce qui lui avait un jour causé de la peine.

Il sembla que Luna congédia de force Aziel qui tourna ses talons en grognant, ravalant ses moqueries. Puis, elle posa la main sur mon crâne et je fermai les yeux. La colère grandissait, l'angoisse m'envahissait. Je me sentais dépérir à petit feu et je haïssais cela.

— Les puresangs ne sont pas comme nous. Ils n'ont pas le recul nécessaire sur les choses. Ils nous haïssent et nous tiennent responsables du sang versé, oubliant même qu'ils en sont tout aussi coupables.

— Pourquoi est-ce que tu me dis ça ? soupirai-je.

— Ils sont butés, mais terriblement courageux. C'est pour cela que le prochain monde mettra du temps à instaurer une véritable harmonie entre eux et nous, mais Anela... il n'est pas puresang.

Je secouai la tête, dégageant sa main, et laissai ma nuque ployer vers l'arrière. Je manifestai mon désarroi par un bruit de gorge et j'enfonçai mes ongles dans le sol robuste, le brisant dans des bruits cristallins.

— Rune, Anela a grandis avec les puresangs. Ils l'ont élevé comme tels, alors oui, il aura du mal à te pardonner, mais c'est surtout le Vicaire Sanglant. Il se détachera de tout ce que Sang lui a appris.

Trouvant un peu d'espoir dans ses paroles, je plongeai dans son regard. De tous mes aînés, Luna avait toujours été la plus écoute. Elle ne se moquait pas de mes sentiments pour le moins surprenants, ni même ne tentait-elle de m'en dissuader. Elle me consolait avec la vérité, sans aucun mensonge confortable et je lui en étais reconnaissant. Ses doigts, glacés, glissèrent brièvement sur ma joue et un sourire fugace, comme tous ceux qu'elle offrait, conquit ses lèvres.

— Il sera de notre côté et lorsque ses pensées seront en ordre, il t'écoutera. Autrement, et tristement, tu n'auras qu'à attendre qu'il perde le contrôle.

Je fronçai les sourcils. Anela... perdre le contrôle ? C'était insensé.

— Vous êtes tous aveuglés par l'admiration que vous lui portez ; toi encore plus avec tous les sentiments qui te submerge à son encontre. Il est fort, je le reconnais, mais si tu ressentais ce que je ressens lorsque je le vois...

LA LOI DU SANG - LES SANGUINAIRES (BL/TERMINÉE)Where stories live. Discover now