Chapitre 7 - La mer de sang

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Anela


J'aurais menti allègrement si j'avais dit comprendre ce qui m'était arrivé. Selene avait bougé si vite pour arriver dans mon dos que je n'avais vu aucun de ses mouvements venir. Pire encore que cela, une sueur froide, de pure terreur, m'avait cloué sur place durant une seconde. Certainement fut-elle une seconde de trop puisque sa lame se retrouva contre ma gorge. Je me sentis proie, comme lorsqu'une légion s'était attaquée à l'une de mes triades, et Selene faisait le plus terrible des prédateurs.

Son souffle brûla ma joue lorsque ses lèvres se plaquèrent contre mon oreille. Je vis également la surprise dans le regard des autres Ducs.

— Vous voilà pris au piège, ma jolie frimousse. J'en attendais plus de vous.

L'idée de décevoir un Duc tel que lui, aussi illustre, me rebuta. Je me repris et refusai d'être une proie plus longtemps. Je n'avais pas éjecté Beret en un mouvement pour subir cette même humiliation ! De plus, ni moi ni Selene n'étions comparable à notre compère bourru qui ne s'était jamais battu en territoire ennemi. Alors, reprenant du poil de la bête, j'enfonçai le pommeau de mon épée dans le flanc de Selene et me retournai dès la première petite ouverture. Ma lame frôla sa jambe.

Même si nous n'avions guère l'intention de nous blesser, l'instinct voulait que sous le danger, nous étions forcés d'éviter les coups de l'autre. Ainsi, afin d'empêcher qu'il ne s'approche à nouveau, je me mis en garde, le corps et l'épée dans une posture bien plus meurtrière que précédemment. Cela sembla amuser Selene puisqu'un sourire ravi orna ses lèvres. J'étais moi aussi ravi de partager ce moment avec lui, mais mon instinct l'était moins. Et je compris une chose à laquelle je n'avais fait que naïvement penser : Selene était dangereux.

En une enjambée, sa lame fut prête à frôler à nouveau ma gorge, mais je contrai ce coup. Mon épée glissa sur la sienne dans un bruit métallique crissant et il me repoussa au dernier moment. Lui semblait bien plus s'amuser tandis que j'étais sur la défensive. Je contrai à nouveau ses coups, ne me laissant plus prendre par surprise devant sa vitesse surprenante, et au plus je parvenais à m'adapter à lui, au plus sa lame devenait vive. Il fut impossible pour moi de me battre avec autre chose que mon épée. Je n'avais aucune ouverture.

Lorsqu'il tenta de m'asséner un énième coup, je me tins prêt à parer. Cependant, alors que sa lame s'apprêtait à s'abattre en hauteur, celle-ci tomba. J'écarquillai les yeux, choqué au-delà de tout mot. Il... il avait laissé tomber son épée. Ce qui me sauva la vie fut, encore une fois, mon instinct. D'un mouvement si vif qu'il me fit mal à l'épaule, je tentai d'atteindre sa tête alors qu'il rattrapait son épée plus bas, prêt à me perforer le flanc. Heureusement, ou malheureusement, en se cambrant vers l'arrière pour éviter mon coup, il chuta.

Cette perte d'équilibre était une aubaine pour moi. Tout comme je ne m'étais pas attendu à son tour, il ne s'était pas attendu à ce que je comprenne et réplique si vite. Je saisis ce moment et je fus paré à lui asséner le coup de grâce, mais lui aussi. M'écroulant sur ses hanches, ma lame se planta tout près de sa gorge, écorchant sa chair qui se mit à saigner tandis que la sienne était contre ma joue. Je sentis avec effroi le liquide écarlate perler contre ma peau à mon tour.

Le souffle court tous les deux, nos regards plongés dans celui de l'autre, nous comprîmes la même chose : l'espace de quelques secondes, nous nous étions sentis comme des proies. Nous avions cru mourir de la main de l'autre et si lui comme moi nous n'avions pas évité, nous aurions rejoint notre Dieu Rodel. Ce combat pourtant amical venait de nous perturber plus que nécessaire. C'était notre première fois à tous les deux, compris-je. C'était la première fois que nous nous sentions si proches de la mort.

LA LOI DU SANG - LES SANGUINAIRES (BL/TERMINÉE)Where stories live. Discover now