Chapitre 8 - La Damnée

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Selene


Une fois dans les courants qui entouraient les terres de Sang, il était impossible et imprudent d'arrêter les bateaux. Seul Dieu savait ce qui pouvait se tapisser au fond de l'océan, sous les maelströms silencieux. Alors, précédemment briefés par ma personne, les Ducs sautèrent du bateau jusqu'à la terre ferme. Nous avions dû frôler cette dernière et le temps imparti pour tout quitter le navire était relativement faible, mais Anela et Beret furent les premiers.

Beret perdit quelques secondes l'équilibre lorsque ses pieds s'enfoncèrent dans le sol moue de La Damnée. Fratera et moi-même balançâmes nos sacs avant de les rejoindre, ne laissant que la petite Duchesse Pero sur notre sloop. Le saut étant trop haut pour elle, je tendis les bras pour la réceptionner. Le bateau commençait déjà à s'éloigner de la terre ferme. Je fus tout de même ravi de voir que la jeune enfant n'avait pas hésité à sauter. Je l'avais réceptionné et notre moyen de locomotion s'était éloigné.

— Comment ce bateau sera-t-il récupéré ? demanda Pero.

— Les courants sont faibles près de Dursang et Morsang et c'est pour cela qu'il n'y a des ports que dans ces deux villes. Si personne ne le réceptionne à Dursang, alors on s'en occupera à Morsang, expliquai-je. Ce ne sont plus nos affaires. Nous ne rentrerons pas.

J'allais m'arrêter à là, mais le regard surpris de Beret et l'air de Fratera voulant dire « qu'est-ce que vous racontez » me firent me corriger. Pero avait eu peur de mon affirmation.

— Je voulais dire... nous ne rentrerons pas en bateau.

Pero hocha mollement la tête, peu convaincue. Cependant, je ne parvins pas à retrouver ma fougue. Mon combat avec Anela avait gravé mon esprit au fer rouge, incandescent et indélébile. J'avais eu connaissance de sa renommée et chez moi, il était le plus précieux des combattants. On parlait de lui en des termes mystiques, légendaires et bien plus encore. Il n'y avait pas un seul être sur ma terre natale qui n'était pas fou d'admiration pour lui. Alors je le connaissais, ou du moins je pensais le connaître.

J'avais eu tort. Je ne l'avais pourtant pas sous-estimé, mais alors où avais-je fauté ? Comment avais-je pu, moi, avoir peur de lui ? Je m'étais senti mourir, l'espace de quelque seconde. Je n'avais jamais ressenti la mort. Je l'avais vu, l'avais côtoyé, mais jamais elle n'avait tenté de m'emmener. Maintenant que je ressentais la mort pour la première fois, j'avais du mal à m'en défaire. J'étais perturbé, comme si chacun de mes pas n'avait plus de but, plus de direction logique à prendre.

Pourtant, en regardant Anela, ses pas le menaient bien quelque part. Il avait dit avoir été troublé aussi, mais je ne percevais aucun trouble, aucun tremblement. Mes doigts frémissaient d'effrois en voyant son dos, son aura si sanglante et meurtrière. Comment parvenait-il à me faire peur ? Alors que je n'avais fait que l'entendre jusqu'à aujourd'hui, je pris pour la première fois conscience, de moi-même, de qui j'avais en face de moi. Il n'était pas juste Anela, Duc de Vilsang. Il était bien plus.

Comme le disaient les miens, il avait été façonné par Dieu lui-même. Il était différent des autres puresangs, car notre divinité l'avait couvé et choyé intimement. Anela était son fils, bien plus que les autres, à la même image que Od et El, premiers fils de notre Dieu Rodel. Je n'avais que peu cru mon père lorsque ce dernier avait avancé qu'Anela était la main de Dieu, qu'il accomplissait ce que Dieu n'avait jamais eu le cœur de faire. Anela était véritablement son vicaire.

— Selene, quelque chose ne va pas ? s'enquit celui qui hantait mes pensées.

En plongeant dans son regard, un frisson remonta mon échine. Ses yeux sanglants n'avaient pourtant aucune cruauté et cela contrasté avec l'aura qu'il dégageait.

LA LOI DU SANG - LES SANGUINAIRES (BL/TERMINÉE)Onde histórias criam vida. Descubra agora