18 : Connectées (3)

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J'avais trop couru. La maison de Bell n'était pas la porte à côté, surtout à pied. Je me pliais en deux, les mains sur les genoux, de la transpiration gouttant de mon front.

- Ça y est tu t'es calmée ?

Il y avait un mélange d'inquiétude et d'exaspération dans la voix de Lara.

- Qu'est ce qui m'arrive ?

Mes mains appuyées contre mes yeux, j'essayais de reposer ma rétine qui affrontait le lourd soleil de midi depuis mon départ.

- Une sacré crise d'angoisse.

Les rues étaient vide, il faisait trop chaud. Et moi je courrais comme une folle sous les rayons éclatants.

- Mon père ne nous a pas suivies ?

- Athéna, personne n'a jamais sonné à cet interphone. Et surtout pas ton père.

Je relevai la tête. J'avais envie de m'endormir et de me réveiller après le cauchemar. Pas pendant.

- Pourquoi tu n'as rien fait pour me retenir ?

- Tu avais l'air déjà assez contrariée. Mais au moins maintenant tu es chez Bellamy.

En effet, sa maison se profilait enfin au loin dans la rue baignée de lumière.

- Tu crois...tu crois que je deviens folle ?

- Un peu oui, me répondit instinctivement Lara.

Cette idée m'effrayait tout de même, malgré le ton léger de mon hôte.

- Mais je plaisa...

La voix de Lara fut noyée par d'autres sons qui se répercutaient dans mes tympans.

Non.

Non pas encore.

Ça recommence.

La maison de Bell était si proche. J'accélerai le pas, tandis qu'en même temps, des centaines et des centaines de voix se m'étaient à hurler en moi comme si elles se servaient de mon état de faiblesse pour toujours plus m'enfoncer...Il prenait le dessus. Le Cœur. Il effaçait Lara, s'immisçait dans mon esprit, et ces voix résonnaient toujours plus fort...

Je m'écroulais contre la porte. Lara ne pouvait plus rien pour moi. Le bruit avait certainement alerté Bellamy. Mais ce ne fut pas sa voix que j'entendis en premier.

- Athéna ?

Bellamy accourut par dessus l'épaule de Torielle. J'offrais un triste spectacle. Les genoux repliés contre la poitrine, les habits imbibés de transpiration, les joues baignées de larmes et les mains plaquées contre les oreilles. Même si je savais pertinemment que ça ne ferait pas disparaître les voix.

Ils me portèrent tous les deux à l'intérieur. Je les sentis à peine me déposer sur le canapé. Leurs voix me parvenaient difficilement, étouffée comme si j'avais les oreilles remplies d'eau. Les images que renvoyaient mes yeux étaient floues également. J'avais l'impression de me noyer.

- Aidez moi...balbutiai-je à moitié consciente.

Bellamy s'agenouilla immédiatement et me saisit la main.

-...m'entends ?...que...passé ?...hôte...pourquoi...

La chaleur de sa main contre la mienne me rassura. Il était bien là avec moi. L'intensité du bruit diminua, je retrouvais mes sens et mes esprits. Comme si le bassin se vidait et que j'émergeais enfin de l'eau.

- Et ces fichus secours qu'on ne peut pas appeler.

Il avait levé les yeux vers Torielle qui nous surplombait derrière l'appui tête avec un regard contrarié. La petite ride entre ses yeux était revenue. A force d'être inquiète, ce pli ne disparaîtrait jamais de son visage.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Where stories live. Discover now