6. À l'ombre d'une ruelle (1)

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La jeune femme en uniforme claqua la portière du véhicule que son entreprise lui avait prêté. Comme sur le capot et l'étiquette sur son bras, les initiales S.P. apparaissaient en lettres bleues.

Le Service de Protection.

Elle avait été contactée à peine vingt minutes plus tôt par le bâtiment de contrôle du C.R.O. et elle avait bondi dans sa voiture en un rien de temps. Autour d'elle, la nuit avait imposé son ambiance lourde et froide, et le lampadaire qui grésillait au dessus de sa tête ne tarda pas à s'éteindre complètement. Elle analysa les dégâts qu'avaient provoqués la collision. La voiture du Service de Protection garée en travers de la route pour sécuriser les lieux, elle chercha des yeux les potentiels témoins. Elle s'était faite accompagner d'une équipe d'enquêteurs ponctuellement sous ses ordres. Certains installaient des barrières autour de la zone d'accident, tandis que d'autres avaient été chargés de fouiller le périmètre à la recherche d'indices.

- Agent Perkins ?

Elle se retourna, sourcils froncés, face à un autre agent, membre de son unité. Il portait le même uniforme qu'elle, une veste bleue large, et un pantalon noir de toile épaisse.

- Oui ?

- Plusieurs civils ont été témoins de l'accident. Ils ne savent pas beaucoup de choses mais...

- Je veux leur parler, coupa-t-elle sèchement.

Il pointa du doigt un petit groupe de personnes au loin. Elle suivit son geste et se dirigea d'un pas ferme vers les silhouettes qui attendaient dans le noir, entourées par quatre agents fédéraux. Son col remonté jusqu'à sa mâchoire brute, elle se permit d'ouvrir son manteau pour dévoiler sa chemise blanche face à cette chaleur, même après vingt heures.

- Bonjour, les interpela-t-elle alors que ses associés s'écartaient pour la laisser passer. Je suis l'agent Perkins du Service de Protection, et j'aimerais savoir ce que vous avez vu tout à l'heure sur le boulevard.

Les témoins se résumaient à une vieille femme aux cheveux blancs, un quarantenaire et deux adolescents en tenue de motards. Ils avaient accepté de rester pour être interrogés, et la vieille femme prit la parole en premier.

- Je passais à pied sur le trottoir d'en face, quand j'ai entendu un crissement de pneus.

Elle désigna le trottoir pour piétons de l'autre côté de la route à double sens qu'il était très dangereux de traverser. Cette voix rapide était la plus fréquentée d'Algore et de nombreux accidents avaient déjà eu lieu, même si après le projet 8180, le nombre avait commencé à baisser.

- C'était une toute petite voiture bleue ciel qui a soudainement dévié de trajectoire. Le conducteur a perdu l'usage du véhicule et il s'est écrasé contre le lampadaire. Le choc a été violent, et pendant quelques secondes rien n'a bougé. J'ai bien cru que les passagers étaient morts. J'ai réussi à traverser avec d'autres piétons car toute la circulation a été alors bouchée. Et quand je suis arrivée pour prévenir quelqu'un ou vérifier l'état des passagers, le moteur a commencé à vrombir de nouveau.

Torielle observa en détail les dégâts causés au lampadaire, et les marques de pneu sur la route, tout en écoutant attentivement le témoignage.

- Le capot fumait sans cesse, le lampadaire menaçait presque de tomber. Personne ne donnait de signe de vie et pourtant, la voiture a redémarré et elle est partie en trombe sur le boulevard.

Torielle hocha gravement la tête, lèvres pincées.

- Savez vous où elle est partie ?

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Where stories live. Discover now