5. L'accident (2)

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L'audition me revint brutalement. J'entendais des bruits de voix, de moteur en surchauffe. Je voyais des lumières dansantes, et je sentais une forte odeur de fumée. Le nez écrasé contre l'airbag déplié, je cherchais de l'air. Mon regard se porta premièrement vers le tableau de bord de la voiture.

20h00.

Reprenant conscience, je réalisais que je m'étais évanouie pendant une fraction de seconde. Cependant, la voiture avait largement eu le temps de venir percuter un lampadaire immense. Le choc avait déformé le capot d'où une épaisse fumée blanchâtre s'échappait. Je relevai la tête. Une vague déferlante de douleur traversa alors tout mon corps endolori. Mon crâne me lançait violemment tout comme mon bras et mon flanc gauche.

L'airbag était maculé du sang qui coulait de mon arcade sourcilière jusqu'à mes yeux. Je l'essuyai d'un revers de manche, et je remarquai alors les bouts de verres de ma vitre explosée, logés dans mon épaule et dans mon flanc. Je poussais un gémissement de douleur, craignant de faire le moindre mouvement. La lame acérée qui me perçait le ventre menaçait de tomber ou de bouger encore d'avantage dans mon corps. Avec mon bras valide, je retirai l'énorme morceau aux bords coupants de mon flanc en me mordant la lèvre inférieure. Je délogeai les autres figés dans mon bras et ils m'arrachèrent un hurlement étouffé.

Le sang se mit à couler de tous les côtés. A l'extérieur, quelques personnes se rassemblaient déjà autour de l'accident, prêts à appeler les secours. Mon cœur palpitait, je me vidais du liquide vermeil et poisseux qui me permettait de vivre, et je parvenais à peine à aligner deux pensées cohérentes. Pourtant, un sentiment prédominait.

Ma poitrine était lourde, comme dure à porter. Mon esprit semblait m'appeler, et m'envoyer des signaux incessants que je ne parvenais pas à capter. L'image de la silhouette titubante apparaissait en flash irréguliers sur ma rétine. Ces symptômes ne m'étaient pas inconnus. Je ne les avais jamais ressentis, et pourtant, ils étaient très significatifs.

Les piliers ayant fusionné très récemment recevaient ce genre de signaux. Et pourtant, je n'étais pas recensée. Je plaquai une main sur mon flanc pour empêcher le sang de couler, et appuyai mon crâne douloureux sur l'appuie-tête. J'avais envie de lâcher prise...

Des passants tapotaient déjà sur leurs téléphones portables. Les secours allaient arriver. Ils me soigneraient, ils me poseraient des questions, et là, ils découvriraient que j'avais fusionné illégalement. Contre mon gré, et sans aucune procédure. Peut être serai-je arrêtée, incarcérée, séparée de Bell et de ma famille ?Je ne pouvais pas rester là.

Une peur viscérale me donna la force d'appuyer sur l'accélérateur, puisant dans mes dernières ressources. Jamais la crainte n'avait eu autant d'emprise sur moi et mes capacités à tenir éveillée alors que mon sang imbibait petit à petit mes sièges en cuir. Bell n'habitait pas très loin de l'endroit où je me trouvais.

Ma voiture démarra, même après son choc frontal, et les passants s'écartèrent, surpris. Je repris mon chemin sur le boulevard 9A, compressant mon ventre, et dirigeant le volant d'une main. Je fus pourtant bien obligée de lâcher ma plaie en arrivant près du parking de la maison de mon meilleur ami. Je n'allais pas avoir la force de marcher.

Je collai mon téléphone à mon oreille, la coque glissante recouverte de sang. Il décrocha presque aussitôt.

- Tina ?

- Bell, j'arrive en bas de chez toi.

Ma voix était hachée, et ma respiration haletante. Les lumières des lampadaires s'amusaient à tourner en rond sur ma rétine, le sol ondulait, et les tressautements de ma voiture me faisaient lâcher des gémissements de douleur.

- Quoi ? Qu'est ce qu'il se passe Tina, tu as l'air mal en point.

- Viens...

J'avais du mal à terminer ma phrase. Le parking de l'appartement de mon ami était dans mon champ de vision. Il ne me restait plus qu'à continuer tout droit. J'appuyai une dernière fois sur la pédale d'accélérateur, me sentant partir. Mes paupières étaient lourdes, et la douleur si insupportable que le paysage tourna et cette agitation me donna la nausée. Mon bras était si faible que j'eus à peine le temps de souffler :

- Viens me chercher...

Avant que mon téléphone ne rebondisse sur le sol. Le capot fumant heurta de nouveau la porte de son garage. Le choc fit partir de nouveau ma tête lourde en avant. Affalée sur le volant, je ne fis plus un geste, mon corps ne me répondant plus. Le sang gouttait sur ma main inanimée. Les paupières closes, j'étais encore consciente, et je pus entendre la voix de Bell s'élever par dessus le vacarme de mon esprit :

- Tina ! Tu m'entends ? Mince, qu'est ce qu'il s'est passé ?

Je l'entendis ouvrir la portière du côté conducteur. Sa main chaude se posa sur mon épaule couverte de sang. Il me secoua doucement :

- Tina ! Mais tu saignes !

Ses bras tendus entourèrent ma taille pour me sortir de la voiture.

- Tu ne peux pas rester là dedans.

En effet, un peu plus et la fumée du capot finissait par m'asphyxier. Comme une poupée de chiffon digne d'un film d'horreur, je me laissais aller dans ses bras sans la moindre résistance. Je ne l'aidais pas du tout, et il dût trouver le moyen de me prendre dans ses bras sans trop manipuler mon corps fragile. Je n'étais plus que douleur, et cela ne me surprendrait pas si j'avais quelque chose de cassé.

Mes pieds pendaient lamentablement dans le vide, et je me retrouvai collée contre Bell, mon oreille pouvant discerner les battements frénétiques de mon cœur.

- Il faut que j'appelle l'hôpital.

À ce moment là, une poussée d'adrénaline me fit ouvrir brusquement les yeux et agripper violemment la veste de mon ami. Les yeux écarquillés, il ne put faire un geste face à mon élan surhumain.

- Pas l'hôpital ! Personne. N'appelle personne...

Mes paupières s'alourdirent de nouveau. Mon quota d'adrénaline venait de partir subitement en fumée. Bell resserra son emprise au niveau mon dos et du creux de mes genoux.

- Mais tu délires Tina. Tu es blessée, couverte de sang, il te faut un médecin !

- Je t'en supplie...

Telles furent mes dernières paroles avant de plonger totalement dans les ténèbres, à moitié rassurée.


~


Désolée pour les retards incessants de mes chapitres. Je suis actuellement dans une période de révision intense d'examen XD. A partir du 24 juin tout sera fini (youpi) et je reprendrais une vie normale hahaha pour pouvoir vous proposer d'autres chapitres.

J'espère que vous allez bien de votre côté et que cette histoire vous plait toujours !

Des bisous et à bientôt <3

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Where stories live. Discover now