10. Deux êtres pour un seul corps (2)

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- Lara, libère moi c'est un ordre !

Elle ouvrit un œil. Si je la déconcentrais, elle perdrait peut être le contrôle et je pourrais récupérer mon corps. Je me jetai sauvagement sur elle. Grave erreur, car sans pour autant être déconcentrée du combat qu'elle menait avec mon corps, elle put même me saisir les bras et le tordre avec violence dans mon dos. Je poussai un cri plaintif et me pliai en deux pour atténuer la douleur. Le bras toujours emprisonné, je regardais Lara qui me surplombait et qui s'était de nouveau mise à observer la scène qu'elle contrôlait.

Elle manqua de déboîter la mâchoire de Torielle qui fut obligée de reculer de quelques pas. La lèvre en sang, la femme aux talons aiguilles me regarda dans les yeux. Elle semblait chercher au-delà de mon corps. Soudain, ses yeux glissèrent d'une couleur vers l'autre comme un flash. Le noir ses iris vira au violet et je compris que son hôte s'était éveillée.

- Athéna, je sais que tu m'entends, je vais te sortir de là, s'exclama la voix de Torielle.

Je jetai un regard en direction de Lara. Elle avait la mâchoire crispée.

- Pourpre ! s'étonna-t-elle.

- Comment on se retrouve Ambre, poursuivit l'hôte nommé Pourpre. Je savais bien qu'un jour tu finirais par tout foutre en l'air. Mais ton entraînement n'est pas terminé.

Lara ne réagit pas à temps et reçu son pied pointu en plein dans la poitrine. J'en eu le souffle coupé. Lara eut simplement un haut le cœur, mais ne faillit pas. Elle n'avait pas lâché son emprise sur mon bras et restait imperturbable, concentrée sur le contrôle des gestes d'un corps qui ne lui appartenait pas et qu'elle tentait de contrôler à distance. Mais je n'étais pas de composition très solide et je sentais que mes membres ne répondaient plus correctement. Mais Lara n'avait pas fini d'en découdre, quitte à pousser mon corps au bout de ses limites.

Cependant, de grands bras mates m'emprisonnèrent avant que Lara ne reprenne le combat entre la cuisine et le canapé. Bell, ou plutôt Cyan, essayait de calmer mon hôte :

- Ambre arrête, tu ne peux pas détruire le corps de ton pilier, libère-la tout de suite.

Dans mon espace mental où je me trouvais avec Lara, je sentais la pression sur mon bras se resserrer. Elle semblait souffrir, et pas seulement à cause des talons de Torielle.

- Laisse-moi ! Elle va nous dénoncer et nous serons séparés pour toujours ! s'emporta mon hôte en hurlant à en casser ma propre voix. Je ne veux pas que tu disparaisses, je veux rester avec toi pour toujours et retrouver un corps pour pouvoir te serrer dans mes bras !

Elle pleurait. Sa pression sur mon bras se faisait plus faible, mais je ne me dégageai pas. Le regard rivé sur l'écran, je sentis mes propres larmes monter. Mais pourquoi ?

- Ambre, calme toi je t'en prie.

A présent, il ne l'a retenait plus, mais la serrait tendrement entre ses bras. Ambre et Cyan étaient ensemble, et j'avais l'impression de me trouver dans les bras de Bellamy. C'était doux, c'était chaud, et Lara semblait s'être apaisée.

Mais soudain, le paysage tourna sur l'image en face de moi. J'étais en train de tomber, enfin mon corps tombait. Lara lâcha mon bras et s'effondra à son tour sur ses genoux déjà écorchés. Elle semblait à bout de forces. A peine maîtresse de ses gestes et de ceux de mon corps, elle regardait la scène elle aussi.

- Ambre !

Cyan avait rattrapé mon corps avant qu'il ne tombe au sol. A moitié allongée dans ses bras, ma main s'approcha de mon nez et s'en écarta couverte de sang.

- Tu vois, murmura l'hôte de Bell, tu ne peux pas garder le contrôle de ton pilier indéfiniment. Ou vous finirez par vous affaiblir toutes les deux et laisser des séquelles irrémédiables sur le corps de l'humain.

Un frisson me parcourut l'échine. Est ce que Lara le savait avant de m'assomer et de prendre possession de tout mon être ?

- Alors laisse Athéna revenir maintenant.

Et s'il était déjà trop tard ? La Lara à côté de moi dans cet espace sombre ou nous étions noyées toutes les deux, se mit à pleurer plus franchement, tête basse.

- Je te promets que nous continuerons à être ensemble, même à travers nos piliers. Nous devons les protéger, tu te souviens.

Lara était sans défense à côté de moi, essoufflée et contrôlant à peine mon corps. J'aurais pu lui sauter dessus pour l'obliger à me rendre mon corps, mais son moment avec Cyan avait l'air très précieux, alors je continuai à regarder, en silence.

Je vis ma main passer sur la joue de Bell et y laisser une trace rouge.

- Tout ce que je voulais c'était être avec toi.

Tout devint noir.

- Athéna ? Athéna tu m'entends ?

Mes paupières étaient extrêmement lourdes. On me tapait les joues, on m'appelait. Où étais-je ?

- Athéna !

Le visage de Torielle apparut au dessus de ma tête. Elle était assise à côté de moi sur le canapé rouge de Bell qui me regardait avec inquiétude plus loin derrière. Leurs hôtes étaient partis, et le mien aussi apparemment. La tête sur l'accoudoir, je me redressai et Torielle m'aida en passant une main dans mon dos.

- Comment tu te sens ?

Je ne savais pas quoi répondre. Je me sentais de nouveau moi même, et non simple spectatrice de ma vie.

- Déjà tu ne saignes plus du nez. On a frôlé la catastrophe, mais ton corps semble intact.

Je jetais un regard discret à mon ami. Il était muet, et semblait réfléchir, soucieux. Il avait nettoyé avec négligence la tâche de sang qui était toujours visible sur sa joue bronzée. Mon attention se reporta sur le visage de Torielle très proche du mien. Elle m'observait, avec un mélange de fascination et d'émotion.

- Alors c'est toi, l'anti-hôte...

La réalité me frappa comme une gifle. Elle était membre du Service de Protection, et sûrement en charge de le retrouver. Elle allait me dénoncer. Mon pouls battait si vite que mon corps entier semblait vibrer face à elle qui ne bougeait pas et continuait de me fixer.

Je lançais un regard de détresse à Bell. Il était inquiet, et croisa mes iris avec culpabilité. Mon cœur bondit alors dans ma poitrine. Il avait attrapé avec la plus grande délicatesse une lampe de chevet en plastique.

Torielle me fixa alors avec de grands yeux surpris en poussant une exclamation de surprise. Bell venait d'abattre le pied de la lampe contre l'arrière de son crâne. Un millième de seconde plus tard, ses yeux se révulsaient.

Elle s'écroula lourdement sur le sol, tombant du canapé par la même occasion. Je contemplai la scène, horrifiée, et Bell me prit soudainement la main.

- Il faut qu'on parte d'ici.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant