L'ANTI-HÔTE [Partie 1]

Le premier hôte (1)

J'avais du sang écaillé aux coins des yeux et sur l'aile du nez. Debout face au miroir de la salle de bain, j'étudiai mon visage. J'étais fatiguée, les yeux creusés, les coins de la bouche abaissés, le visage encore plus pâle que d'habitude. J'inspirai profondément.

- Tu es certaine de vouloir faire ça ? me demanda Lara.

- Oui. Nous ne devons pas perdre une minute.

- Je ne parle pas que pour toi. Vous êtes tous les trois exténués.

Je soupirai, elle avait raison. Mais essayer de nous retenir encore confinés chez Bellamy était insupportable, pour tous les trois.

- C'est pour ça que nous pouvons compter sur nos hôtes.

- Vous allez finir par nous fatiguer nous aussi.

Je sortis de la salle de bain, muscles tendus, l'air déterminé. Ma fatigue ne devait pas transparaître.

- Prête ? questionna Torielle.

Ils attendaient tous les deux dans la salle à manger. Suite à mon hochement de tête, cette dernière enfila sa veste beige. Au même moment, son téléphone s'alluma et Bell se pencha pour lire la notification.

- C'est qui ce Stéphane ?

- Une connaissance, grommela-t-elle.

Bell sembla lire le message avec plus d'attention.

- Tu as oublié mon pull chez un inconnu ! C'est ça que tu es allée faire hier soir ?

Il la menaçait avec son doigt, l'air mécontent, et je ne pus m'empêcher de rire. Torielle ne semblait même pas surprise.

- Promis j'irai le récupérer... s'excusa-t-elle avec un haussement de sourcil.

Elle était rentrée ce matin, au moment où je m'étais réveillée. Encore une fois, personne ne savait vraiment ce qu'elle avait manigancé. Elle se tourna de nouveau vers moi :

- Tu es bien sûre de ce que tu as vu ?

- Certaine. Domoto a bien un frère qui détient le premier hôte.

- Tu crois qu'il est toujours en vie ?

- Oui, je peux le sentir.

Depuis que j'étais entrée dans la tête de Domoto, je me sentais liée à tous les hôtes que j'avais pu rencontrer. Orange en faisait partie. Comme si chaque hôte était une cellule de mon corps, et que le Cœur les reliait toutes entre elles. Elles me faisaient l'effet d'un battement de pouls dans chaque parcelle de mon être. Comme un appel à l'unisson, que le Cœur entendait très bien.

Bellamy se mit au volant de la voiture, Torielle et moi à l'arrière. Bellamy conduisait, et Torielle me guidait.

- Tu vas réussir à le retrouver ? questionna Bell en jetant un œil dans le rétroviseur intérieur.

De mon côté j'avais déjà les yeux fermés.

- Oui.

Je me laissai guider par la voix calme de Torielle.

- Est ce que tu les entends ? souffla-t-elle à côté de mon oreille et je sentis la chaleur de sa respiration contre ma joue.

J'y arrivais difficilement. Depuis ma connexion, le Cœur avait souvent réagi violemment en moi. Mais je n'entendais les hôtes que malgré moi, lorsque j'étais en proie à une violente émotion, comme l'angoisse. A tête reposée, je n'arrivais pas à le maitriser, surtout lorsque les paroles de Domoto me revenaient en tête.