2. La cafétéria à l'angle de la rue (3)

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26 heures avant l'alerte.

Le soleil était filtré par les baies vitrées du magasin, et ses rayons se déposaient comme un doux voile sur le parquet rose pâle. Je me divertissais sur mon téléphone depuis un moment, guettant inlassablement les minutes et les heures qui défilaient, les passants dans la rue qui poursuivaient leur vie, et le temps qui filait sans moi.

La jeune femme aux talons hauts était partie depuis longtemps, et je me demandai si elle avait déjà fusionné avec son hôte. Son âge se rapprochait du mien, quoiqu'un peu plus avancé, mais j'étais sûrement une exception de la société. Peut être que le gouvernement finirait par me kidnapper pour me cacher aux yeux du monde, en tant qu'anomalie, et se servirait de moi pour tenter toutes sortes d'expériences terrifiantes.

- À quoi est ce que tu penses encore ?

Je levai brusquement la tête. Je n'avais même pas entendu la clochette tinter lorsque mon nouveau client avait ouvert la porte, bien trop absorbée dans mes pensées.

Je contournai subitement le comptoir et me jetais dans les bras de mon ami sans attendre.

- Bell, dis moi pourquoi j'attire toujours les clients les plus bizarres ?

Il réceptionna adroitement mon corps qui s'élançait sur lui et entoura ma taille avec ses bras nus.

- Premièrement, bonjour Mademoiselle Athéna Young, s'esclaffa-t-il à proximité de mon oreille.

Il faisait ma taille, mais avec une carrure un peu plus impressionnante. Les gens qui nous voyaient auraient pu croire que nous étions jumeaux, inséparables, toujours collés l'un à l'autre. Il n'était pas mon frère, mais sans conteste, mon double musclé du sexe opposé. Je m'écartais de lui, les mains posées sur ses épaules, observant avec lassitude son éternel sourire.

- Comment allez vous Bellamy Corton ?

Il fit la moue, et je lui fis regretter de m'avoir taquiné. Détestant tous les deux nos prénoms respectifs, nous avions décidé de nous trouver des surnoms qui nous plaisaient. Nos véritables noms étaient réservés pour les occasions solennelles.

- Très bien, poursuivit-il, menton levé, et je ne pense pas que tu attires les clients les plus bizarres, Tina. Regarde, Monsieur Makki est un fidèle habitué très respectable.

Il dirigea mon regard vers le vieil homme assis face à une table ronde au fond de la cafétéria qui lisait son journal comme tous les jours, avec le même thé dans la même tasse, et avec la même cuillère. Se sentant observé, il nous adressa son plus beau sourire édenté et marmonna quelque chose du genre :

- La jeunesse, et l'amour...

Si ça ce n'était pas bizarre ! Je jetais un regard noir à mon meilleur ami et retournai me terrer derrière mon comptoir. La petite horloge sur le mur jaune en face de moi indiquait dix sept heures.

- Tu as fini les cours ?

- Oui, vive les vacances.

Il s'accouda en face de moi, réclamant lui aussi son réconfort quotidien. Je lui servis son smoothie avec une paille à l'intérieur, tandis qu'il prenait ses manières sérieuses.

- Et toi, quand est ce que tu comptes retourner à l'université ?

Je rougis en faisant tourner nerveusement la paille dans son haut verre.

- Bientôt, c'est promis.

Il passa une main dans ses cheveux bruns, en harmonie avec la couleur de sa peau qui lui donnait un air de surfeur australien. Mais ici à Algore, il n'y avait que le soleil, sans la plage et les vagues. Seulement un port et des falaises à pic ou venait s'écraser l'océan et déposer son écume.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Where stories live. Discover now