58- Aveugles

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Étant déjà quinze minutes en retard, je ne peux clairement pas me permettre le luxe de retourner chez Chaeryeong pour enfiler la tenue qu'on avait sélectionné. Ce dîner a beau être un simple repas, je commence tout de même à stresser, ne voulant pas être à mon désavantage.

— Je ne ressemble à rien...

Subitement l'envie de pleurer alors que notre voiture est stationnée à quelques mètres du restaurant, me vient. J'ai fait en sorte que l'on garde une distance pour ne pas qu'elle aperçoive celui qui a rendez-vous avec moi mais je ne pense qu'à mon apparence. Pour la première fois de mon existence, cela me gêne que je ne puisse pas apparaître sous mon meilleur jour.

— Mais non, tu es très belle.

Chaeryeong redonne une belle allure à mes cheveux puis se munit de ses armes en commençant à m'appliquer l'eye liner qu'elle garde toujours dans son sac. Sans me laisser le choix, elle attrape son rouge à lèvre d'une couleur carmin et en applique sur mes lèvres. Puis elle retire ses boucles d'oreille pour que je les enfile.

— Je te jure, tu es à tomber.

Nous sortons du véhicule pour que je m'observe dans le reflet de la voiture. J'essaie alors de me redonner confiance en moi en me forçant à croire qu'elle a raison mais son cri me tire de mon observation.

— J'allais oublier les chaussures.

En effet, je réalise que mes Converse ne vont pas avec le reste de la tenue. Elle se rue vers son coffre et en sort une paire d'escarpins noirs.

— Je ne sais pas marcher avec les talons.

— Crois-moi qu'avec ceux-là, tu pourrais courir donc tout ira bien.

Par prudence, je fais quelques pas pour m'entraîner sur le trottoir et sens qu'elle dépose son manteau sur mes épaules.

— Tu es superbe.

— Je suis déguisée en toi.

— Peu importe les vêtements, c'est la véritable Ryujin qui ressort et je peux te dire qu'elle est sublime alors maintenant, lève la tête, en avant. On ne regarde pas de gauche à droite et on avance.

J'embrasse ma meilleure amie une dernière fois et la salue avant de la regarder s'en aller et rentrer chez elle. Il faudra que je le lui dise. Mais j'ai tellement peur qu'elle m'en veuille et que je la perde que je préfère faire trainer les choses.

Toutefois, lorsque j'entre dans le restaurant chic, je ressens ce stress qui ne m'avait jamais habité auparavant. Le serveur me conduit à ma table où je découvre Yeonjun dans une tenue assez sobre comparée à la mienne mais il est reste incroyable beau naturellement. Son regard est rivé sur mon corps, la bouche ouverte. Je suppose qu'il doit se retenir de rire.
Il se lève pour me tirer la chaise mais le serveur le devance. J'en reste gênée et rougie de l'attention qu'il me porte.

— Ryujin...

Mon meilleur ennemi m'attire contre lui et se permet de m'embrasser sans se préoccuper des personnes aux alentours. J'ai l'impression d'avoir le coeur qui va se décrocher. Ses doigts frôlent la peau de mon bras comme un écrin que l'on caresse. Après des secondes qui me semblent si enivrantes, il nous fait asseoir.

— Tu es splendide.

— Merci...

J'ai du mal à accepter ce compliment pour une tenue que je n'ai pas réellement choisi.

— Ce n'est pas comme cela que je devais venir mais si ça te plaît, alors tant mieux.

— Le plus important est que ça te plaise à toi.

— Disons que j'ai fait avec les moyens du bord. C'était un peu la course pour venir ici.

— Je sais de quoi tu parles, me dit-il en souriant. Mais tout va bien? Pas d'ennuis?

Hyunjin va très vite se douter que Chaeryeong et moi sommes derrière les photos effacées ainsi que pour son lit souillé, il risque fort de vouloir se venger.

— Non. Tout est ok. Et toi?

— Hum. Presque. Disons que j'ai fait une boulette avec ton frère.

Je suis étonnée qu'on en vienne à parler de lui.

— Je pensais que tu lui avais dit pour nous jeudi donc j'ai lâché l'info tout à l'heure sans prendre de pincettes.

— Pourquoi est ce que j'en aurais parlé à mon frère?

— Ben... Je croyais que... A qui pensais-tu que tu devais parler, Ryujin ?

Le retournement de situation me laisse nerveuse. Je réalise le quiproquo et comprends qu'il me demande d'avouer les sentiments que Chaeryeong a toujours eu pour lui. Si je le fais, je la trahis à nouveau. Si je garde le silence, je nous éloigne de la confiance que l'on attend dans un couple.

— Quelqu'un.

— Ryujin. Tu peux tout me dire. Je ne vais pas te juger.

Sa main se met à caresser la mienne, en signe d'encouragement. Je sens que ma volonté vacille. Je veux croire qu'il peut partager et respecter ce secret.

— Yeonjun... Parfois, vous, les garçons pouvez être si aveugles... Vous ne voyez pas ce qui est sous vos yeux. Comme les personnes qui vous portent plus d'intérêt qu'elles ne le devraient.

— Je ne comprends pas, Ryujin. Sois plus clair.

— Je ne peux pas car j'ai fait une promesse et je m'en veux de la trahir en quelques sortes en nouant ce lien avec toi. 

— Ryujin. Peu importe tes remords, je ne renoncerai pas à nous deux parce que tu t'es engagée dans autre chose. Je suis désolé de te l'apprendre mais je suis dingue de toi alors ne compte pas sur moi pour baisser les bras.

Je le laisse me caresser la joue avec tendresse et accepte l'idée de devoir faire face à mon amie qui mérite de savoir la vérité.

— Je parlerai à cette personne et on pourra assumer tout cela au grand jour.

— Alors, je serai patient. En attendant, je te ramène chez moi car un meurtre se prépare dans ton salon. On va éviter de précipiter les choses.

A l'allusion de la mort subite, mon sourire disparaît, repensant aussitôt à l'épreuve qui m'attend dimanche. Celle que je désire tant oublier pour ne pas revivre cette douleur. Yeonjun se rend compte de la gaffe qu'il a faite et se lève aussitôt pour me prendre dans ses bras.

— Je suis stupide. Excuse-moi, Petite Choi.

— Ça va aller, je mens pour ne pas perdre la face.

— Je serai là. Avec toi. Avec vous. Comme depuis ce jour.

Depuis le soir où ma mère s'est éteinte, quatre autre personnes ont pris place dans ma vie. Je pensais au départ que c'était pour me pourrir l'existence mais je serais stupide de ne pas reconnaître que les problèmes dans ma vie se résolvent bien souvent grâce à eux.

— Merci, Yeonjun.

Il embrasse mes cheveux puis se rapproche de mes lèvres.

— On est peut-être aveugle, nous les mecs, mais je peux t'assurer que vous aussi, les filles.

Je ne sais à quoi il fait allusion mais je le remercie aujourd'hui de jouer un autre rôle que celui de mon meilleur ennemi.

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