35- Salvatore et son cousin

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Le lendemain, lorsque je me retrouve en tête à tête avec Yeonjun, j'opte pour le salon de sa maison qui est libéré de toute présence. L'idée de me retrouver dans une pièce commune me permet de me rassurer quant à l'impossibilité de déraper.

— Tu penses que ça passera? Me demande mon apprenti alors que je relis le document qu'il a rendu et pris en photo juste avant.

— La moyenne, c'est sûr. Allez, peut-être un douze. Y a pas mal de points que je t'avais indiqué sur lesquels tu n'es pas revenu.

Je crois l'entendre marmonner qu'il a oublié. Devant sa mine dépitée, je décide de ne pas lui parler des fautes d'orthographe et de laisser ce point pour plus tard.
Mon téléphone vibre sans relâche. Changbin semble surexcité depuis que je lui ai parlé de la soirée de vendredi. En revanche, je suis étonnée qu'il ne m'ait pas dit un mot sur Hyunjin. Peut-être n'est-il pas au courant de ce qui est arrivé à son ami? Après tout, ça ne m'étonnerait pas qu'il n'ait pas osé assumer ce recadrage musclé.

— Il faut que j'aille dans quel univers pour avoir ton attention, Petite Choi?

Je relâche mon téléphone et plonge mon regard dans celui de mon élève agacé. Après qu'il ait dévoré mes bandes dessinées Marvel, j'ai eu une demande incongrue sur les omegaverse. Je n'ai pas encore osé lui expliquer le concept mais ça viendra.

— J'suis désolée. Je pense qu'on va s'arrêter là pour aujourd'hui.

— Tu as d'autres choses de prévu?

— Oui.

La vraie réponse est non mais mon rythme cardiaque n'en fait qu'à sa tête et je me vois mal lui expliquer que je fais un arrêt.
Les jours suivants, je trouve de nouvelles excuses pour fuir au plus vite nos rendez-vous en tête à tête. Ne plus retrouver sa hargne et sa méchanceté me perturbe grandement. Afin de me prouver que je n'ai pas été dans l'erreur pendant toutes ces années, je décide de l'inciter à replonger dans ses travers en lui proposant de profiter de ces trois derniers jours de la semaine.

De mon côté, je me noie sous les demandes des bénévoles du festival. La faculté espère remplir la salle désespérément vide grâce au film Conjuring que tout le monde a déjà vu. J'ai beau apprécié le couple Warren, cela devient moins appréciable quand ma tâche se limite à rester à l'entrée pour vérifier les sacs.

— Mademoiselle Choi! Jubile le Doyen.

Il ne manquait plus que lui.
Je regarde l'homme responsable de tous mes maux m'ouvrir ses bras, espérant voir une mine réjouie sur mon visage.

— J'espère que tout se passe bien?

— Au top. Les trentes désespérés de ce début de weekend sont bien installés. Vous pouvez aller les rejoindre si vous le souhaitez.

Le grand patron me sourit tendrement, ne relevant pas mon ironie.

— Vous avez le même humour.

Je ne sais strictement pas de quoi il parle mais s'il pouvait circuler, ça me ferait des vacances.

— Votre nom a bien été inscrit sur la liste des participants à la soirée? Vous avez bien émargé?

— Oui.

Le voilà qui devient paranoïaque sur le plan administratif, de mieux en mieux.
J'envisage de lui proposer un verre d'eau de javel quand il me coupe dans mon élan.

— Tiens donc, monsieur Choi. Vous ici? Vous êtes venus vous divertir entre deux révisions?

J'écarquille les yeux en découvrant Yeonjun, traînant la jolie Jennie qui cependant ne semble pas apprécier d'être là.

— Monsieur le Doyen.

— Le film a déjà commencé, vous êtes en retard. Mais cela ne m'étonne pas de vous.

Je vois bien qu'il encaisse les remarques gratuites en jetant un coup d'oeil à sa cavalière. Se faire humilier de la sorte n'est plaisant pour personne. Je décide donc d'intervenir.

— Sièges 24 et 25 F, allez-y. Monsieur le Doyen, j'ai eu l'ordre de ne laisser personne stagner devant l'entrée par raison de sécurité. Vous ne m'en voudrez pas si je m'applique dans ce travail en vous demandant de circuler?

L'homme manque de s'étouffer devant mon audace mais accepte de retourner vers son bureau en marmonnant que les chiens ne font pas des chats.

L'attente pendant la projection me semble interminable. Heureusement, celle-ci est entrecoupée par l'apparition de Jisung, sorti des ombres.

— Attention, je vais croire que tu brûles au soleil si tu continues.

— Tu as découvert mon secret. Jisung Salvatore, cousin de Stefan et Damon.

— Tu me feras le plaisir d'inviter le second à un repas entre amis. J'accepte de donner mon sang sans condition.

Mon ami me tape sur la tête puis se pose sur le banc à mes côtés. Depuis 49 minutes exactement, je ne fais plus l'effort de sortir mes biscoteaux devant l'entrée car il n'y a personne pour menacer le calme d'un festival pourri dont personne ne connait l'existence.

— On m'a dit que tu me cherchais, me dit-il.

— Jisung, mon amour pour toi est inconditionnel mais je pense qu'il doit y avoir erreur sur la personne.

— Ah... C'est bizarre alors. Sinon tout va bien, mis à part le fait que tu joues le rôle de videur un vendredi soir sur le campus?

— M'en parle pas. C'est juste un service que je rends. Mais tout va bien dans ma vie.

Soyons tous comme l'autruche. Face au danger, plongeons la tête sous la surface.

— Ok, ça me rassure. J'ai entendu parler d'une commission qui devrait avoir lieu dans quelques semaines.

— Ah bon?

Le Doyen Gong voudrait-il ma mort finalement?

— Ouai, un gros truc genre chasse aux sorcières avec échafaud. Y a du lourd qui va tomber.

— Tu n'es pas inquiété par ce truc là, Jisung. Rassure-moi.

— Non, ne t'en fais pas. Je me fais tout petit et il faut que t'en fasses de même. Justement, je vais filer boire le sang de promeneurs inconscients. Tu ne m'en veux pas si je te laisse?

— Nope. N'oublie pas d'appeler ton cousin pour moi.

— J'te réserve une place dans son lit.

— J'ai hâte. Ça va être torride.

Je lui montre les crocs avant de tourner la tête vers une silhouette à ma droite. Yeonjun nous regarde stupéfait, puis soupire avec dédain. Quelques secondes plus tard, il tient dans sa poigne le bras de Jennie et l'entraîne hors du cinéma alors que le film n'est pas fini.

— Pourquoi on part? Ça commençait à être intéressant.

— Y a que des losers ici. Et j'ai envie de baiser. On rentre.

Je ne sais pas si je suis plus affligée par l'attitude prévisible de ce type ou par son côté lunatique. En tout cas, je ne prends pas la peine de suivre du regard son départ et patiente que ma torture se termine.

Instant CrushWhere stories live. Discover now