Chap 14 : pdv Gall (présent)

134 31 29
                                    

   J'étais assis sur le porche de ma maison, à fixer l'horizon. J'aimais cette quiétude, ce silence. Pourtant, ce calme ne m'apaisait pas. Je ne pouvais détacher mon regard de la route. Cette petite route qui m'obsédait lorsque j'essayais de me relaxer. Même si le soleil déclinait peu à peu, je fixais toujours avec espoir l'endroit où elle aurait dû apparaître ce jour-là.

Hailie.

Depuis cette fameuse journée, dès que j'en avais l'occasion, je venais me poster au même endroit, sur les planches grinçantes de notre terrasse. Puis, j'attendais. J'attendais chaque jour avec toujours autant d'espoir, autant de motivation. Ce rituel me rassurait.

Jill disait souvent que j'arrivais à mieux gérer la disparition de notre fille qu'elle. Mais c'était faux. Je ne savais pas comment lui expliquer, mais c'était totalement faux. Je ne la gérais pas bien du tout. Certes, je voulais garder la tête haute, je voulais avancer, mais tout au fond de moi, j'étais anéanti. Je ne pouvais pas accepter qu'elle ne revienne jamais.

Voilà pourquoi j'espérais à chaque fois qu'elle apparaîtrait tel un mirage.

Je distinguerais une silhouette floue marcher d'un pas rapide, décidée à me rejoindre au plus vite. Cette silhouette se détacherait du paysage, délicatement, gracieusement. Ses traits se préciseraient peu à peu pour enfin dévoiler un visage souriant, avide de retrouvailles. Elle se mettrait à courir vers moi comme elle le faisait lorsqu'elle était petite.

Ce serait elle

Ce serait notre Hailie qui bondirait vers moi pour me serrer très fort dans ses bras.

Hailie.

-Gall ?

Je sursautai puis tournai la tête pour croiser le regard de Jill. Elle me contemplait avec un mélange de curiosité et de compassion.

-Que fais-tu ?

J'hésitai à lui répondre. Comment lui expliquer cette habitude incohérente ? Comment mettre des mots sur une tradition qui s'était forgée dans la détresse, par un mécanisme de survie ?

Je finis par lui répondre le plus simplement possible :

-J'attends.

Jill n'en demanda pas plus. Elle comprit à l'instant même ce que je voulais dire. Elle aussi était dans l'attente constante. Pas besoin de longs discours. Pas besoin d'explications compliquées.

Elle finit par s'avancer vers moi pour s'installer à mes côtés, en silence. Elle me jeta un coup d'œil puis leva également les yeux vers l'horizon.

Certes, nous agissions différemment et parfois, nous ne nous comprenions plus aussi bien qu'avant. Certes, nous ne vivions pas cette épreuve de la même façon mais à cet instant, nous étions certains d'une chose : nous attendions à deux infatigablement.




********

Merci pour votre lecture, pour vos nombreux commentaires et vos votes.

N'hésitez pas à vous abonner si vous aimez mes histoires.

Anne Emilie.


On ne saura jamaisWhere stories live. Discover now