Petites histoires du quotidien

16. Marcel et Roberto

Notre voisin Marcel avait fait toute sa carrière à la poste. Il connaissait tous les codes postaux par cœur. Il avait formé de nombreux apprentis et avait gardé le contact avec plusieurs. L'un d'eux lui apportait des pommes de son jardin. Un autre l'invitait au restaurant. André venait souvent le dépanner dans ses problèmes d'ordinateur... car il s'y était mis, à l'ordinateur ! A plus de 80 ans, il n'avait pas hésité à apprendre comment utiliser le e-banking pour ses paiements. Il était curieux de tout, plein d'humour, jovial et pince-sans-rire. Il était allé à pied à St-Jacques-de-Compostelle et son bâton de pèlerin était toujours devant sa porte. Il aimait jouer au scrabble et la langue française le passionnait. Son seul souci : qui prendrait soin de lui dans sa vieillesse ?

Roberto avait grandi au Brésil, dans une famille nombreuse et pauvre. Dans sa région fleurissait le trafic de drogue. La corruption et la violence régnaient partout. Un de ses frères avait été tué. Sa mère, veuve, avait des problèmes de santé et Roberto s'inquiétait pour elle. Une de ses sœurs avait émigré à Rome.

C'est à Rome que Marcel et Roberto se sont rencontrés. Marcel était intéressé par toutes les merveilles architecturales et artistiques de cette ville riche d'histoire. Roberto était en visite chez sa sœur. Marcel s'est senti mal. Il est tombé dans la rue. Les passants ont continué leur chemin, sans se préoccuper de cet homme qui gisait à terre. Seul Roberto s'est arrêté. Il a pris soin de lui, comme le « bon samaritain » (voir cette histoire dans la bible : évangile de Luc 10,25-37). C'étaient deux inconnus qui ne parlaient pas la même langue. Ils sont devenus proches.

De retour chez lui, Marcel a utilisé son ordinateur pour apprendre le portugais. Pendant quelques mois, il a communiqué par Skype avec Roberto rentré au Brésil. Marcel a invité Roberto chez lui : peut-être serait-il d'accord de l'aider dans sa vieillesse ? Ainsi Marcel pourrait rester à la maison et Roberto aurait un travail rémunéré. C'était sans compter tous les problèmes administratifs ! Roberto avait un visa de touriste, rien d'autre. Pour solutionner le problème, Marcel et Roberto ont conclu un PACS (partenariat enregistré). Une fois autorisé à rester, Roberto a suivi des cours de langue. Mais Marcel allait encore trop bien. Roberto se sentait désœuvré. Il n'avait pas l'autorisation de travailler. Marcel lui a proposé de repartir au Brésil pour faire une formation d'infirmier. Roberto est reparti. Il est retourné à l'école. Marcel a pris en charge tous les frais. Roberto rejoignait Marcel pour les vacances et repartait ensuite pour une nouvelle année d'études. Le diplôme en poche, Roberto est revenu. Marcel avait perdu des forces et sa santé s'était détériorée. Roberto a pris soin de lui. Les derniers mois, il était épuisé. Jour et nuit, il a soigné Marcel. Les derniers jours, Marcel a été hospitalisé en soins palliatifs. Roberto en était très triste... Quand Marcel est décédé, Roberto s'est encore occupé de l'enterrement, en respectant les désirs de Marcel. Ses cendres ont été déposées près d'un arbre, en bordure de forêt : de là, on voit le village natal de Marcel.

Aujourd'hui, Roberto est reparti au Brésil. Aux dernières nouvelles, il soigne sa maman...