5. Oh! Bonjour!

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C'était un dimanche après-midi, un de ces dimanches au ciel gris et bas. Personne dans les rues, pas même un vélo ou un promeneur qui sort son chien ! Je revenais d'une visite à la maison de personnes âgées et je me réjouissais déjà d'une bonne partie de cartes à la maison. Quoi de mieux que de jouer aux cartes par ce temps maussade ?

Je rentrais tranquillement à pied, le long de la voie ferrée, avec, à ma gauche, des bâtiments désaffectés et déserts.

Soudain, j'ai la sensation d'une présence derrière moi. Comme un sixième sens. Je n'entends rien, mais je sais qu'il y a quelqu'un. Aussitôt, les pensées se bousculent dans ma tête. Le porte-monnaie ? Dans ma poche gauche. Le smartphone ? Dans ma poche droite. Quant à mon sac à dos, il est presque vide : tout au plus un parapluie et quelques mouchoirs.

Je sens que quelqu'un touche mon sac à dos. Crier ne sert à rien. Je suis absolument seule sur ce chemin, loin de tout immeuble habité. Je me retourne vivement et je dis d'une voix surprise et enjouée : « Oh, bonjour !» C'est un jeune homme, avec des baskets. Il paraît surpris, lui aussi. Je m'imagine qu'il vient d'Afrique du Nord. Dans ma tête, je cherche comment lui parler de sa mère... Je m'étais souvent demandé comment réagir si j'étais un jour victime d'une agression. Il me semblait que le plus judicieux est de parler, de chercher à créer une relation. Et je m'étais toujours dit : « Je lui parlerai de sa mère. » Avant même d'avoir trouvé comment commencer la conversation, c'est lui qui pose une question : « C'est la gare, là-bas ? » Oui, c'est une évidence, nous marchons côte à côte en direction de la gare. Il marche à ma gauche. Je cherche encore que dire quand je remarque qu'il ralentit beaucoup. Maintenant, il se trouve derrière moi. Que faire ? Ralentir aussi ? Ça n'a pas de sens. Accélérer ? Ça peut vouloir dire que j'ai peur. Je marche normalement et finis par me retourner. Je vois ce jeune homme en train d'enjamber le mur qui sépare le chemin de l'enceinte du garage tout proche. Il s'enfuit. Ouf ! Je suis soulagée. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser à tous ceux qui ont quitté leur pays avec l'espoir d'un avenir meilleur, et, ici, se trouvent sans argent et se cachent pour ne pas être renvoyés chez eux...


Petites histoires du quotidienWhere stories live. Discover now