Sur le trottoir d'en face - 𝓙𝓲𝓴𝓸𝓸𝓴 [Terminé]

Chapitre XLI - Tentative

- Bonjour, monsieur Jeon. Est-ce que vous souhaitez vos messages aujourd'hui ?

Agacé par cette rengaine que lui servait Annabelle chaque jour, Jungkook soupira en ralentissant le pas dans le hall qu'il avait tenté de traverser sans encombre.

- Y'en a-t-il un de Min Yoongi, ou bien un à son sujet ?

L'hôtesse baissa légèrement les yeux.

- Non, monsieur.

- Dans ce cas, pas de messages aujourd'hui, lui répondit l'avocat, un peu plus durement que la veille mais surement moins que le lendemain.

Jungkook s'enferma dans son bureau. Son bureau qui était devenu sa maison. Et ce n'était pas une façon élégante de dire qu'il y passait tout son temps. Non. Jungkook vivait réellement au cabinet désormais.

Un soir qui ressemblait à tous les autres, vide, terne et sans saveur, il était resté planté devant sa maison. Il l'avait dévisagé, sonné par le désir qui était venu s'insinuer dans son esprit avant de ne plus vouloir en sortir : il allait la vendre. Cette envie l'avait traversé comme la foudre et il en était resté hébété. Il aurait voulu revenir en arrière, ouvrir sa porte et laisser sa pensée sur le paillasson, mais il s'était senti comme paralysé par cette envie qu'il avait vite compris être bien plus que ça. Un réel besoin.

Son mari et lui s'étaient aimés dans cette maison. Ils y avaient rit, s'y étaient disputés. Ils y avaient fait l'amour avant d'y affronter la mort. Si Taehyung était décédé sur ces pavés trempés de pluies, Jungkook, lui, l'était dans cette maison. Jour après jour, il s'y était vu mourir à petit feu.

Alors il l'avait vendu, elle et les fantômes qu'elle renfermait. Il n'avait gardé d'elle que le portrait de son mari, maintenant posé sur son bureau.

Retirer les affaires de Taehyung avait laissé Jungkook plus vide que la maison en elle-même, et donner tous ses vêtements à une association ne lui avait pas procuré cette satisfaction que l'on peut ressentir en faisant une bonne action.

Jungkook ne faisait plus de bonne action, ni de mauvaise. Il subissait la vie et se traînait le lourd poids des maigres choix qu'elle lui avait laissé. À son bureau, son téléphone à l'oreille, il subissait d'ailleurs les conséquences de l'un d'entre eux.

Les sonneries dans le vide étaient des tonalités si courantes pour lui ces derniers temps qu'il ne les entendait pas vraiment. Par contre, quand quelqu'un répondit à son appel, il en fut si surpris qu'il sursauta.

- Allô ?

Il se redressa précipitamment, comme si son interlocutrice, en plus de l'entendre, pouvait le voir.

- Oh, euh bonjour, navré de vous déranger, madame. Je...- Est-ce que vous êtes bien Min Seol-a ?

- Oui, c'est moi. Qui est à l'appareil ?

Jungkook soupira de soulagement d'entendre qu'il avait enfin trouvé la bonne personne. Après des jours sans rien, ça semblait si salvateur.

- Je suis à la recherche de Min Yoongi.

Un silence précéda la voix de cette femme devenue frêle et inquiète.

- Y-yoongi-ah ?

Jungkook se dépêcha de chercher confirmation.

- Oui. Vous êtes sa mère, c'est bien ça ?

- Oui. Oui, c'est moi...

Les bonnes nouvelles s'enchaînant, Jungkook canalisa ses espoirs en fermant ses yeux aussi fort que son poing. Il ne fallait pas crier victoire trop vite.