Confrontation

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- On y est... annonça Jeanne en s'arrêtant devant un bâtiment à peine plus petit que la Fidélité Fiduciary Bank. Beaucoup de chefs de petites entreprises possèdent leur bureau ici. C'est l'un des seuls lieux épargnés par la crise...
‐ Ça se voit, jugea Michaël en évaluant la tenue des locaux.

Jeanne était contente qu'il soit venu avec elle. Si elle avait convaincu Jack de s'en tenir à les déposer à vélo, les enfants avaient insisté pour l'accompagner, sous la houlette de Mary Poppins. La fille Banks n'avait pas réussi à les en dissuader.

Jeanne pénétra dans l'entrée de marbre, suivie de près par son frère et les enfants, tous trois rangés en file indienne. Une petite femme aux lunettes carrées se tenait à l'accueil, la tête plongée dans un dossier rouge. Voyant qu'elle ne levait pas les yeux à son arrivée, elle s'éclaircit la gorge.
- Je souhaiterais m'entretenir avec M. Raw, annonça-t-elle.

La femme la dévisagea mornement.
- Et c'est qui ? dit-elle d'une voix lasse.

- Jeanne Banks, répondit cette dernière, déstabilisée par le parler de la secrétaire.

La femme ouvrit un classeur et en tourna quelques pages. Elle devait chercher le nom de Banks, pensa Jeanne.

Quand enfin elle sembla l'avoir trouvé, la secrétaire décréta d'un ton mécanique :
- Vous ne faites plus partie des employés de la Raw Cleaning Society. Je vous invite à quitter les lieux.
- Mais j...
- Je vous invite à quitter les lieux, répéta-t-elle.

Elle semblait inflexible. A contrecœur, Jeanne rebroussa chemin. La travailliste se sentait humiliée. Elle avait fait chemin jusqu'à la banque avec la ferme intention de se rendre justice, et on lui refusait l'entrée ?

- Je ne peux pas entrer, dit-elle en secouant la tête, une fois revenue à l'extérieur. J'aurais dû y penser. Comme je ne suis plus employée, je n'ai a priori aucune raison de revenir. Rentrons, les enfants.

Annabelle n'y croyait pas. Sa tante allait-elle vraiment quitter la société sans rien faire ?
Elle repensa au bouffon rencontré au château du roi sans cervelle. Lui n'avait jamais eu peur de tenir tête à la Reine. Même lorsqu'il avait été forcé à quitter la salle du trône, il avait exprimé son désaccord. À bien y réfléchir, c'étaient davantage ses quolibets qui avaient agacé la Reine, bien plus que ses actes.

C'était son indépendance d'esprit.

- On ne peut pas abandonner comme ça ! s'écria-t-elle en tirant sur la manche de sa tante. Sinon, il saura qu'il a gagné !
- Et il fera pareil avec d'autres personnes ! continua John.

Michaël sourit. Cette clairvoyance avait sans doute été apportée aux enfants par l'enseignement de Mary Poppins. Il lui jeta un coup d'œil, et constata avec déception que son expression restait impassible. Cette femme resterait décidément un mystère.
- Les enfants ont raison, intervint-il. Tu dois réclamer ce qui t'es dû !
- J'aimerais bien, objecta Jeanne. Mais je ne peux pas chasser la secrétaire, n'est-ce pas ?

Annabelle réfléchit. Il n'y avait sans doute pas de porte arrière, mais il devait exister un moyen d'entrer. Rien n'était impossible, pas même l'impossible.

Soudain, un éclair brun passa devant ses yeux et l'arracha à ses pensées. Elle n'eut pas le temps de distinguer de quoi il s'agissait, mais la chose s'était faufilée par l'entrebâillement de la porte.
- John, Georgie ! appela-t-elle. Vous avez vu ?
- Quoi ?

Elle s'apprêtait à répondre, mais le destin décida de le faire pour elle : une nuée d'étourneaux pénétra d'un seul mouvement à l'intérieur de l'accueil, sous le regard médusé de Jeanne et Michaël.
- Des oiseaux ! hurla la voix haut perchée de la secrétaire, qui n'avait plus rien de morne. Il y a des oiseaux dans la Society ! De la vermine !

Mary Poppins en coup de vent [TERMINÉ]Kde žijí příběhy. Začni objevovat