Un coup de vent

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- Tu as fait ce qu'il fallait, dit Jack avec un sourire en direction de sa compagne. Si tu n'étais pas heureuse avec ce travail, le mieux était que tu arrêtes.

Dans la chaleur d'un soleil d'avril presque estival, il revenait d'une promenade au parc en compagnie de Michaël, Bert et les enfants.
- Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ? demanda Bert.
- J'ai plus de temps pour m'occuper du SPRUCE, fit la jeune femme avec un haussement d'épaules. Je m'en tiendrai à cela pour le moment. En servant les petits-déjeuners et distribuant des tracts, j'ai l'impression que le monde change !
- Le monde change, confirma Jack. Bientôt, le travail sera encadré par des règles fixées par la loi, j'en suis certain. Et l'économie remontera !

- D'ici là, on maintiendra notre barque à flot, conclut Michaël.
- Et je déménage ! annonça Bert. J'ai peut-être trouvé un logement à Charing Cross.
- Décidément, tu ne peux pas rester trois mois au même endroit ! fit Jack avec un franc rire.

Les enfants écoutaient tranquillement la conversation. Les temps partagés avec toute leur famille étaient si rares... Ils étaient satisfaits de voir leur père et leur tante heureux.
- C'est dommage que Mary Poppins ne soit pas venue avec nous... déplora Georgie.
- C'est son jour de congé, elle avait sans doute des choses à faire, répondit son père.
- Des choses magiques !

Michaël sourit, mais ne le contredit pas. Vu d'un certain angle, on pouvait voir la venue de la nurse comme magique. Après tout, eux-mêmes l'avaient bien cru avec Jeanne, lorsqu'ils avaient l'âge des enfants !
Elle était toujours là quand on avait besoin d'elle. Beaucoup de questions resteraient sans réponse, et ce n'était pas plus mal comme ça.

Le rappel de son enfance fit affleurer un autre souvenir à la mémoire de Michaël. Il lança un regard à sa sœur, et un sourire espiègle rehaussa sa moustache.
- Jeanne, les enfants... On fait la course jusqu'à la maison ?

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Mary Poppins vérifia que son sac en tapisserie était bien fermé, puis jeta un œil au parc, où elle distingua sept silhouettes. Quatre adultes qui riaient et parlaient, trois enfants qui couraient et s'amusaient.
Un soupir que celui qui ne connaissait pas Mary Poppins aurait pu qualifier de mélancolique lui échappa.
- Regarde donc ! croassa la tête de son parapluie. Ils ne t'ont même pas proposé de venir !
- C'est mon jour de congé, Polly, renifla la nurse avec dédain. Et ce n'est pas ma place.
- Tu n'as pas envie de partir ! Tu n'as même pas récupéré ta boule à neige.
- Veux-tu te taire, ou je te laisserai dans le porte-parapluie.
- Pas avec les cannes ! glapit le faux oiseau. Tiens, le vent se lève.

En effet, une douce brise commençait à effleurer les branches des arbres, portant le parfum des fleurs printanières dans l'air.

Un vent d'ouest.
- Il est l'heure, déclara Mary Poppins.

La nurse ouvrit son parapluie noir, le déploya au-dessus de sa tête et laissa le vent le soulever.

Et elle s'envola.

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- Gagné ! s'exclama John en posant la main sur la poignée.

Il était essoufflé d'avoir tant couru. Le garçonnet reprit sa respiration quelques secondes, et ouvrit la porte du 17 Allée des Cerisiers.

Aussitôt, le vent s'engouffra dans la maison, éparpillant les tracts du SPRUCE que Jeanne avait empilés sur la table. Les papiers retombaient dans toute l'entrée comme des dizaines de flocons de neige.
- Oulà ! fit la voix distante d'Ellen depuis la cuisine. C'est l'ouragan ici, ma parole !
John fut aussitôt envahi d'un pressentiment. Il croisa le regard bleu de Bert, et comprit aussitôt.
- Quand les feuilles s'envoleront, murmura Georgie.
- Ce n'étaient pas des feuilles d'automne, dit John.
- Elle est partie, souffla Michaël à sa sœur. N'est-ce pas ?

Jeanne hocha la tête.
- Cette fois, c'était moi qui avais besoin d'aide... Cette femme est vraiment magique, Michaël.
- Bien sûr que oui, confirma Jack. C'est Mary Poppins !
- À peu de chose près, parfaite en tout point, conclut Bert.

Lorsqu'il leva la tête vers le ciel, il lui parut apercevoir l'ombre d'un parapluie.
- Revenez-nous vite.

Annabelle, elle, était immédiatement montée à la nursery, qu'elle avait trouvée vide, comme elle s'y attendait. Si elle avait constaté que son oiseau de bois était à sa place et n'avait pas bougé, toutes les affaires apportées par Mary Poppins avaient disparu. La nurse était bel et bien partie.

Un éclat sur la commode attira l'attention de la petite fille.
- Regardez ! cria-t-elle à ses frères. Mary Poppins a oublié quelque chose !
- Impossible, répondit Georgie. Mary Poppins n'oublie jamais rien.
- C'est son collier, commenta John.

Les trois enfants contemplèrent un instant le bijou. Les trois médaillons renvoyaient un rai de soleil et illuminaient la chambre.
- Qu'est-ce qu'on va en faire ?  demanda John.

Pour toute réponse, Georgie et Annabelle sourirent.
- Pardi ! On lui rendra quand elle reviendra !

Mary Poppins en coup de vent [TERMINÉ]Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum