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~  ᴘ ʀ ɪ ɴ ᴛ ᴇ ᴍ ᴘ s      ɪ ᴅ ʏ ʟ ʟ ɪ ǫ ᴜ ᴇ  ~

sᴏᴜᴠᴇɴɪʀs : ɪʟ ʏ ᴀ ᴅᴇᴜx ᴀɴs

𝔻𝕍 𝑀𝒾𝓃𝒽𝓎𝓊𝓃𝑔 / PDV Minhyung

Ça va bientôt faire deux semaines que je suis ici. Mon père m'avait dit qu'il m'enverrait un message si je rentrais bientôt, c'est-à-dire après le mois écoulé comme convenu, mais je crois que je vais rester plus longtemps finalement, parce qu'il ne m'a rien envoyé du tout. Les premiers jours ont vraiment été horribles. Ma "chambre" est, comment dire, très différente de celle que j'ai à Séoul. Les murs sont fins, recouverts d'un papier peint médiocre et il y fait très humide. J'ai attrapé un rhume la première nuit. En guise de lit, j'ai une couchette chauffante à même le sol, qui fait à peine ma taille en hauteur et pas très large non plus. Bref, autant dire que le premier matin, j'étais de très, très, très mauvaise humeur. 

Les petits déjeuners sont aussi déroutants et traditionnels que la maisonnette. Moi qui suis habitué au céréales et aux jus de fruits, j'étais sur le cul quand j'ai senti l'odeur du poisson grillé en me réveillant la première fois. J'avais mangé très peu le premier matin, pas accoutumé à la soupe et au riz à 9 heures. J'allais de surprises en surprises, quand après le petit-déj ma tante m'a poliment demandé de m'habiller chaudement pour aller aider aux champs. Et moi qui pensais me la couler douce ! Ouais, autant dire que les premiers jours ont carrément mit mes nerfs à vif. Et j'avoue, j'ai pas été franchement poli avec ma "famille d'accueil". Pour être franc, je crois que je me suis comporté comme un petit con. Ça me fait de la peine quand je me rend compte qu'à aucun moment ils ne m'ont remonté les bretelles pour mon comportement franchement déplacé. Au bout de six bons jours, j'ai commencé à me tenir correctement et à les traiter comme ils me traitaient, et c'était vraiment mieux comme ça. Ma chambre ne m'a plus paru si pourrie que ça et la campagne prenait des airs que je ne lui connaissait pas, des couleurs intenses et douces à la fois, et je me suis surpris à aime l'odeur de l'herbe coupée, du cèdre, de la terre humide et du bois brûlé. Et j'étais fasciné par la rivière aux cerisiers qui traverse le centre ville. En ce début d'été, les pétales tombaient et les arbres étaient encore chargés de fleurs roses, qui de loin ressemblait à autant de petits nuages de l'aurore matinale. Je me suis habitué au rythme dynamique de la vie à la ferme et j'ai oublié Séoul, mon père, mon demi-frère et la raison même de pourquoi j'étais ici. En fait, je ne m'étais jamais senti aussi apaisé.

Aujourd'hui Jiwoon, ma très marrante cousine, m'a demandé de l'accompagner à son rendez-vous avec un garçon. Elle était très stressée et avait envie que je sois dans le coin au cas où les choses finiraient mal. Quand elle m'a fait part de son inquiétude, je me suis imaginé qu'elle avait rendez-vous avec un mauvais type, un genre de mec hyper confiant qui se croit être le roi du monde, alors j'ai pris mon air le plus intimidant pendant qu'elle me tenait par le bras un peu en arrière jusqu'au café où ils avaient rendez-vous. Mais je me suis rendu compte que je n'avais aucun souci à me faire quand j'ai vu un petit gars avec des lunettes qui à rougit au sang quand il a vu Jiwoon dans sa robe à fleur et qu'il a bégayé en remontant douze fois ses lunettes :"J-Jiwoon tu es v-vraiment m-magnifique ...". Je les ai laissé dans leur embarras avec un sourire taquineur à l'attention de Jiwoon. 

Je me balade dans les ruelles. Mungyeong est vraiment une petite ville coupé du reste. Elle est entourée de partout par de vastes champs sans fin et le seul moyen de communiquer avec le reste du pays c'est cette minuscule gare où passent trois trains par jour. Tout le monde se connait ici, alors quand je passe devant les maisons les gens me jettent des regards intrigués. Ils doivent se demander : "Qui c'est celui là?" et  je trouve ça vraiment très drôle. Le dédale de ruelles que j'ai emprunté au hasard débouche sur l'avenue principale, celle qui longe la rivière au cerisiers. Le soleil est encore haut à l'ouest, l'après-midi est bien entamée, il fait chaud et les grillons chantent. Tout est d'un calme apaisant. Je rentre dans la supérette de l'angle de la rue pour m'acheter quelque chose à grignoter. A l'intérieur il fait à peine plus frais que dehors. Le vendeur me salue vaguement, un homme d'une soixantaine d'années au crâne dégarni qui transpire à grosse gouttes malgré le ventilateur de bureau sur le comptoir. Je déambule entre les étroites étagères de la petite supérette en attendant d'être inspiré par un produit. Une vieille musique folklorique grésille dans le haut-parleur de la boutique. Je décide de prendre une barre de melon Subak, paye et sort de la boutique. Et alors que je sors de l'épicerie, mon regard est happé. 

En face de moi, de l'autre côté de la rivière, un garçon est au téléphone. Il doit avoir à peu près mon âge. Il n'a rien de spécial et pourtant mon regard ne peut se décrocher de lui. Sa peau bronzé resplendit au soleil. On croirait que sa peau est recouverte d'or. Il regarde le sol. Il semble attendre quelqu'un. Ses cheveux blonds foncé volent au vent, découvrant  ainsi son visage alors qu'il lève la tête. Le soleil glisse sur son nez, sur ses joues et sur ses lèvres tandis qu'il sourit. Un sourire hypnotisant. Il raccroche, se tourne vers la gauche et sourit de plus belle en saluant trois garçons de son âge qui viennent vers lui en courant. La glace fondue qui coule sur mes doigts me rappelle à la réalité. Je me sens chaud. En continuant ma route hasardeuse, je crois mon regard dans le reflet de la vitre de la boulangerie. Il met au grand jour la rougeur de mon visage. Il faut que je me ressaisisse. J'ai juste chaud. J'ai peut-être pris un coup de soleil ? Il faut que je boive. Mon cœur bat à la folie. Non, je ne peux pas me sentir comme ça. C'est dégoûtant. C'est un garçon et moi aussi. C'est parce qu'il a un joli visage, ça me fait sûrement penser à une fille. Oui. Je n'aime pas les garçon c'est dégoûtant. Papa me l'a dit. Il ressemble à une fille c'est tout. 

Sans m'en rendre compte je suis tombé sur le café du rencard de Jiwoon. Elle est dehors et dit au revoir au garçon qui l'accompagnait. Elle ne semble pas m'avoir vu et dépose un timide et rapide baiser sur les lèvres de son amoureux et les deux rougissent jusqu'au sang en manquant par deux fois de se rentrer dedans. Le garçon s'en va lentement en lui faisait au revoir avec les bras au moins vingt fois. Jiwoon se retourne doucement, un air rêveur sur le visage. Ah, elle semble m'avoir vu. Je ne peux m'empêcher de rire. Elle rougit et se jette sur moi et me criant d'arrêter de me moquer d'elle. Et moi je ris de plus belle. 

On rentre lentement ensemble alors qu'elle continue de me bouder. 

Le ciel vire au orange brûlant, le vent souffle légèrement, l'air est chaud. L'image du visage de l'inconnu se dessine soudainement dans mon esprit. 

Mon cœur se chauffe lui aussi.

~ 𝒬𝓊𝒾𝑒𝓇𝑜 𝓈𝒶𝒷𝑒𝓇 𝓂𝒶𝓈 𝒹𝑒 𝓉𝒾. ~Where stories live. Discover now