Chapitre 58 : À la merci de tout le monde

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Je m'empresse de saisir le poignet d'Amaël avant qu'il n'aille abattre son épée sur Okrutan dans un élan de fureur. Un tel comportement pourrait lui être fatal.

— S'il te plaît, n'y va pas ! Attends d'avoir quelqu'un avec toi pour t'attaquer à lui. Tu es aveuglé par la haine et ça ne va mener à rien de bon. Laisse-moi t'aider ! le supplié-je en adoucissant mes paroles.

Mes derniers mots le font sortir de son obsession « Tuer le roi », car il me regarde avec un air rempli de colère.

— Comment ça m'aider ? me crie-t-il dessus. Tu vas suivre le plan à la lettre et tu vas partir, de ce qui va être un bain de sang, incessamment sous peu.

— Je ne partirai pas sans toi, tu as vraiment cru que j'allais te laisser tout seul ici, tu as rêvé mon petit ! m'emporté-je à mon tour.

— Tu n'as aucune expérience ! Tu ne sais pas manier l'épée et encore moins te battre.

Je sens dans son regard qu'il cherche désespérément une personne dans mon dos pour appuyer ses propos. Il ne faut pas plus de quatre secondes pour que le souffle de son ami parvienne à mes oreilles.

— Allez princesse, c'est par ici la sortie, murmure Borac. Il n'y a pas que moi, qui ne vais finalement pas participer à la bataille.

Amaël s'approche de moi et met sa paume délicatement sur mon épaule. Ses lèvres viennent tendrement effleurer les miennes dans un doux baiser. Puis il m'adresse un dernier regard amoureux avant d'aller se battre avec le premier garde qu'il croise sur sa route.

Je n'ai pas le temps de réagir que les mains imposantes et glaciales de Borac se posent brutalement sur moi. Je me débats férocement contre lui, car il tente de me pousser jusqu'aux escaliers de l'estrade.

— Lâche-moi, je te l'ordonne ! Il va mourir ! Par pitié, enlève tes sales pattes et va t'occuper des autres. Je n'ai besoin de personne pour me dire quoi faire ! m'énervé-je en tapant de toutes mes forces sur son bras.

Mais rien n'y fait, il ne desserre pas sa prise. Il en profite même pour me mettre sur son épaule telle un vulgaire sac à patates. Quel manque de finesse, ce gars !

Je me démène pour lui enfoncer mes ongles dans son dos, mais rien ne semble le perturber. Il continue sa course comme si de rien n'était, au milieu de centaines de cadavres qui gisent dans des mares de sang. L'odeur qui en émane est insupportable, que ça me donne le haut-le-cœur.

Au loin, je vois Loukas arriver avec mon père tous les deux avec une arme à la main prêt à prendre part au combat. Le plan de sauvetage a donc bien fonctionné et j'en suis ravie. Je vais enfin pouvoir après de longues années d'attente, échanger mon premier mot avec mon papa et lui dire à quel point il m'a manqué.

Il a dû sentir que je l'observais, car ce dernier se retourne et croise mon regard plein de larmes. Je n'arrive pas à contenir toute l'émotion que je ressens en le voyant me fixer avec tant d'amour. Même si je ne l'ai jamais rencontré ou encore jamais adressé la parole, puisque j'ai été envoyée en exil bébé sur Terre, j'ai l'impression que je le connais depuis toujours. Une partie de moi vient de regagner l'éclat qu'elle avait perdu. J'aperçois dans ses yeux en amande que l'émotion de nous retrouver, de nous voir est partagée. Cependant, même si cet instant est précieux, il ne nous faut pas tarder. La bataille fait rage autour de nous et Borac continue sa course avec moi sur le dos.

J'arrive à discerner un discret « je t'aime » sur le bout des lèvres de mon père, ce qui m'émeut encore plus. Puis celui-ci se retourne et charge le premier garde sur son passage.

Dans notre fuite, Borac emprunte une route, qui ne m'est pas inconnue.

— Attends Borac, arrête-toi s'il te plaît, le supplié-je en espérant qu'il m'écoute.

Mais à l'image de son ami, la tête de mule n'en fait qu'à sa tête et continue son chemin vers la forêt d'un pas décidé.

— Bordel ! Arrête-toi ! crié-je férocement. Je ne vais pas m'échapper, je veux juste aller sur le toit qui surplombe la place.

Face au débit de ma voix et à l'information que je viens de lui donner alors que je ne suis pas censé être au courant de cet endroit, il se stoppe soudain. Il me dépose à terre en me regardant très étrangement.

— Comment sais-tu ça ? me demande-t-il, inquiet, probablement, sur mes intentions.

— Je suis déjà venu ici dans un rêve, mais on n'a pas le temps de se pencher sur ce sujet. Suis-moi !

En arrivant dans le magasin, nous montons directement à l'échelle qui nous amène sur le toit du bâtiment. De là, je pourrais assister à la bataille sans même avoir à y participer. J'espère que nos hommes seront assez forts pour vaincre Okrutan et son régime totalitaire.

En atteignant le muret qui surplombe toute la place, je repère assez aisément mon père au milieu de tous. Il se bat au côté de Danyel, le père d'Amaël. Tous les deux manient assez bien l'épée à ce que je peux voir, mais les gardes d'Okrutan sont de plus en plus à se ramener sur eux. Ils ont bien compris que si l'une des figures de rébellion venait à mourir, alors la bataille serait presque gagnée. Okrutan, quant à lui, se trouve non loin entourer de ses sbires, qui se battent corps et âmes contre les rebelles.

Trois soldats arrivent à encercler mon père avec une vitesse hors du commun. Ils sont si rapides dans leur mouvement qu'il n'a pas le temps de réagir pour se protéger. L'épée d'un des gardes se plante dans son thorax avec une lenteur indescriptible. Mon cœur se compresse si fort que j'ai l'impression d'avoir moi-même reçu le coup. Je ne peux pas empêcher un cri de douleur de s'échapper de ma gorge. Ma souffrance est si intense que Borac, qui a dû assister à la scène, vient me serrer de toutes ses forces dans ses bras.

Je n'arrive plus à contrôler mes sanglots en observant le corps de mon père s'abattre progressivement sur le sol rouge vif joignant ainsi les centaines de cadavres. J'essaye de me débattre avec le peu d'énergie qu'il me reste pour aller le voir et le venger, mais Borac a la poigne dure. Je sais qu'il ne me laissera pas y aller où se serait signé mon arrêt de mort.

Borac me berce lentement au rythme des pleurs en faisant des cercles dans mon dos avec délicatesse pour tenter de m'apaiser. De toute façon, c'est peut-être encore un cauchemar, pensé-je en sachant pertinemment que cela ne se reproduira pas deux fois. Puis soudainement, Borac cesse tout mouvement, ses mains tombent subitement sur le sol. Son corps n'est qu'une pierre inerte.

Je me retourne presque aussitôt en alerte pour voir ce qui déclenche ce comportement chez mon ami. Je songe tout de suite à Amaël et mon regard le cherche dans cette foule en pleine agitation meurtrière. Je le repère assez aisément, c'est le seul à ne pas bouger. Il est figé au milieu d'une bataille à la merci de tout le monde. Qu'est-ce qu'il lui prend ? 

***

Coucou !

Je reviens enfin avec la suite, j'espère que d'ici la fin de l'année j'arriverais à finir cette histoire. Mais, je le sens, je suis bien partie. 

J'espère que ce chapitre vous a plu malgré la fin... 

N'hésitez pas à me faire des retours et à laisser des petits votes, ça fait toujours plaisir.

Bisous et à très bientôt !

Dans les songes de Kaelia [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant