Chapitre 17 - Dorian ♛ : Clien bienveillant.

9 4 0
                                    

J’ai eu le temps d’enlever mes lentilles cinq fois tellement l’absence de Tara commence à se faire longue. Les quatre nanas reviennent enfin lorsqu’Edgar descend à pas lent les escaliers métalliques. Sans un mot, il prend ma place au bar afin que je puisse m’installer sur la banquette en compagnie de certains clients, dont Samuel. Sa tignasse rousse ne ressemble à rien sous cette lumière Lila, mais son visage reste fidèle à lui-même. Installé à sa droite, ce dernier détecte un verre rempli d’hémoglobine.           
— Une humaine, hein ? Chapeau, Dorian. 

— Elle est malade, il faut que je garde un œil sur elle, au moins le temps qu’elle en finisse avec la maladie.   

Il rit avec légèreté, non sans moquerie, plutôt par dépit.

— Elle ne fera pas long feu, vu son état. J’entends ses poumons se défraîchir de plus en plus. 

— Je sais, mais je commence à me résigner. Elle a besoin de profiter de ses derniers jours. 

Il ne semble pas perturber alors que tous les vampires présents sur la banquette m’écoutent sans savoir en placer une. Il faut bien que je me fasse une raison, elle ne va pas survivre éternellement. Mon seul appui dans cette histoire est de la soutenir, quoi qu’il se passe, peu importe ce que je dois faire. Quitte à lui raconter toute ma vie pour la faire tenir un peu plus, je ne vais pas cracher dessus. 

Je l’observe se déhancher sur l’estrade, devant les chaises bondées d’autres vampires. Elle a le sourire aux lèvres. Cette expression sur son visage me fait tellement mal, d’un côté parce que j’aurais aimé qu’elle l’ait plus souvent et de l’autre, parce que c’est le dernier souvenir qui me restera d’elle. 

— Elle s’amuse en tout cas, pour une gonzesse malade. 

— Un peu trop. Pas faute de lui avoir dit de faire attention. 

Comme hypnotisée par son corps, je discute avec Sam sans la quitter du regard. Face à la banquette, j’entends Edgar continuer de servir certains gars posés au comptoir. Des ivrognes eux aussi, comme les humains. Heureusement pour nous, pas du même style que William Black. 

— Rassure-moi, tu ne comptes pas en faire ton Calice ? me demande-t-il en se tournant vers moi, l’air plus que sérieux malgré ses yeux injectés de sang. 

Son corps flasque est enfoncé dans le dossier, quasiment amorphe. 

— Non, je tiens à ma vie. J’aurais eu la certitude de la voir vivre plusieurs décennies, je n’aurais pas hésité. Là, c’est sans moi. 

— Et Edgar, il compte rester puceau toute sa vie ? se marre-t-il, gentiment. 

L’ex militaire se tourne brusquement vers nous. Ses pupilles à présent rouges lui lancent des éclairs. 

— Va te faire foutre, Samuel, pigé ? lance-t-il en travers de toute la salle, interpellant involontairement plusieurs d’entre eux. 

Les fous-rires éclatent, mais Edgar est aussi du genre à prendre tout au second degré. Depuis toujours, je sais qu’il n’a jamais eu le temps de se poser, et qu’il n’en avait un peu rien à faire de toutes ces histoires d’amour que l’on nous racontent sans cesse. Surtout pendant la guerre, il avait, de toute évidence, d’autres choses à faire. Quant à moi, je ne sais même pas si j’ai eu une vie de famille avant ma transformation. Et si c’était le cas ? Mon visage se décompose lorsque cette pensée me traverse l’esprit. Et si j’avais abandonné des gamins ?

— Dorian, t’es dans la lune. 

Un coup de poing vient heurter mon épaule, me faisant sortir de ma rêverie. C’est toujours Samuel, le client fidèle. Un sourire fleurit sur mon visage malgré mon esprit encore embrumé.         
   
Les filles terminent leur cirque, mais je peine à discerner Lamia s’approcher de moi en sautillant. Sans le vouloir, mon regard était toujours rivé vers la scène, se délectant inconsciemment des quatre corps, mais surtout celui de la petite brune.

Lamia : La Nuit Du Désespoir. {TERMINÉE}Where stories live. Discover now