Prologue - Point de vue externe.

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22 Juin 1990 – Hôpital de Glasgow.

— Respire-t-elle ? demande sourdement un médecin. 

Dans un mouvement effréné, il poussa le brancard sur lequel était allongée paisiblement la jolie Tara, un masque sur le visage. Elle venait de perdre les eaux, mais quelque chose n’allait pas : son rythme cardiaque était en train de flancher. 

— Difficilement, mais oui, lui répondit d’une voix tremblante la sage-femme vêtue d’une blouse rose pale.

Elle lui tenait son masque respiratoire, celui qui hantait ses jours et ses nuits. Ils avançaient à toute vitesse vers le bloc opératoire pour une césarienne d’urgence. Son bébé ne bougeait plus, ne donnait plus de signe de vie. Par le passé, on lui avait trop souvent répété que son choix d’avoir un enfant était égoïste de sa part, qu’elle était inconsciente. La mucoviscidose l’avait poussé dans ses retranchements, et durant longtemps elle avait pensé faire le mauvais choix. Aujourd’hui, elle en payait les frais, inconsciemment, certes, mais elle les payait et son mari aussi. Maxwell, c’était son nom. Il s’était toujours préoccupé de son état, de ses envies, mais celui-ci prenait une toute autre dimension, et c’était la vie de Tara qui était en danger. Tara pouvait s’estimait heureuse de faire partie des rares cas avérés de mucoviscidose toujours en vie à son âge. Vingt ans, et elle allait mourir d’un autre facteur que sa maladie incurable. Les trois présences tournaient autour d’elle, paniquées par son état et celui de Lana. 

Alors que le toubib et la sage-femme passaient enfin les portes d’une salle stérile et sans bruit, Maxwell était sur le point de vivre l’une des pires nuits de sa vie derrière les deux battants cobalt. Il était seul à ne pas savoir ce qu’il se passait derrière l’accès se trouvant à seulement quelques mètres de lui. Son corps tournait dans le couloir, rongé par le stress. Ses mains tremblaient et ses jambes flageolaient. Au beau milieu de l’obscurité naturelle de l’extérieur, il était prêt à passer la ligne interdite, celle de cette pièce d’où ne sortait aucun son. Il se débina, préférant souffrir un peu plus longtemps d’impatience. 

Seulement vers quatre heures du matin, le praticien en charge d’opérer Tara venait à la rencontre de Max, lui annonçant que sa fille n’avait pas survécu, mais que sa femme l’avait échappé de peu, si chanceuse. Soulagé et triste à la fois, il ne savait quoi faire ni penser. Sourire ou pleurer ? Pleurer et sourire, c’était ce qui lui convenait le mieux à ce moment-là. Ils se quittèrent, le cœur lourd, mais le pneumologue qu’était Max n’avait pas eu son dernier mot. Désormais, il n’était plus pris d’un sentiment de culpabilité le poussant à laisser Tara suivre sa grossesse comme bon lui semblait. Il n’avait jamais pu la convaincre de se résigner. Pourtant, il l’aimait plus que tout au monde, il croyait en sa force et sa détermination, bien que conscient que cela n’avait pas été la meilleure décision de sa vie. 
Dès l’aube, Tara était réveillée, à vrai dire, son sommeil n’avait jamais été aussi mauvais. Derrière la vitre en plexiglas de la chambre, Maxwell l’observait tenir sa fille inanimée dans les bras, pleurant toutes les larmes de son corps, hurlant toute la rage qu’elle pouvait avoir en elle. Il ne pouvait plus rien pour elle et se contentait de l’observer s’époumoner, les larmes ruisselaient sur ses joues, ses affaires et ses draps. Une buée se formait et se résorbait sur la glace. Il n’osait pas aller plus loin, et il avait peur pour la suite.

Lamia : La Nuit Du Désespoir. {TERMINÉE}Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt